Podcasts portraits d'infirmières

Episode 1 - Laïla, l’infirmière qui venait du futur

Avec la série de podcasts Portraits d'infirmières, des soignants partagent au micro de la MACSF leur parcours, leurs idées, leurs projets et les valeurs qui les ont amenées à choisir ce métier. Le premier épisode part à la rencontre de Laïla Hamdouni, infirmière connectée en lutte contre les déserts médicaux. 

Laïla Hamdouni a 37 ans et déjà vécu plusieurs vies. D’abord comptable, puis secrétaire médicale, elle a changé de voie à 30 ans pour devenir infirmière. Comme si ce parcours ne suffisait pas à la rendre inspirante, celle qui se décrit comme une « nurse futuriste » a décidé de lancer un projet expérimental de télémédecine ambulatoire avec l’ARS et les infirmières libérales de son secteur. 

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Laïla, l'infirmière qui venait du futur

« Mon rêve serait que chacun de nous puisse accéder à la santé de la même manière, que ce soit en France ou à l’étranger. »

Avant d’être infirmière, vous avez été comptable, puis secrétaire médicale. Pourquoi avoir changé de voie ?

Pour donner un sens à ma vie et me sentir utile à la société. En tant que secrétaire médicale, j’adorais le contact humain et j'ai voulu en faire mon métier.
À 30 ans, avec 5 enfants en bas âge, j'ai repris mes études et trois ans plus tard, je travail-lais à l'hôpital de Tonnerre, dans le service du pool hospitalier.
J’ai fait tous les services. J’ai travaillé de jour et de nuit, puis de nuit seulement, pour pouvoir passer mes deux Diplômes Universitaires en deux ans. D’abord le DU plaies et cicatrisation à Dijon, puis le DU d’enseignement pratique pluridisciplinaire en santé connectée à Paris Diderot, dont c’était la première promotion.

« J'ai décidé de changer de voie pour donner un sens à ma vie et me sentir utile à la société. »

En plus de votre poste actuel, vous avez développé un projet de télémédecine ambulatoire. À quels besoins répond-t-il ?

C’est une réponse au désert médical et au manque de coordination entre ville et hôpital. Les temps d’attente trop longs, les patients qui, sans médecin, se retrouvent aux urgences des heures, alors qu’ils pourraient être pris en charge par une infirmière libérale…
Et puis de plus en plus de soins ambulatoires sont faits à l’extérieur : il faut aller vers le patient, à son domicile.

« On pourra par exemple faire des polysomnographies à domicile, plutôt que de faire venir les patients à l’hôpital, où ils ont du mal à dormir à cause de l'anxiété et du stress. »

Concrètement, que permettra de faire la télémédecine ambulatoire ?

La première chose, c’est qu’après une opération, les patients pourront sortir de l’hôpital et être suivis par une infirmière à leur domicile.
Pour les maladies chroniques (diabète, hypertension…), en cas d’épisode aigu, une infirmière pourra passer chez le patient pour prendre les différents paramètres, récolter la donnée et la transférer aux différents professionnels qui le suivent.
La télémédecine ambulatoire permettra aussi de faire de l'éducation thérapeutique et de poser des diagnostics. On pourra par exemple faire des polysomnographies à domicile, plutôt que de faire venir les patients à l’hôpital, où ils ont du mal à dormir à cause de l'anxiété et du stress. Idem pour les ECG.
On pourra réaliser des téléconsultations assistées par une infirmière compétente dans son domaine, qui prendra les différentes constantes et les enverra au médecin en temps réel, etc. 

L’objectif, c’est de libérer du temps médical, de pouvoir mieux suivre les patients (surtout pour les maladies chroniques), et de faire du dépistage et de la prévention.

« Les infirmières libérales que je rencontre me disent souvent : « Pourquoi tu veux faire un projet pour nous, alors que tu es infirmières hospitalière ? »

Vous travaillez actuellement avec l’ARS de Dijon pour concrétiser le projet, notamment lister les actes réalisables par une «infirmière connectée». Quel sera votre rôle, à l’avenir ?

Je serai l'infirmière connectée de référence sur le projet. C’est moi qui vais le mettre en place sur le terrain et l’expérimenter. Mais j'espère que les infirmières libérales comprendront ce virage numérique et le prendront, elles aussi.
Celles que je rencontre me disent souvent « Pourquoi tu veux faire un projet pour nous, alors que tu es infirmières hospitalière ? ».
J’ai constaté que certains patients sont à l’hôpital, alors que le médecin ne va pas forcé-ment les voir de la journée. Ces patients pourraient très bien rentrer chez eux, avec une infirmière libérale qui passe deux fois ou trois fois par jour.µ
Moi en tant qu’infirmière, je dois pouvoir récolter l’information et alerter le médecin au be-soin. Mais pour ça, je n’ai pas toujours la nécessité que le patient soit présent sur place.

Qu'est-ce que ce projet vous apporte, personnellement ?
J’aime savoir que les patients vont trouver des solutions et être mieux suivis. Savoir qu’ils pourront rester chez eux un maximum. J’y tiens, parce je pense que c'est la meilleure chose pour eux. À la fois pour leur santé et pour leur bien-être.

« Je tiens à ce que les gens puissent restent chez eux au maximum, parce que je pense que c'est la meilleure chose pour eux. »
Ce que je voudrais pour mes grands-parents, mes parents ou mes enfants, je le veux pour tout le monde. Donc j'essaie d’améliorer les choses à mon niveau. Je pense qu'on en est tous capable, quel que soit notre métier.

