Médecins régulateurs : la première décision doit être la bonne

L'urgence manifeste

La situation la plus simple est évidemment celle où la gravité est manifeste avec un pronostic vital engagé à court ou moyen terme.

Le médecin sait d'emblée que la réponse adaptée est alors d'envoyer le plus rapidement possible un moyen en mesure de maintenir en vie la victime.

Le paramètre de rapidité prime sur tout autre, ce qui justifie l'envoi immédiat de prompt secours à médicaliser dès que possible.

La régulation adaptée passe alors par la vérification des délais d'intervention effectifs des moyens de proximité.

L'urgence relative

L'estimation d'une urgence relative est souvent plus délicate du fait du cadre de référence du patient ou de son entourage : l'angoisse se matérialise soit par une exagération, à canaliser, soit au contraire par un déni tout aussi redoutable.

Le juriste chargé d'instruire un dossier de responsabilité professionnelle dans ce domaine sera attentif à la recherche de l'élimination des critères de gravité afin d'écarter le spectre de la personne en péril à qui le régulateur s'abstiendrait volontairement de porter secours.

Dans un second temps, il recherchera si les éléments recueillis étaient de nature à orienter vers un diagnostic probable compatible avec le niveau de compétence médicale du moyen envoyé, voire avec une décision de simple conseil.

Le niveau de gravité modeste ou inexistant

L'estimation d'un niveau de gravité modeste ou inexistant doit conduire, avant une décision de refus d'envoi de moyens, à une réflexion sur les deux autres critères : l'appréciation du contexte et bien sûr l'état des moyens disponibles.

La situation socioculturelle du patient

L'appréciation du contexte est relative à la situation socioculturelle de la victime et non aux antécédents du patient qui relève du critère premier de gravité.

La première question à se poser est de savoir si le patient sera en mesure de renouveler son appel en cas de besoin. A défaut, la seule appréciation du contexte doit conduire à l'envoi d'un moyen.

Il en est ainsi de la personne seule à qui il est difficilement licite, sur une altération de l'état général, de se contenter d'une solution d'attente sans visite d'un effecteur. En cas de malaise itératif, le risque est important qu'aucune alerte ne soit donnée.

La situation est la même en cas d'entourage au raisonnement un peu fruste ou tout simplement affolé par la situation.

Plusieurs dossiers dramatiques de mauvaise gestion de gastro-entérite de nourrissons ont comme premier critère de mauvaise réponse la non prise en compte du nombre d'appels de la mère... Que les signes décrits traduisent ou non une gravité avérée de l'enfant, le renouvellement d'appel témoigne d'une incapacité de l'entourage à apporter un suivi correct. Le régulateur doit alors prendre les moyens de lui substituer un moyen de reconnaissance de l'état exact de la victime.

L'appréciation du contexte suppose aussi d'étudier le degré d'impatience du requérant.

L'adhésion du patient à la solution retenue

La recherche de l'adhésion à la solution retenue par le régulateur, lorsqu'elle est négligée, est la source de nombreux désagréments.

L'absence d'adhésion, outre le mécontentement immédiat, va se traduire par un comportement délétère de l'entourage ou de la victime elle-même comme le déplacement intempestif d'un traumatisé ou les appels multiples à différents moyens de secours.

Par la suite, le régulateur devra faire face à une critique systématique de tous les éléments de la réponse vécue comme inappropriée et donc insuffisante. Une réponse dégradée par rapport à la demande suppose donc de convaincre pour obtenir une adhésion finale du requérant.

Dans cet esprit, la négation du caractère urgent de l'appel est à manipuler avec une grande précaution…

Une démarche dégradée impose par ailleurs un suivi très rigoureux avec une action de rappel à distance du requérant dans un délai donné et suivi.

Il s'agit du cœur de l'activité de régulation au sens logistique du terme et il convient d'écarter certaines réflexions.

En premier lieu, il n'y a pas d'exemple de moyens strictement indisponibles : il n'y a que des moyens temporairement indisponibles.

Qu'un SMUR soit déjà engagé, qu'il soit d'astreinte avec un délai pour le monter en puissance ou qu'il soit nécessaire de requérir un moyen auprès d'un département voisin, il ne s'agit que d'actions différées.

Il appartient au régulateur, d'un côté, de faire au mieux durant la période d'indisponibilité du moyen adapté et, de l'autre, de suivre la mise en disponibilité de ce même moyen.

En second lieu, la question relative au minimum de moyen disponible à conserver est régulièrement posée dans le cadre de réflexions juridiques mais elle n'a pas lieu d'être s'agissant d'une mission nationale et non départementale de réponse ponctuelle à des détresses.

Les moyens adaptés doivent être envoyés jusqu'à épuisement des disponibilités et non selon une gestion pérenne d'une entité autonome et solitaire chargée d'assurer des secours. Autrement dit, on ne garde pas de SMUR en stock “au cas où”…

Enfin, le contrôle des délais relève tout autant du moyen engagé, acteur de ce paramètre, que du régulateur, par une validation réciproque et tracée du délai prévisible actualisé pour se rendre sur les lieux.

La régulation en première intention est un savant mélange de plusieurs critères qui, par éliminations successives, doit aboutir à une réponse adaptée à la situation décrite par l'appelant.

Elle ne doit pas rebuter le praticien en recherche d'une autre pratique de la médecine car elle permet une approche sociétale originale encore un peu protégée des carcans de maîtrise à court terme des dépenses de santé.