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Semaine européenne de la vaccination : entretien avec Anne-Claude Crémieux, infectiologue

Semaine européenne de la vaccination : entretien avec Anne-Claude Crémieux, infectiologue

Publié le 23/04/2024

La crise sanitaire inédite de 2020 a bouleversé la planète et soulevé de nombreuses interrogations sur notre capacité à gérer les pandémies et sur leur fréquence future. « Ça ira mieux demain », le podcast MACSF qui explore les futurs de la santé, était allé à la rencontre d'Anne-Claude Crémieux, infectiologue et professeure en maladies infectieuses à l'hôpital Saint-Louis, pour évoquer cette problématique et les moyens d’y faire face. Vulnérabilités humaines, connaissances en matière de micro-organismes, avancées spectaculaires de nos réponses aux attaques virales et bactériennes... Retrouvez un extrait de cet entretien à l'occasion de la semaine européenne de la vaccination.

 

En 2020, le virus de la Covid-19 a mis le monde à l'arrêt. Quels enseignements a- t-on tiré de cette crise sanitaire ? 

 

Anne-Claude-Crémieux : Je dirais que nous avons pris conscience de notre vulnérabilité aux maladies infectieuses. Pourtant, ce n'est pas complètement une nouveauté. Rappelons-nous que la crise du SRAS en 2003 – qui est en fait la première pandémie du XXIe siècle – nous avait déjà fait prendre conscience qu'un virus était capable de se diffuser, en quelques jours, à l'ensemble de la planète. Les virus voyagent grâce à nos moyens de transport. Au XIXᵉ siècle, c'était en train, ça allait lentement. Aujourd'hui, nous l’avons vu pendant la crise de la Covid-19, en quelques semaines, voire quelques jours, l'ensemble de la planète est concerné par un virus qui apparaît en Chine. Ça, c'est notre première vulnérabilité, la diffusion.  

La deuxième vulnérabilité, c'est notre proximité avec le monde animal sauvage. Nous nous sommes rapprochés de l'habitat du monde animal, en déforestant, par exemple. Et en favorisant cette proximité, nous nous sommes exposés à des virus que nous ne connaissons pas et contre lesquelles nous n'avons pas de protection immunitaire. Ces virus peuvent potentiellement être à l'origine de pandémies. C'est exactement ce qui s'est passé avec le SRAS.  

Et puis, notre troisième vulnérabilité, c'est la médecine moderne qui la crée. Bien sûr, nous vivons plus âgés. Nous nous soignons quand nous avons des pathologies, et c'est très bien, c'est la victoire de la médecine moderne. Mais nous sommes fragiles quand nous sommes âgés, quand nous avons des pathologies multiples ou que nous sommes immunodéprimées. Ça a été un constat très fort de la crise du Covid, c'est que la médecine moderne nous rendait beaucoup plus vulnérables à ces virus, en particulier à partir de 70 ans.  

Donc nous sommes nettement plus vulnérables aux maladies infectieuses qu'avant et, à la différence d'autres pathologies comme les pathologies cardiovasculaires, il faut s'attendre à vivre avec les maladies infectieuses et qu'elles augmentent, avec des épidémies. 

 

Heureusement, il existe des moyens de protection, comme le vaccin, par exemple. Quel rôle a-t-il joué lors de la crise sanitaire du Covid-19 ?  

 

Anne-Claude-Crémieux : Nous n'avons jamais connu un développement aussi rapide d’un vaccin. Dans le monde d’avant covid, lorsque nous parlions de nouveaux vaccins, nous nous basions sur une échelle de 10 ans. Aujourd'hui, nous sommes passés à 10 mois. C'est une révolution. Il y a vraiment eu un avant et un après Covid. Ce virus, nous a surpris par sa rapidité de propagation et d'évolution. Il s'est adapté pendant toute cette pandémie à notre réponse immunitaire. C'est ça qui nous a mis en difficulté. C'est ça qui explique cette succession de vagues pendant deux ans.  

En fait, la victoire de l'ARN messager, c'est essentiellement une question de vitesse, parce que ce sont des vaccins qui se développent beaucoup plus vite que les autres. Certes, nous allons vers un monde avec de plus en plus de maladies infectieuses. Mais nous allons également vers un monde avec de plus en plus de vaccins. Et ça, c'est le côté extrêmement positif de cette crise.  

 

Parmi tous les moyens de protection que nous avons à notre disposition, il y a également les antibiotiques. Que pensez-vous de l’usage qui en est fait aujourd’hui ?  

 

Anne-Claude-Crémieux : Les antibiotiques, c'est une révolution. J'espère que demain, nous parlerons avec autant d'enthousiasme des vaccins à ARN messager que des antibiotiques aujourd'hui. Les antibiotiques ont changé le paysage des maladies infectieuses. Il faut se rendre compte qu'avant les antibiotiques, nous pouvions mourir d'infections banales comme d’une pneumonie, d’une septicémie ou d’une méningite.  

C'est un médicament qu'on peut considérer comme totalement miracle. Mais encore une fois, le problème, c’est que les micro-organismes s'adaptent à cet environnement défavorable et sélectionnent les bactéries résistantes. Et nous le savons, plus la consommation d'antibiotiques est importante, plus la résistance va être rapide. Dans ma carrière, je me suis beaucoup investie dans ce qu'on appelle le bon usage des antibiotiques, c'est-à-dire en préservant l’usage de ces médicaments miraculeux au moment où nous en avons besoin.  

 

Existe-t-il un autre moyen de lutte contre les micro-organismes, que vous jugez particulièrement prometteur ?  

 

Anne-Claude-Crémieux : Un élément qui me parait important, et qui est un progrès majeur de la crise Covid, c'est que nous avons familiarisé la population avec l'utilisation des autotests et des tests rapides. Et ça, c'est très important en maladies infectieuses. Parce que jusqu'à présent, le médecin généraliste qui voyait une infection respiratoire était obligé de raisonner sur les signes cliniques. Or, c'est très difficile de faire la différence entre une infection bactérienne et une infection virale. Désormais, nous développons des tests qui vont nous permettre de faciliter le diagnostic. Ceci permettra, je l'espère, d'utiliser au mieux les antibiotiques. Je pense que cette crise nous a aidés à développer la médecine d'aujourd'hui et qu’elle va transformer et améliorer le traitement des maladies infectieuses. 

 

Pour poursuivre cet entretien et découvrir l’avenir de l’épidémiologie, écoutez l’épisode de Ça ira mieux demain, « Comment faire face aux épidémies du futur ? », avec Anne-Claude Crémieux, sur toutes les plateformes d’écoute ou en cliquant ici.