Quel est l’impact de tout ça sur votre vie privée ?
Je discute beaucoup de mes projets avec mon mari et mes enfants, et ils sont toujours fiers et ravis. Ils voient bien que ça fait partie de mon équilibre : je ne serais pas épanouie à 100%, si j’étais uniquement infirmière dans un hôpital.
J’ai une vie familiale bien chargée, il y a parfois de la fatigue, mais je garde cette envie de changer les choses. L’audace, aussi. Parce qu’il faut de l’audace et de l’optimisme, pour faire bouger les choses.

« Il y a parfois de la fatigue, mais je garde l’envie de faire changer les choses. »

Le mot de la fin ?

Je crois que chacun à notre niveau, qu’on soit étudiant ou professionnel de santé, on peut changer les choses si on est motivé, si on est passionné par l'humain.
Mon rêve serait que chacun de nous puisse accéder à la santé de la même manière, que ce soit en France ou à l’étranger.

Le CV express de Laila :

37 ans, Infirmière hospitalière à Tonnerre (BFC)

  • D’abord comptable, puis Secrétaire médicale
  • À 30 ans, elle se reconvertit et sort diplômée de l’IFSI
  • Puis D.U Plaies & cicatrisation (Dijon) + D.U Santé connectée (Paris Diderot)
  • À l’origine d’un projet de télémédecine ambulatoire
  • Actuellement chargée de sa mise en place terrain

Episode 2 - Abdelaali, entrepreneur d’intérêt général

Ce deuxième épisode part à la rencontre d’Abdelaali Elbadaoui, qui milite depuis plus de dix ans contre la précarité médicale et sociale. 

Sur son compte twitter, Abdelaali El Badaoui se décrit comme un « Entrepreneur d’intérêt général ». L’intérêt général, cet infirmier libéral de 36 ans y tient tellement qu’il en a fait la mission de son ONG, Banlieue Santé. Basée à Bobigny en région parisienne, l’association agit pour un meilleur accès à la santé dans les banlieues et les déserts médicaux en général. 

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Abdelaali, entrepreneur d'intérêt général

« Le premier sujet, c'est l’information : qu’elle arrive au bon moment à la bonne personne, pour l’accompagner au mieux dans sa prise en charge médicale. »

« La vraie valeur ajoutée de ce projet, c’est qu’on connaît les habitudes des gens qu’on accompagne. On sait comment ils fonctionnent, on sait leur parler. »

En parallèle de votre activité d’infirmier libéral, vous avez créé l’association Banlieue Santé. Quelles sont ses missions ?

C’est une initiative qui est née il y a plus de 10 ans, pour agir contre les inégalités de santé et les inégalités sociales et promouvoir une santé publique inclusive. On a ensuite décidé de créer officiellement une association en juin 2018.
L’objectif, c’est d’accompagner des patients sortis du parcours de soins, ou qui y ont difficilement accès. En France, on a énormément d'offres de soins, mais qui ne sont pas forcément coordonnées. Le premier sujet, c'est donc l’information : qu’elle arrive au bon moment, à la bonne personne, pour l’accompagner au mieux dans sa prise en charge médicale.

Ça passe par quels types d’actions, concrètement ?

C’est par exemple prendre en charge sur le plan social une personne dont les droits CMU ou ALD sont arrêtés. Ou accompagner un patient illettré qui cherche à voir un médecin rapidement, mais ne sait pas où aller ou ne sait pas qu’il lui faudrait un spécialiste.
On organise aussi des ateliers d'éducation thérapeutique (dans des centres sociaux, des maisons de quartier, au pied des immeubles…) pour sensibiliser la population : sur le diabète, les maladies cardiovasculaires, l’hypertension, le dépistage…

« Les plupart des bénévoles de l’association sont issus des banlieues, et ont décidé de s’engager pour redonner du temps là où ils ont grandi. »

L’une des particularités de Banlieue Santé, c’est de regrouper toutes sortes de professionnels : médecins, infirmières, sages-femmes, kiné, aides-soignants, auxiliaires de vie, ambulanciers… Pourquoi ?

Notre objectif, c'était de rassembler différentes compétences pour les mettre au service de la population. La plupart des gens qui ont rejoint Banlieue Santé sont issus des ban-lieues. Leur engagement, parce qu’ils ont grandi dans ces banlieues, c’est de redonner du temps là où ils ont grandi.
La vraie valeur ajoutée de ce projet, c’est qu’on connaît les habitudes des gens qu’on accompagne. On sait comment ils fonctionnent, on sait leur parler.

« On travaille notamment sur un projet de camion mobile de dentisterie, pour proposer des soins dans les quartiers, mais aussi dans les communes rurales. »

Le projet implique aussi des patients, des professionnels du social, de la technologie… Vous avez même créé des startups en lien avec la mission de Banlieue Santé. En quoi elles consistent ?

En créant l’écosystème de l’association, on s’est rendu compte qu’on pouvait réfléchir tous ensemble à créer des solutions innovantes.
On a notamment un projet de télé-médecine inclusive, alliant l'intelligence artificielle et l'intelligence humaine ; on est en bêta-test sur un projet de bracelet connecté, pour lutter contre l'isolement social ; on porte un projet de camion mobile de dentisterie, qui pourra proposer des soins au pied des quartiers, mais aussi dans les villages et les communes rurales.
On a aussi comme projet de déployer cette année des cabines de télé-consultation fixes, qui seront installées dans les quartiers. On proposera à des jeunes de se former à l'utilisation de ces cabines pour pouvoir se réinsérer.
On fait aussi un travail de tutorat et de mentorat pour aider des jeunes à devenir médecin, infirmière, kiné, sage-femme, etc.

« L’objectif en 2019, c’est de trouver des partenaires qui vont porter le projet et nous mécéner. »

La structure date de 2018, mais le projet remonte à beaucoup plus longtemps que ça… Où en est l’association, aujourd’hui ?

