Il n’appartient pas au chirurgien de rechercher des vices cachés possibles des appareils qu’il utilise.
Brûlure d’un oeil au cours d’une chirurgie esthétique des paupières
En 2005, une patiente est opérée des paupières supérieures et inférieures des deux yeux, dans un but esthétique. Au réveil, le chirurgien constate un œdème de l’œil gauche. Dans les jours suivants, une brûlure de l’œil gauche est diagnostiquée, qui nécessite de multiples interventions, dont une greffe de cornée.
Selon l'expert, il y a une forte suspicion pour que l'origine de la brûlure soit thermique (en raison du caractère évolutif de sa progression, de son caractère unilatéral et de la lésion cornéenne qu'elle a entraînée). Il existe également, selon lui, une forte suspicion pour que cette brûlure ait été causée par la lampe utilisée lors de l'intervention, le scialytique examiné à la suite des faits n'ayant pas été équipé des filtres semi circulaires qui le ceinturent habituellement et qui limitent l'émission thermique de la lumière. Il a précisé que ces filtres doivent être retirés pour pouvoir accéder à l'ampoule et qu'il n'est pas rare d'oublier de les remettre après le changement d'ampoule.
La clinique est l’unique responsable du dommage
Le Tribunal avait retenu une responsabilité partagée (50/50) entre le chirurgien (tenu d’une obligation de sécurité résultat en ce qui concerne les matériels qu’il utilise pour l’exécution d’un acte médical) et la clinique (responsable au titre de son obligation d'organisation, qui implique de s'assurer de la présence d'un matériel en bon état, répondant aux normes en vigueur, en nombre suffisant et adapté aux interventions pratiquées et non vicié).
La Cour d’appel annule ce jugement pour ne retenir que la responsabilité exclusive de la clinique.
Compte tenu de la date de l'intervention à l'origine du dommage, la responsabilité du chirurgien doit s'apprécier au regard des dispositions de loi du 4 mars 2002, codifiée au code de la santé publique. Selon l'article L. 1142-1 de ce code, hors les cas où leur responsabilité est encourue en raison d'un défaut d'un produit de santé, les professionnels de santé ne sont responsables des conséquences dommageables d'actes de prévention, de diagnostic ou de soins qu'en cas de faute.
Il en résulte que, même lorsqu'il utilise un objet dans l'exercice de son métier, le médecin n'est tenu que d'une obligation de moyens et que, contrairement à ce qui a été jugé en première instance, une faute doit être établie à son encontre pour engager sa responsabilité.
La question était donc de savoir si les filtres en cause étaient visibles de l’extérieur.
Une étude, réalisée par une société d’expertise, n'indique pas que le défaut de filtre était apparent pour les utilisateurs de la lampe. Au demeurant, aucun élément ne permet de penser qu'une des personnes présentes dans la salle d'opération se serait rendu compte de l'absence de ces filtres, ce qui laisse penser que la défectuosité du scialytique n'était pas apparente.
Il n'est donc pas établi que le vice affectant la lampe pouvait être décelé par le praticien avant l'intervention, étant observé que celui-ci n'est pas tenu de procéder à une recherche des vices cachés possibles des appareils qu'il utilise.
Aucune faute n’étant caractérisée à l’encontre du chirurgien, la Cour condamne la clinique à supporter seule l’entier dommage.