Un préalable : le kinésithérapeute n'est pas systématiquement responsable !
La responsabilité du kinésithérapeute est une responsabilité pour faute, appréciée à l’aune du respect de son obligation de moyens. Il n’y a donc pas de "responsabilité automatique" quand un patient fait une chute dans le cabinet.
Tout dépendra des circonstances précises dans lesquelles la chute s’est produite. La responsabilité du patient pourra d’ailleurs se trouver elle aussi engagée, s’il est établi qu’il a été imprudent ou n’a pas écouté les consignes données par le kinésithérapeute.
Dans le domaine particulier des soins de kinésithérapie, deux points d’attention :
- Les patients en rééducation sont souvent gênés dans leur mobilité, voire diminués, parfois âgés ou présentant des troubles cognitifs. Ces éléments entreront forcément en compte dans l’appréciation de la responsabilité du masseur-kinésithérapeute, dont on attendra une plus grande vigilance et une plus grande prudence.
- Les exercices de rééducation reposent très souvent sur l’usage de matériels divers (marchepied, espalier, vélo, tapis de marche, élastique, ballon, etc.). À cet égard, le kinésithérapeute est tenu d’une obligation de sécurité de résultat lorsqu’il en fait usage dans le cadre des soins. Il est donc essentiel de veiller à leur entretien et d’en expliquer très précisément le fonctionnement et les risques aux patients.
Les chutes de la table d'examen ou de massage
Les tables d’examen ou de massage sont des sources récurrentes de chutes, pour la plupart évitables.
Les chutes liées à un mouvement du patient
Les moments les plus délicats sont la montée sur la table, le changement de position (par exemple pour passer du ventre au dos) et la descente.
Le kinésithérapeute n’est pas obligé de proposer systématiquement son aide lors de ces étapes. Mais, en toutes hypothèses, il doit rester très vigilant et adapter son comportement à l’état du patient.
En effet, en cas de mise en cause, les circonstances précises de la chute seront examinées et l’appréciation des responsabilités dépendra :
- de l’âge et de la condition physique du patient ;
- du motif de ses soins ;
- des consignes données par le kinésithérapeute : a-t-il invité le patient à monter ou descendre de la table ? ;
- de la position – haute ou basse – de la table.
La jurisprudence est peu abondante en la matière, et parfois contradictoire.
Illustrations
TGI de Rennes, 5 février 2019 (13/06572) : responsabilité du kinésithérapeute retenue dans la chute d’une femme de 72 ans, survenue alors que, la séance de cryothérapie terminée, il l’avait laissée seule quelques instants, le temps de ranger les packs de glace dans une autre pièce. Elle a alors lourdement chuté depuis la table, laissée en position haute à la fin des soins. Compte tenu de l’âge de la patiente, de sa pathologie (problèmes de mobilité dus à une luxation de l’épaule) et de son absence momentanée à ses côtés, le kinésithérapeute aurait dû abaisser la table.
Cour d’appel de Toulouse, 12 septembre 2022 (20/01563) : absence de responsabilité du kinésithérapeute qui avait demandé à la patiente de 84 ans de se retourner du ventre sur le dos. Le kinésithérapeute s’est tourné quelques secondes pour se désinfecter les mains. À ce moment, la patiente est tombée de la table, se fracturant le col du fémur (blessure des suites desquelles elle est ultérieurement décédée). Il a été considéré que si elle éprouvait des difficultés pour se retourner eu égard à son âge, la patiente aurait dû en faire état plutôt que de décider de poser un pied au sol à l'opposé du kinésithérapeute, sur une table de soin trop haute.
Les chutes pendants la réalisation d'un exercice
Certains exercices peuvent favoriser les déséquilibres ou les faiblesses soudaines au niveau d’un membre. D’autres peuvent comporter un risque de chute parce qu’ils ont été mal réalisés par le patient. D’autres encore peuvent être en lien direct avec un dysfonctionnement du matériel.
C’est la raison pour laquelle la plus grande vigilance du kinésithérapeute est de mise.
Les chutes lors d'un exercice réalisé sans surveillance
Laisser un patient réaliser seul les exercices est une situation relativement fréquente, pour de multiples raisons : réponse à un appel téléphonique, accueil physique d’un autre patient, prise en charge simultanée de plusieurs patients, etc. Dans ce contexte, le risque de se voir reprocher un manque de vigilance ou d'attention est majoré.
Illustration
La cour d’appel de Reims, par un arrêt du 28 novembre 2023 (22/01579), a retenu la responsabilité du kinésithérapeute dans une affaire où le patient, âgé de 68 ans, était tombé lors d’un exercice d’équilibre sur les jambes, réalisé seul sur un step. La cour a considéré que, compte tenu de l’âge du patient, du motif de sa rééducation (rééducation à la marche avec sciatique L5 gauche déficitaire), l’exercice devait être encadré et sous la surveillance du kinésithérapeute, puisque le risque de chute était patent.
Les chutes liées à l'utilisation du matériel
Une chute peut survenir à cause d’un matériel, en raison :
- d’un mauvais fonctionnement ou d’un défaut : appareil mal fixé au mur, ou défectueux ;
- d’un mauvais usage par le patient : mauvais appui sur un marchepied, traction excessive sur un élastique, mauvais positionnement d’un ballon, etc.
Illustrations
Il n’existe pas de jurisprudence sur le sujet, mais plusieurs déclarations de sinistres faites auprès de la MACSF font état de chutes liées à un matériel :
- Élastique qui lâche (fracture de Pouteau Colles dans un cas, contusions aux genoux dans un autre).
- Chute depuis un plateau d’équilibre pour rééducation vestibulaire.
- Chute de vélo lors de la montée sur l’appareil.
- Rupture d’une sangle attachée au plafond.
- Chute d’un tapis de marche qui s’est arrêté brutalement.
Les chutes lors d'une balnéothérapie
La pratique d’exercices en piscine, en milieu humide et avec des abords qui peuvent s’avérer glissants, est une source récurrente de chutes, en particulier à la sortie du bassin.
Pour en savoir plus sur ce sujet et retrouver nos conseils de prévention :
Soins de kinésithérapie en piscine et bassin : quelles précautions prendre ? >
Les chutes lors du déshabillage et du rhabillage
Il est rare que le kinésithérapeute participe à l’habillage ou au déshabillage du patient, pour des raisons évidentes de respect de sa pudeur. Pour autant, ces moments sont délicats pour certains patients, en raison de risques de perte d’équilibre ou de mauvaise mobilité.
Les chutes lors de déambulations dans le cabinet
En dehors de la prise en charge kinésithérapique proprement dite, des chutes peuvent se produire en raison d'une mauvaise configuration du cabinet ou de la présence d'objets dangereux.
Quelques exemples :
- Une marche non signalée.
- Un tapis dont les bords se soulèvent.
- Des lieux mal éclairés.
- Du matériel laissé en place après la séance des patients précédents.
- Un sol glissant un jour de pluie, non signalé par un panneau.
Dans ces cas particuliers, les règles sont les suivantes : le patient devra apporter la preuve que la chose inerte qui a causé sa chute a joué un rôle actif dans la survenue du dommage, c'est-à-dire qu'elle a été, au moins pour partie, l'instrument de ce dommage. Par exemple, si le patient tombe à cause d'un tapis dont les bords se soulèvent, ce caractère anormal risque fort d'être établi.