Jusqu'à maintenant, elle était basée uniquement sur le bénévolat. Mais le projet a pris tellement d’ampleur que nous sommes surchargés de demandes. On ne peut pas faire ce travail au quotidien en étant bénévole, donc il nous faut des personnes salariées.
L’objectif de cette année 2019, c’est justement de trouver des partenaires qui vont porter le projet et nous mécéner. Il nous faut aussi davantage d'aide et d'accompagnement de la part des pouvoirs publics.

Qu’est-ce que toutes ces activités vous apportent en plus de votre métier ?

Une richesse d’esprit, une richesse du cœur… Et puis le projet nous permet d'avoir accès à des personnes et des organismes qu'on n’aurait pas pu toucher sans cet engagement associatif.
Finalement, ce projet-là, c'est un projet de vivre ensemble. Tout le monde peut vivre et travailler ensemble autour de ce sujet de la santé, qui nous touche tous.

« Le premier soin, ce n’est pas le médicament : c'est la bienveillance, c'est le sourire, c'est le bonjour. »

Quels conseils donneriez-vous à des étudiants infirmiers aujourd'hui ?

Ne vous dites pas que le premier soin, c'est le médicament. Dites-vous que le premier soin, c'est la bienveillance, c'est le sourire, c'est le bonjour.

Le mot de la fin ?

La santé est un message universel. Je pense que nous, professionnels de santé, en nous engageant davantage sur le plan social et médical, nous pouvons contribuer à un meilleur monde.

Banlieue Santé en quelques chiffres 

  • 60 000 patients accompagnés en banlieue et en milieu rural
  • 225 000 visites à domiciles en dix ans
  • 2000 bénévoles
  • XX cabines de téléconsultation fixes en cours de développement

Episode 3 - Marion, l'infirmière qui rend l'hôpital polyglotte

Dans ce troisième épisode, notre journaliste Anne Dhoquois a rencontré Marion Verdaguer, infirmière de nuit aux urgences, qui nous explique comment elle a créé TraLELHo, un outil de traduction gratuit qui aide soignants et patients à mieux se comprendre. 

Comment mieux prendre en charge les patients non francophones ? Comment recueillir les bonnes infos, expliquer les démarches et les actes ? Souvent confrontée à ces questions dans son poste d’infirmière aux Urgences à Rennes, Marion Verdaguer, 38 ans, a décidé de prendre les choses en main. Elle a créé TraLELHO.fr, un outil de traduction dédié aux patients et aux soignants. Gratuit et entièrement basé sur le bénévolat, il compte actuellement plus de 50 phrases traduites, dans 109 langues. 

 

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Marion, l'infirmière qui rend l'hôpital polyglotte

« Quand les gens reconnaissent leur langue natale, quand ils se rendent compte qu'on va s’occuper de leurs difficultés, ils sont tout de suite soulagés, plus souriants… Ça facilite forcément la prise en charge. »

Vous êtes infirmière depuis 2002, mais c’est en arrivant dans votre service d’urgences en 2015, que vous avez eu l’idée de créer TraLELHo…

Oui, c’est ce qui a un peu précipité la création du site. Aux urgences, je me suis retrouvée face à des personnes qui parlaient peu ou pas du tout le français. On avait du mal à poser des questions et obtenir la réponse, on perdait beaucoup de temps à traduire avec le peu d’outils existant (Google Traduction, par exemple), et les traductions qu’on obtenait n’étaient pas fiables.

Or, par exemple, on ne peut pas faire la différence entre des palpitations et une douleur musculaire juste par observation ou en prenant une tension. Il faut poser une question précise et il faut que la question soit comprise. Sinon, la personne répond à côté et on risque de se tromper de diagnostic.

On se retrouvait en plus à traduire toujours les mêmes phrases en différentes langues, parfois plusieurs fois par nuit.
C’est là que je me suis dit : « Autant traduire ces phrases une bonne fois pour toute, dans toutes les langues, et créer un outil qu’on pourra réutiliser pour gagner du temps. »

« C’est un outil en ligne gratuit et ouvert à tous, qui permet de traduire les principales phrases utilisées aux urgences dans une centaine de langues différentes. »

Concrètement, comment ça marche, TraLELHo ? Comment on l’utilise ?

C’est un outil gratuit, ouvert à tous et disponible sur Internet, qui permet de traduire les principales phrases utilisées aux urgences dans une centaine de langues différentes.

On présente au patient la page d’accueil du site, où se trouve une mappemonde. La personne nous indique de quelle région du monde elle vient. En cliquant sur la zone en question, les drapeaux des pays disponibles apparaissent (souvent, le patient connaît son drapeau national et peut nous l’indiquer). On arrive ensuite dans la langue principale indiquée pour le pays (souvent la langue officielle). Si le patient ne reconnaît pas les premiers mots affichés, on passe aux autres langues parlées dans le pays, jusqu’à tomber sur une langue qu’il comprend et peut lire.

Oui, parce qu’il n’y a pas de version sonore des phrases. Il faut pouvoir les lire…

Voilà. Ça, c’est un des points faibles du site et on le sait : il faut que la personne ou son accompagnant puisse lire et prononcer la phrase traduite.

Nous, en tant qu’infirmières, on ne se lance pas à lire les phrases proposées, même pour les langues latines. Parce qu’on sait qu’on ne le fera pas avec la bonne prononciation.

« Pour faire le tri entre les cas graves et les autres, on pose un peu toujours les mêmes questions : Est-ce que vous avez des palpitations ? Depuis quand ressentez-vous ces douleurs ? Est-ce une douleur qui serre ? Qui brûle ? Des fourmillements, etc. »

Comment s’est fait le choix des phrases disponibles dans TraLELHo ?

