Responsabilité professionnelle : le point de vue de deux internes anesthésistes-réanimateurs

Nous ne sommes pas très bien informés à ce sujet et ne savons pas toujours clairement la responsabilité que nous engageons dans le cadre de notre pratique d’interne.

Par ailleurs, nous avons le sentiment, en tant qu’interne dans un hôpital public, d’être en formation et d’être entièrement protégé. Or, dans les faits, nous ne le sommes pas toujours ou pas de façon systématique, notamment en matière de responsabilité pénale. On peut penser que dans la majorité des cas, si nous ne commettons pas d’erreur gravissime, nous serons toujours couverts par l’établissement. En revanche, nous avons peu d’informations sur les cas dans lesquels notre responsabilité peut être mise en cause.

Non, nous n’avons suivi aucun cours ni module à ce sujet avant notre internat. Il n’existe aucun cours sur la responsabilité professionnelle des internes. Nous ne nous sentons pas réellement concernés tant que nous ne sommes pas confrontés à un cas concret et avons l’impression d’être couverts.

Ce sentiment correspond également à ce que nos chefs de clinique nous inculquent. En effet, ils nous incitent vivement à les tenir informés de nos faits et gestes, notamment dans le cadre des premiers stages que nous effectuons. Cependant, ils attirent aussi notre attention sur le fait que nous sommes responsables des actes que nous accomplissons. Or, nous ne mesurons pas toujours concrètement le poids de cette responsabilité ni les implications qu’elle peut avoir pour nous. Nous ne sommes pas suffisamment formés ni informés sur cette question, et nos encadrants eux-mêmes manquent d’informations précises à cet égard.

Dans la majorité des cas, tout se passe bien et nous ne sommes pas vraiment confrontés à cette question. En revanche, nous risquons d’être pris au dépourvu le jour où nous verrons notre responsabilité recherchée.

Il n’est pas facile de trouver des éléments lorsque l’on effectue des recherches spontanées sur le sujet. Le site de l’AJAR en dispense peu et il n’existe aucun document officiel sur ce sujet pour les internes, si bien que nous ne disposons pas d’informations toujours très claires.

La question se pose davantage à partir du moment où nous effectuons des gardes et des remplacements. Notre responsabilité et la perception que nous en avons ne sont alors plus les mêmes. Avant cela, nous ne cherchons pas forcément à nous renseigner de manière approfondie sur le sujet.

Non, ce n’est pas un critère déterminant ni que nous avons en tête à l’issue de l’externat. Ce sont plutôt les personnes de notre entourage qui attirent notre attention sur la responsabilité que nous pouvons encourir dans le cadre d’une spécialité comme l’anesthésie et la réanimation.

Toutefois, ce choix n’est jamais fait par hasard et correspond à un niveau de responsabilité que nous recherchons ou même que nous avons envie d’avoir. Cette responsabilité ne constitue nullement un frein au choix de l’anesthésie, au contraire. Les médecins de bloc opératoire ont un certain goût du risque et des situations qui peuvent sortir de l’ordinaire, et sont prêts à assumer ce risque.

Par ailleurs, plus nous avançons dans notre cursus, plus nos chefs de service attirent notre attention sur les recommandations de la SFAR (Société Française d’Anesthésie et de Réanimation), l’importance de les avoir à l’esprit et de les respecter au moment de la prise en charge du patient. Il faut également avoir en tête que le niveau d’exigence des patients est de plus en plus élevé et que les médecins sont sans doute plus exposés aujourd’hui qu’auparavant. Ils peuvent être davantage mis en cause.

En tant qu’interne, nous prévenons systématiquement notre responsable de service de nos agissements et des interrogations que nous pouvons avoir dans la prise en charge d’un patient (choix du type d’anesthésie, dosage médicamenteux, identité du patient). Cette information vise à la fois à prévenir toute maladresse qui pourrait porter préjudice au patient et à nous couvrir vis-à-vis d’un éventuel dommage. Il est également important de garder une trace écrite de nos actes dans le dossier médical du patient, tant dans l’intérêt de ce dernier qu’en termes de responsabilité.

Par ailleurs, nous sommes d’autant plus attentifs lorsque nous effectuons un remplacement et qu’alors nous sommes en première ligne, tandis qu’à l’hôpital nous sommes plusieurs à intervenir (infirmier, interne, chef) et, de fait, moins livrés à nous-mêmes. La notion de responsabilité est plus prégnante et plus palpable dans le cadre de l’exercice libéral. Nous nous sentons davantage impliqués lorsque nous devons agir seuls.

Oui, jusqu’à ce que nous soyons mis concrètement face à notre responsabilité dans le cadre d’un accident.

Pour nous, elle recouvre l’idée d’une faute grave et inhabituelle, ayant des conséquences lourdes pour le patient. Tout ce qui ne relève pas du pénal peut être couvert, à notre sens, par la responsabilité de l’hôpital. En revanche, la responsabilité pénale nous engage à titre personnel ou individuel ; elle est détachée de l’hôpital. Par exemple, une transfusion sanguine intervenant trop tardivement après une hémorragie de la délivrance et entraînant le décès de la patiente relève de la responsabilité pénale.

Nous savons que cette assurance responsabilité civile professionnelle (RCP) est obligatoire dès le début de notre internat mais n’avons pas davantage de précisions sur les démarches à effectuer. Nous avons quelques informations via l’AJAR et le SIHP (Syndicat des Internes des Hôpitaux de Paris), ainsi que les campagnes de publicité des assureurs, mais il n’existe aucune communication officielle à ce sujet et aucun justificatif de cette assurance ne nous est réclamé tant que nous n’effectuons pas de remplacement.

Nous avons conscience de l’importance de cette RCP mais nous ne savons pas toujours dans quels cas précisément ni dans quelle mesure notre responsabilité peut être engagée. Dans un certain nombre de situations, nous aurions besoin de clarifications (devoir d’information du patient, prise en charge de patients étrangers…).