Laïla, l'infirmière qui venait du futur
« Mon rêve serait que chacun de nous puisse accéder à la santé de la même manière, que ce soit en France ou à l’étranger. »
Avant d’être infirmière, vous avez été comptable, puis secrétaire médicale. Pourquoi avoir changé de voie ?
Pour donner un sens à ma vie et me sentir utile à la société. En tant que secrétaire médicale, j’adorais le contact humain et j'ai voulu en faire mon métier.
À 30 ans, avec 5 enfants en bas âge, j'ai repris mes études et trois ans plus tard, je travail-lais à l'hôpital de Tonnerre, dans le service du pool hospitalier.
J’ai fait tous les services. J’ai travaillé de jour et de nuit, puis de nuit seulement, pour pouvoir passer mes deux Diplômes Universitaires en deux ans. D’abord le DU plaies et cicatrisation à Dijon, puis le DU d’enseignement pratique pluridisciplinaire en santé connectée à Paris Diderot, dont c’était la première promotion.
« J'ai décidé de changer de voie pour donner un sens à ma vie et me sentir utile à la société. »
En plus de votre poste actuel, vous avez développé un projet de télémédecine ambulatoire. À quels besoins répond-t-il ?
C’est une réponse au désert médical et au manque de coordination entre ville et hôpital. Les temps d’attente trop longs, les patients qui, sans médecin, se retrouvent aux urgences des heures, alors qu’ils pourraient être pris en charge par une infirmière libérale…
Et puis de plus en plus de soins ambulatoires sont faits à l’extérieur : il faut aller vers le patient, à son domicile.
« On pourra par exemple faire des polysomnographies à domicile, plutôt que de faire venir les patients à l’hôpital, où ils ont du mal à dormir à cause de l'anxiété et du stress. »
Concrètement, que permettra de faire la télémédecine ambulatoire ?
La première chose, c’est qu’après une opération, les patients pourront sortir de l’hôpital et être suivis par une infirmière à leur domicile.
Pour les maladies chroniques (diabète, hypertension…), en cas d’épisode aigu, une infirmière pourra passer chez le patient pour prendre les différents paramètres, récolter la donnée et la transférer aux différents professionnels qui le suivent.
La télémédecine ambulatoire permettra aussi de faire de l'éducation thérapeutique et de poser des diagnostics. On pourra par exemple faire des polysomnographies à domicile, plutôt que de faire venir les patients à l’hôpital, où ils ont du mal à dormir à cause de l'anxiété et du stress. Idem pour les ECG.
On pourra réaliser des téléconsultations assistées par une infirmière compétente dans son domaine, qui prendra les différentes constantes et les enverra au médecin en temps réel, etc.
L’objectif, c’est de libérer du temps médical, de pouvoir mieux suivre les patients (surtout pour les maladies chroniques), et de faire du dépistage et de la prévention.
« Les infirmières libérales que je rencontre me disent souvent : « Pourquoi tu veux faire un projet pour nous, alors que tu es infirmières hospitalière ? »
Vous travaillez actuellement avec l’ARS de Dijon pour concrétiser le projet, notamment lister les actes réalisables par une «infirmière connectée». Quel sera votre rôle, à l’avenir ?
Je serai l'infirmière connectée de référence sur le projet. C’est moi qui vais le mettre en place sur le terrain et l’expérimenter. Mais j'espère que les infirmières libérales comprendront ce virage numérique et le prendront, elles aussi.
Celles que je rencontre me disent souvent « Pourquoi tu veux faire un projet pour nous, alors que tu es infirmières hospitalière ? ».
J’ai constaté que certains patients sont à l’hôpital, alors que le médecin ne va pas forcé-ment les voir de la journée. Ces patients pourraient très bien rentrer chez eux, avec une infirmière libérale qui passe deux fois ou trois fois par jour.µ
Moi en tant qu’infirmière, je dois pouvoir récolter l’information et alerter le médecin au be-soin. Mais pour ça, je n’ai pas toujours la nécessité que le patient soit présent sur place.
Qu'est-ce que ce projet vous apporte, personnellement ?
J’aime savoir que les patients vont trouver des solutions et être mieux suivis. Savoir qu’ils pourront rester chez eux un maximum. J’y tiens, parce je pense que c'est la meilleure chose pour eux. À la fois pour leur santé et pour leur bien-être.
« Je tiens à ce que les gens puissent restent chez eux au maximum, parce que je pense que c'est la meilleure chose pour eux. »
Ce que je voudrais pour mes grands-parents, mes parents ou mes enfants, je le veux pour tout le monde. Donc j'essaie d’améliorer les choses à mon niveau. Je pense qu'on en est tous capable, quel que soit notre métier.
Quel est l’impact de tout ça sur votre vie privée ?
Je discute beaucoup de mes projets avec mon mari et mes enfants, et ils sont toujours fiers et ravis. Ils voient bien que ça fait partie de mon équilibre : je ne serais pas épanouie à 100%, si j’étais uniquement infirmière dans un hôpital.
J’ai une vie familiale bien chargée, il y a parfois de la fatigue, mais je garde cette envie de changer les choses. L’audace, aussi. Parce qu’il faut de l’audace et de l’optimisme, pour faire bouger les choses.
« Il y a parfois de la fatigue, mais je garde l’envie de faire changer les choses. »
Le mot de la fin ?
Je crois que chacun à notre niveau, qu’on soit étudiant ou professionnel de santé, on peut changer les choses si on est motivé, si on est passionné par l'humain.
Mon rêve serait que chacun de nous puisse accéder à la santé de la même manière, que ce soit en France ou à l’étranger.
Le CV express de Laila : |
37 ans, Infirmière hospitalière à Tonnerre (BFC)
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