Il s’est fait au fil des jours, en fait. À l’accueil des urgences, pour faire le tri entre les cas graves et les autres, on pose un peu toujours les mêmes questions : « Est-ce que vous avez des palpitations ? », « Depuis quand ressentez-vous ces douleurs ? « Est-ce que c'est plutôt une douleur qui serre, une douleur qui brûle, des fourmillements ? ». Toutes ces questions qui vont déterminer le degré d’urgence.

Comment avez-vous créé le site et ses traductions ?

D'abord, il a fallu lister les questions. Suffisamment de questions pour que l’outil soit utile, mais pas non plus trop, pour ne pas être submergés.

Il a fallu ensuite trouver une centaine de traducteurs, pour que chacun traduise les phrases dans sa langue natale. Je contactais des natifs de telle ou telle langue à ajouter, des gens qui apprenaient une langue étrangère (par exemple le français ou l’anglais) et je leur proposais de m'aider bénévolement à traduire les phrases dans leur langue de naissance. De mon côté, je compilais les phrases pour créer l’outil. Et ensuite, il a fallu coder tout le site.

Vous avez lancé le site en 2016. Quel a été son impact ?

Il a reçu plus de 40 000 visites depuis son ouverture et le nombre n'arrête pas d’augmenter. Les retours sont pour l’instant tous positifs. Les gens sont ravis d'avoir trouvé cet outil. Après l’avoir découvert, ils l’utilisent de manière répétée. Je sais que mes collègues me soutiennent et qu’ils sont ravis de pouvoir utiliser cet outil au quotidien, parce qu’il correspond vraiment à leur besoin.

« Aujourd’hui, le site compte aussi une section dédiée au pré-hospitalier, une section pour les patients hospitalisés, des phrases pour la radiologie, le secrétariat, l’anesthésie… »

Est-ce que TraLELHo a connu des évolutions, depuis sa création ?

Oui, beaucoup. On a ajouté une section pour le pré-hospitalier, avec des questions spécifiques aux ambulances, au SAMU, aux pompiers, dans une version qu’ils puissent consulter sur leur téléphone rapidement.

On a aussi ajouté des sections pour les patients hospitalisés, pour qu’ils puissent dire s’ils ont froid ou faim, s’ils ont envie d’uriner, etc. Et aussi des phrases pour les soignants, pour expliquer qu’ils vont devoir faire une prise de sang, ou une radiographie…

On a également ajouté des traductions pour les services de radiologie, de secrétariat, d’anesthésie. Pour qu’on puisse expliquer à une personne hospitalisée comment va se dérouler l’anesthésie, le bloc, ce qu’il se passera après, etc.

Est-ce que toutes les langues sont disponibles ?

À l’ouverture, on comptait 60% des langues traduites. Aujourd’hui, on doit en être à 95 %. Il doit me rester 5 langues à traduire. Le turkmène, par exemple : je n’ai trouvé personne qui le parle et soit capable de me traduire des phrases du turkmène vers le français…

« On a le projet de passer de 50 phrases traduites à 450, et de créer une application en plus du site. »

Est-ce que vous imaginez d'autres changements pour TraLELHo, à l’avenir ?

On a le projet de passer d'environ 50 phrases traduites à 450. Développer une application, permettant de traduire de n'importe quelle langue vers n’importe quelle autre langue sans avoir à se connecter à Internet. J’ai trouvé un partenaire pour m’y aider.

Ce projet a changé des choses, dans votre façon d’appréhender les patients ?

Non, mais ça modifie les réactions des patients. Quand on propose aux gens un outil adapté, quand ils reconnaissent leur langue natale, quand ils se rendent compte qu'on va s’occuper de leurs difficultés, ils sont tout de suite soulagés, plus souriants… Ça facilite forcément la prise en charge. On ne réapprend pas à soigner, mais on a l'impression qu’au moins, on fait notre métier du mieux qu'on peut. On a l'impression d'être plus efficace, d'être un meilleur soignant.

« Parfois, c’est compliqué, mais je ne lâche pas l’affaire. J’ai un projet, je le vis jusqu’au bout. Même si ça veut dire faire un travail de fourmi, même s’il faut coder lettre par lettre. »

Qu’est-ce que ce projet dit de votre personnalité ?

J'essaie d'aider les gens au maximum avec les moyens que j’ai. Je ne compte pas mes heures pour faire avancer les choses et j’essaie de ne pas m’arrêter, de ne pas me démoraliser…

Parfois, c’est un peu compliqué : on a du mal à trouver des traducteurs, on a du mal à se comprendre, du mal à leur expliquer que c'est un projet solidaire et qu’on n’a pas de fonds pour payer leur traduction…

Mais c'est pas grave, on continue. Je ne lâche pas l’affaire. J'ai un projet, je le vis jusqu’au bout… Même si ça veut dire faire un travail de fourmi, même s’il faut coder lettre par lettre.

Quel conseil inspiré de cette expérience donneriez-vous à des étudiants infirmiers ?

Si vous avez envie de monter de grands projets, n’attendez pas forcément d'être une dizaine pour vous lancer, n’attendez pas forcément d'être reconnus ou suivis. Il faut se lancer, il faut essayer, il faut y croire et ne pas abandonner, ne pas lâcher.

Le mot de la fin ?

J’espère que le site va continuer à grandir et à se faire connaître. Et j’espère qu’on réussira à faire aboutir ce projet d’application, qui est très attendu.

