On le sait, la bonne tenue du dossier médical est un gage de qualité des soins. Pourtant, c’est parfois l’abondance de dossiers distincts, détenus en plusieurs lieux, leur absence de retranscription dans des logiciels communs ou l’insuffisance de moyens informatiques qui peuvent être source d’erreurs.
Un arrêt de cour d’appel du 20 octobre 2017 en est l’illustration, dans une affaire dont les faits, dramatiques, concernent un patient détenu en maison d’arrêt.
Un homme, détenu en maison d’arrêt, est admis à l’hôpital pour un trouble ventilatoire obstructif sévère. Son allergie à l’amoxicilline, qui lui a déjà valu deux œdèmes de Quincke dans le passé, est mentionnée dans le dossier de l’unité d’hospitalisation de courte durée (UHCD) de l’hôpital, où il a déjà été admis à plusieurs reprises, ainsi que dans le dossier de l’unité de consultation et soins ambulatoires (UCSA) de la maison d’arrêt. En revanche, il n’y en a aucune mention dans le dossier d’accueil des urgences.
Le médecin urgentiste de garde l’autorise à regagner la maison d’arrêt avec une prescription de sortie comportant du paracétamol et de l’amoxicilline.
Le soir même, après avoir pris ses médicaments, l’homme présente un œdème de Quincke, dont il décède. Une procédure pénale est alors engagée par la famille du défunt à l’encontre du médecin des urgences.
Au cours de l’instruction pénale, les experts vont relever l’existence de pas moins de quatre dossiers médicaux différents pour ce même patient :
Les experts mettent également en évidence deux problèmes d’ordre informatique :
L’erreur fatale résulte de l’absence de transmission des informations détenues à la maison d’arrêt, en raison d’une incompatibilité entre les logiciels, et du fait de l’impression papier d’une partie seulement des éléments du dossier de l’UHCD, due à l’impossibilité d’accéder facilement à l’unique ordinateur des urgences. En se bornant à consulter l’impression papier du dossier, l’urgentiste n’a pas eu connaissance de l’allergie, pourtant mentionnée sur tous les autres dossiers.
Après sa condamnation en première instance à 12 mois d’emprisonnement avec sursis, la cour d’appel relaxe le médecin urgentiste. S’il a bien commis une négligence fautive, en se contentant des observations portées sur le tirage papier du dossier, « il s’est conformé à la pratique du service des urgences, dictée par les moyens contraints mis à disposition des intervenants et des praticiens urgentistes, dans un contexte où la rapidité des décisions et des actions est exigée d’un personnel restreint, multipliant les interventions et se succédant dans le temps auprès de patients tout en faisant face à une affluence incessante ». Il ne peut être considéré que sa faute revêt les critères d’une faute caractérisée, nécessaire pour engager sa responsabilité pénale, en tant qu’auteur indirect.
Cette décision a le mérite de tenir compte des conditions concrètes d’organisation au service des urgences, conditions qui sont imposées aux agents et qui ne leur permettent pas toujours d’exercer sereinement et de façon sécure. Le médecin a agi en fonction des moyens mis à sa disposition.
Mais elle met aussi en évidence le fait que le manque de matériel informatique et le manque de coordination entre les différents logiciels peuvent être sources de graves accidents. L’arrêt relève d’ailleurs qu’ « après les faits, le fonctionnement des urgences a été réorganisé, les moyens informatiques ont été considérablement augmentés et un logiciel unique a été redéployé sur l’ensemble de l’établissement, incluant l’unité de la maison d’arrêt ».
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