Tralelho.fr en quelques chiffres 

  • Créé en 2016
  • 40 000 visites depuis son lancement
  • 109 langues disponibles
  • 50 phrases traduites aujourd’hui, 450 demain
  • 108 contributeurs en 3 ans
  • Une appli en préparation

Episode 4 - Anne-Sophie et la "cagnotte des proches"

Dans ce quatrième épisode, notre journaliste Anne Dhoquois a rencontré Anne-Sophie Roturier, qui a fondé un service de cagnotte solidaire entièrement dédiée à la santé.

Être malade ou vivre avec un handicap entraîne toute une série de frais directs et indirects que sécurité sociale et mutuelle ne suffisent pas à couvrir. Résultat : de nombreuses familles font face à des restes à charge qui les fragilisent ou les obligent à renoncer à des équipements et des soins. C’est face à ce constat qu’Anne-Sophie a eu l’idée de créer un site de cagnotte dédié, où proches et anonymes peuvent contribuer aux soins et aux projets médicaux des autres. Baptisé « La cagnotte des proches », le site a déjà permis d’aider plus de 160 familles depuis sa création en 2016.

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Anne-Sophie et la "cagnotte des proches"

En quoi ça consiste exactement, la cagnotte des proches ?

C'est une cagnotte en ligne qui a été créée pour aider des familles (des malades, leurs proches ou même des associations d'intérêt général) à financer des restes à charge de la maladie. Ça peut être des soins, du matériel médical, des projets sportifs, des défis sportifs, aménager la maison, aménager la voiture… Tout ce qui ne peut pas être financé aujourd'hui par la sécurité sociale ou la mutuelle.

Le malade ou un proche crée une cagnotte en ligne, et ça génère un lien internet qu’il va pouvoir partager dans son réseau pour commencer à collecter des dons.

Qu’est-ce qui vous a menée à monter ce projet ? Quel a été votre parcours ?

J'ai toujours eu beaucoup d'empathie pour les malades. Depuis que j'ai 6 ans, je veux travailler en milieu hospitalier. J'ai découvert le métier d'infirmière pendant un stage en seconde et ça a été une révélation. En 2001, je suis devenue infirmière, j’ai pas mal travaillé en cancérologie, en chirurgie gynécologique, orthopédique…

Et puis en 2006, ma maman est décédée, d’un cancer assez foudroyant. Là j’ai réalisé que j'avais envie de sortir de ma routine, d’apprendre et d'aller plus loin dans mon parcours professionnel. J’ai rejoint le secteur de l’entreprise, comme infirmière coordinatrice et commerciale, pendant trois ans.

En 2010, mon mari, qui travaillait également dans la santé, a été muté aux États-Unis. Là-bas, j'ai découvert les plateformes de crowdfunding (NDLR : financement participatif) dédiées aux patients. Et en rentrant en France, on a fait le constat que ces plateformes n'existaient pas, ici. Il existe des plateformes généraliste, mais pas de plate-forme dédiée aux patients.

« Il n’existe pas de cagnotte en ligne dédiée à la santé, en France. Or, on n’a plus le choix. La sécu et la mutuelle ne suffisent pas, donc on a besoin de ces cagnottes en ligne pour financer les restes à charge. »

Or, aujourd’hui, on n’a plus le choix. La sécu et la mutuelle ne suffisent pas, donc on a besoin de ces cagnottes en ligne pour financer les restes à charge dans la santé. Pour qu'une personne atteinte de cancer qui perd son job du jour au lendemain parce qu'elle est malade, ne subisse pas cette double peine… C'est ça qui me qui me touche. Être atteint d'une maladie et derrière, devoir aussi subir cette charge financière… Je vois des histoires qui ne devraient même pas exister. Pas en France.

On vous sent un peu en colère. Est-ce que c'est un moteur pour vous ?

Oui, c’est sûr. Les témoignages que j'ai de familles que j’accompagne, de parents, c'est assez terrible… Dans le handicap, par exemple. Moi, ça me fait mal de voir des parents qui ne peuvent pas avoir de baignoire adaptée ou de table à langer adaptée pour changer leur enfant, parce qu’ils n’en ont pas les moyens.

En quoi elles aident et qui elles aident, ces cagnottes, justement ?

Une cagnotte sur deux est liée à un cancer : financer des soins de support comme la psychothérapie, la sophrologie, l’acupuncture, les massages… Financer aussi des accessoires qui pallient les effets secondaires des chimiothérapie et de la radiothérapie : des perruques, des vernis pour éviter de perdre ses ongles, des soins pour le corps quand on a la peau brûlée par la radiothérapie… Toutes ces choses qui occasionnent beaucoup de frais, qui ne sont absolument pas prises en charge et qui donnent un vrai confort aux malades.

« 1 cagnotte sur 2 est liée à un cancer : financer des soins de support, des accessoires… Toutes ces choses qui coûtent cher, ne sont pas prises en charge, mais donnent un vrai confort aux malades. »

Mais j’ai constaté qu’au-delà de l’aide financière, ces cagnottes devenaient de vraies cagnottes thérapeutiques. Ça booste énormément le moral et ça participe à la guérison, ou au moins à l'acceptation de la maladie. J'ai vu beaucoup de personnes en fin de vie qui étaient dans des sentiments de colère et de peur, et que les soins de support ont aidées à partir de manière sereine. Or, quand le patient part de manière sereine, la famille l’est aussi. C’est un soulagement pour tous. Ça pour moi, ça n'a pas de prix.

Et à ceux qui donnent, ça leur apporte quoi ? Je pense qu'on a besoin de recréer du lien et de se sentir utile, et la cagnotte des proches, c’est ça aussi. C’est aider le malade, mais aussi permettre au donateur de faire du bien autour de lui. Et tout ça, ça participe au bien-être du malade et du donateur.

Le nombre de malades qui me disent « Moi j'ai personne, tout le monde s'en moque, personne m’appelle… » Mais non, en fait c'est juste que les proches ne savent pas comment se manifester, face à la maladie. La maladie fait peur, on craint d'être maladroit, de dire des choses qui vont blesser… Cette cagnotte, c'est un moyen concret de soutenir un proche malade.

« Beaucoup de malades me disent : « Moi j'ai personne, tout le monde s'en moque… » Mais non. C’est juste que les proches ne savent pas comment se manifester. Cette cagnotte, c’est un moyen concret de soutenir un proche malade. »

Beaucoup de malades se sentent complètement isolés, sont en grande difficulté financière et n’osent pas franchir le pas. Mais souvent j’arrive à les convaincre, parce qu’il y a un avant et un après. Ça transforme les gens.

Même quand une cagnotte ne récolte que quelques centaines d’euros, ça change vraiment le quotidien, pour des gens qui par exemple touchent l'AAH et vivent avec 800 ou 900 € par mois… Et puis on est sur du micro-don, donc même quand on n’a que 1 ou 2 € à donner, multiplié par plusieurs milliers de personnes, on peut vraiment arriver à faire de belles choses.

Sur le site, on peut créer des cagnottes « publiques », visibles de tous, mais aussi des cagnottes privées. Pourquoi ce choix ?

Pour protéger la vie privée des patients qui le souhaitent. Par exemple, des patients atteints de cancer, qui sont en arrêt maladie et qui n’ont pas forcément envie que leur employeur connaisse leur état de santé. Ça arrive très souvent. Dans ce cas, ils ouvrent une cagnotte privée, à laquelle on ne peut accéder que par un lien.

Ils partent du principe qu’ils ont suffisamment de réseau, de proches mobilisés autour d'eux pour les aider à financer leur besoin. Ces cagnottes privées représentent 50 % de nos projets, donc c'est énorme. Et ce sont les cagnottes qui fonctionnent le mieux.

« Ma connaissance du parcours de soins, l'accompagnement que je propose, le fait de contrôler toutes les cagnottes, aussi… Je pense que c’est ce qui fait notre spécificité. »

Vous intervenez personnellement pour accompagner les porteurs des projets, je crois ?

Oui, je conseille les cagnotteurs sur la meilleure façon de présentent leur projet. Parce qu’il faut pouvoir le décrire, mettre le donateur en confiance, choisir de bons visuels… C’est important qu’on comprenne très vite le projet et qu’on ait envie de donner. Donc, quand quelqu’un crée sa cagnotte, je suis prévenue par un mail et j’appelle le porteur de projet.

Ça me permet aussi de savoir à à qui je parle et de contrôler la véracité du projet. Parfois, je suis amenée à demander des justificatifs médicaux (qu’on ne partage pas, bien sûr, on fait extrêmement attention) ; les patients le comprennent complètement. Pour moi c’est essentiel, d’avoir ces garanties. Parce que de la fraude, il peut y en avoir.

En France, il y a deux grosses plateformes généralistes qui font beaucoup de solidaire, mais ma connaissance du parcours de soins, l'accompagnement que je propose, le fait de contrôler toutes les cagnottes, aussi… Je pense que c’est ce qui fait notre spécificité.

La Cagnotte des proches est gratuite et vous ne prenez pas de commission de plateforme. Or, pour créer ce projet, vous avez monté une start-up avec votre mari et votre cousine. Quel est le modèle économique du site ? Est-ce que vous en vivez ?

Le modèle économique est 100 % solidaire. On se rémunère au pourboire. Quand le donateur fait un don, il a la possibilité de laisser quelque chose pour financer notre service. De même, au moment où la famille perçoit sa cagnotte, elle a aussi la possibilité de laisser un pourboire.

« Je donne beaucoup d’énergie à ce projet. Je pense que ça vaut vraiment le coup de se battre pour le rendre viable. Parce que ça voudra dire que j’aurais aidé des centaines et des centaines de familles. »

Ça marche, parce que laisser le choix aux gens de donner ou pas et pour quel montant, ça donne envie de nous encourager. Mais le pourboire, on ne pourra pas en vivre. Donc on est en train de monter des partenariats avec des prestataires de matériel médical pour nous financer en partie, par un principe de rétro-commission : si un cagnotteur utilise sa cagnotte pour un achat (un fauteuil roulant, par exemple) chez un partenaire, celui-ci nous reversera un pourcentage de la vente.

Ce projet, vous disiez tout à l’heure qu’il avait un côté thérapeutique, pour les utilisateurs. Est-ce qu’il ne l’est pas aussi un peu pour vous ?

Oui. Je donne beaucoup d'énergie à ce projet je pense que ça vaut vraiment le coup de se battre pour le rendre viable. Parce que ça voudra dire que j’aurais aidé des centaines et des centaines de familles.

Episode 5 - Hossam, infirmier avancé

Dans ce cinquième épisode, notre journaliste Anne Dhoquois a rencontré Hossam Zaouch, l’un des premiers étudiants à suivre le Master d’infirmier en pratique avancée. Il nous parle de ce nouveau métier et de ce qu’il en espère.

Parfois, les vocations prennent des détours avant d’éclore. Ça été le cas pour Hossam, 31 ans. D’abord agent d’escale commerciale dans une grande compagnie aérienne, c’est l’AVC d’un proche qui l’a poussé à reprendre des études pour réaliser un projet qu'il mûrissait depuis longtemps : devenir infirmier. Son besoin d’explorer toutes les facettes de ce métier n’a fait que grandir depuis. Aujourd’hui, Hossam suit même l’un des tous premiers Masters infirmier en pratique avancée ouverts en France. Il nous parle de ce nouveau métier et de ses enjeux.

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Hossam, infirmier avancé

C’est quoi, un infirmier en pratique avancée ? Qu’est-ce que ça implique, dans la pratique du métier ?

C’est un élargissement de nos compétences, et c'est très bien que ça arrive en France. L’infirmier en pratique avancé va pouvoir adapter des prescriptions médicales, faire des examens cliniques, des gestes plus précis… Tout ça en suivant les protocoles définis par un médecin.

Ce sera un infirmier mieux formé aux besoins des patients chroniques, qui sont de plus en plus nombreux en France. L’IPA pourra donc être le relais du médecin, et prendre en charge les patients chroniques. Ça permettra au médecin de libérer du temps pour les patients qui en nécessitent un peu plus.

En néphrologie, par exemple, certains patients chroniques ont besoin de consultations tous les trois mois, mais les médecins sont débordés.  L’IPA pourra être un relais et s’occuper de ces consultations, sous la responsabilité du médecin. Ce sera vraiment une bonne chose dans la prise en charge du patient.

« En néphrologie, par exemple, certains patients chroniques nécessitent des consultations tous les trois mois, mais les médecins sont débordés.  L’IPA pourra être un relais et s’occuper de ces consultations, sous la responsabilité du médecin. »

Est-ce que ça va changer des choses dans votre relation aux médecins ?

On travaillera en collaboration avec eux, en pluridisciplinarité. On ne va pas leur faire concurrence. Les médecins élaborerons un protocole et pourrons nous confier certains de leurs patients pendant quelques mois ou une année… Et dès que la situation le nécessitera, si les limites de nos compétences sont atteintes, les patients seront redirigés vers le médecin.

À l’hôpital, je pense qu’il y aura des consultations dédiées aux Infirmiers en pratique avancée, qui auront un rôle à part entière à jouer. Par exemple, l'infirmier qui s'est spécialisé en néphrologie et transplantation pourra être expert dans les dialyses, ce sera lui le coordinateur pour les transplantations, etc.

Notre priorité c'est le patient, et on va tous ensemble faire en sorte que son confort, sa sécurité et sa santé soient garantis.

« Je voulais passer un cap, être plus près du patient, être un peu plus dans la globalité de sa prise en charge… C’est qui m’a dirigé vers l’IPA. »

Qu'est-ce qui vous a donné envie de suivre ce master IPA, qui est assez nouveau en France ?

Je voulais passer un cap, être plus près du patient, être un peu plus dans la globalité de sa prise en charge… Avoir une mission plus large me convenait, et c'est ce qui m'a dirigé vers l’IPA. On a davantage de responsabilités, un peu plus autonomie, aussi… Pour moi c'est parfait.

Il y a trois mentions dans le cursus : pathologies chroniques stabilisées, néphrologie et transplantation, et oncologie. Moi, normalement, je choisirai la mention pathologies chroniques stabilisées. Parce que c'est plus large, et que ça permet de suivre plus de patients différents.

Et plus tard, j’irai peut-être vers une pratique avancée libérale, pour avoir un peu plus d’autonomie et aller voir les patients en grande difficulté, ceux qui ne peuvent pas sortir de chez eux.

Est-ce que vous attendez aussi de ce cursus une autre forme de de reconnaissance, un autre statut ?

On est la première promo à suivre cette formation, donc on verra comment comment ça va se développer… En tout cas, on aura le grade de Master, on est reconnus par l’État et la grille salariale va être négociée.

Un syndicat a été créé pour promouvoir la profession, aussi. Il faudrait que le syndicat et tous les étudiants en pratique avancée s’unissent pour faire évoluer la pratique et la faire reconnaître. Dans les pays anglo-saxons, d’où vient le modèle, les infirmiers de pratiques avancée cliniciens sont bien implantés. Donc on espère qu'en France, l’IPA trouvera le même écho…

« Dans les pays anglo-saxons, d’où vient le modèle, les infirmiers de pratique avancée cliniciens sont bien implantés. On espère qu'en France, l’IPA trouvera le même écho. »

Est-ce que l’IPA français est calqué sur le modèle anglo-saxon, ou est-ce qu’il y a des différences ?

C’est un peu différent, oui. Les IPA ont peut-être un peu plus d'autonomie aux États-Unis. Mais là-bas, la pratique est implantée depuis plusieurs années : ils ont à peu près trente ans d'avance sur nous.

Peut-être qu’avec le temps, le syndicat et la volonté des pouvoirs publics, on pourra se rapprocher de plus en plus du modèle anglo-saxon. Mais pour l’instant, c'est déjà une bonne chose que la pratique avancée existe en France.

Un mot de la fin ?

J'espère que j’obtiendrai mon Master, et j’espère qu’on prouvera que la pratique avancée est vraiment une évolution essentielle. Une prouesse et une avancée.

Episode 6 - Laurie, celle qui voulait aider les mamans allaitantes

Dans ce sixième épisode, notre journaliste Anne Dhoquois a rencontré Laurie Poquérusse-Ravel, co-fondatrice du projet VanillaMilk, créé pour aider et entourer les femmes qui allaitent.

L’allaitement soulève beaucoup de doutes et d’interrogations chez les futures mères. Ces questions, Laurie les a étudiées de très près. À la fois dans son métier (elle est infirmière puéricultrice) et dans sa vie privée (elle a trois enfants, dont des jumeaux). Pendant son dernier congé parental, elle a rencontré l’entrepreneuse Stéphanie Habenstein, elle aussi concernée par le sujet. C’est ensemble qu’elles ont concrétisé en 2018 un projet ambitieux : vanillamilk.fr, un site qui met en relation les mères, les professionnels de santé et les associations autour de l’allaitement maternel.

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Laurie, celle qui voulait aider les mamans allaitantes

En quoi consiste VanillaMilk, concrètement ?

C’est un site internet qui permet aux mamans et futures mamans de trouver les personnes et les ressources dont elles ont besoin pendant l’allaitement. Elles peuvent notamment y trouver une carte qui géolocalise différents acteurs de l’allaitement.

La population prioritaire, ce sont les futures mamans et les mamans allaitantes, qui se posent des questions, peuvent ressentir un certain isolement et cherchent souvent de l'accompagnement et du soutien. Mais VanillaMilk s’adresse aussi à des mamans qui ont allaité et qui souhaitent partager leur expérience avec d'autres.

« Le site propose notamment une carte sur laquelle sont géolocalisés différents acteurs de l’allaitement : mamans et futures mamans, pédiatres, sages-femmes, osthéopathes, naturopathes… »

D’autre part, la carte répertorie les professionnels de santé qui le souhaitent : les professionnels formés à l'allaitement maternel (diplômés en allaitement maternel ou consultants en lactation IBCLC), mais aussi tous ceux qui gravitent autour de l’allaitement maternel, des mamans et de leur bébé : pédiatres, sages-femmes, ostéopathes, naturopathes, chiropracteurs, etc.

À quel besoin répond le projet ?

Aujourd’hui, une maman qui a un problème ou une question concernant l’allaitement a plutôt tendance à se tourner vers les réseaux sociaux. Avec VanillaMilk, on veut réintroduire un peu plus d’humain dans tout ça, et inciter les mamans et futures mamans à rencontrer des gens, à partager des expériences. L’idée, c'est de guider les mamans et de créer du lien autour d’elles, pour qu'elles puissent préparer et vivre leur allaitement le plus sereinement possible.

Notre but, c’est aussi d’essayer de moderniser l'allaitement maternel, qui n'a pas forcément une belle image en France. Ce n’est pas un site qui promeut l’allaitement spécifiquement, attention. On n’est pas pour ou contre l’allaitement. Ce qu’on veut, c’est surtout que les mères qui veulent allaiter puissent avoir accès à la bonne information et au bon accompagnement.

« VanillaMilk est totalement gratuit, que ce soit pour les mamans, les professionnels de santé ou les associations. »

J’ai cru comprendre que l’accès au site était gratuit ?

Oui, le site est totalement gratuit, que ce soit pour les mamans/futures mamans, les professionnels de santé ou les associations qu’on répertorie sur la carte.

Pour nous, c’était important de privilégier la qualité, de mettre en lumière des acteurs qui ont de vraies compétences en matière d’allaitement, plutôt que de proposer une carte payante où entrent ceux qui peuvent se le permettre financièrement…

Quelles évolutions prévoyez-vous pour le site et pour VanillaMilk en général ?

On est dans une démarche de co-création et d’échange. À l’avenir, on pense répertorier sur la carte des lieux publics et des commerces bienveillants envers l’allaitement, des endroits où les mamans peuvent allaiter sereinement.

On envisage aussi la création d’événements VanillaMilk. Et puis on veut sensibiliser le monde de l’entreprise à la question. Beaucoup de mamans qui allaitent arrêtent de le faire quand elles reviennent de congé maternité, parce que c’est compliqué d’allaiter tout en travaillant.

Pour nous, c’est donc important de travailler là-dessus et de sensibiliser les entreprises aux bénéfices de l’allaitement maternel. Des bénéfices pour les mamans, leur bébé, la famille, l’entreprise elle-même et l’ensemble de la société.

« À terme, on pense répertorier sur la carte des lieux bienveillants où il est possible d’allaiter sereinement. »

Quel est votre rôle au sein du projet ?

Je suis co-fondatrice et experte « Santé », alors que les domaines de Stéphanie sont plutôt le commercial, le web et la gestion. Je m’occupe de la communication santé, de l’accueil des populations sur la carte et de toute la réflexion santé dans les projets qu'on met en place. Je vérifie par exemple les diplômes, les compétences et l’expérience des professionnels qui souhaitent être répertoriés sur la carte, avant de les intégrer au site.

Cette année, j’ai passé un diplôme universitaire d'allaitement maternel à l’université de Marseille, pour gagner encore plus en expertise. Prendre en charge la section santé d’un projet comme VanillaMilk, ça n’est pas rien.

« On a choisi un modèle entrepreneurial plutôt qu’associatif, et c’est parfois mal compris. Mais il nous semblait difficile de faire évoluer un tel projet avec un statut d’association. »

Quelles sont les difficultés que vous avez rencontrées ?

Nous avons fait le choix d’un modèle entrepreneurial, et ça suscite souvent des idées fausses sur nos intentions. L’idée par exemple, qu’on voudrait se faire l'argent sur le dos des mamans. On le comprend, mais ce n’est pas du tout notre but. VanillaMilk est simplement le projet de deux mamans qui ont vécu l’expérience de l’allaitement et veulent aider d’autres femmes confrontées au même sujet.

Dans le domaine de l’allaitement maternel, c’est plutôt l’associatif qui domine. Mais pour nous, c’était difficile de faire évoluer un projet aussi important et aussi ambitieux avec un statut d’association…

L’autre difficulté, bien sûr, c’est la recherche de financements. On en a besoin pour rendre la carte proposée par VanillaMilk viable et pérenne. Pour qu’elle serve, mais aussi qu’elle tienne dans le temps.

Le mot de la fin ?

Quand on a un projet, il faut y croire et se lancer à fond. Parce que finalement, l'envie et la réalisation de projets, c'est ce qui nous nourrit et c’est ce qui nous épanouit, que ce soit sur le plan personnel ou professionnel.

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