L'Observatoire National des Violences en milieu de Santé (ONVS) publie chaque année un rapport qui recense de manière détaillée, notamment, les incivilités et les violences que subissent au quotidien les professionnels de santé. Quels sont les constats et quelles solutions peuvent être apportées ?
Interview de Vincent Terrenoir, Commissaire divisionnaire, Délégué pour la sécurité générale auprès de la directrice générale de l’offre de soins, en charge de l’ONVS et rédacteur de ce rapport.
La violence a envahi le champ de la société et par conséquent celui de l’hôpital. Elle a un impact direct sur la qualité de la vie au travail et, par contrecoup, ne permet pas d’offrir une qualité des soins optimale.
Conflits familiaux, règlements de compte, patients drogués ou alcoolisés, contexte individualiste exacerbé, injures, outrages, menaces verbales ou physiques, violences physiques avec ou sans arme, dégradations de biens, intrusions intempestives, l’hôpital est ainsi la scène de nombreux actes d’incivilités et de violence qui génèrent l’intervention de différents acteurs.
Sur des situations conflictuelles de tous ordres, ce sont généralement les personnels soignants ou administratifs qui vont d'abord régler la situation et "jouer" les agents de médiation ou de sécurité. En cas d'échec, l'équipe de sécurité-sûreté sera sollicitée, puis les forces de l'ordre, si la situation dégénère.
On observe que ce sont les services de psychiatrie, de gériatrie et des urgences qui déclarent le plus de violence. On observe aussi que les suites judiciaires sont rares car, d’une façon générale, les soignants, qui font preuve de beaucoup d’empathie, ont du mal à franchir la porte d’un commissariat ou d’une brigade de gendarmerie pour déposer plainte. Certains peuvent même considérer que des troubles psychiques ou neuro-psychiques (TPN), pour reprendre la formule du code pénal, excusent forcément la violence à leur encontre de la part de patients.
Je ne pense pas que cela soit une juste démarche car cette violence, qui est destructrice de la personne et de sa dignité, quelle qu’en soit sa forme d’ailleurs, est toujours à prendre en compte. Il n’est pas bon de la relativiser ou de la minimiser. Je pense que l'empathie naturelle des soignants ne doit pas les pousser à accepter l'inacceptable. Je crois aussi qu’elle n’est pas incompatible non plus avec la fermeté.
S'agissant des atteintes aux biens, elles font l'objet de moins de déclarations (80 % d'atteintes aux personnes contre 20 % d'atteintes aux biens), ce qui est compréhensible d’une certaine manière, car elles touchent moins directement les personnels que la violence faite aux personnes. Pourtant, la dégradation de l’outil de travail est une atteinte à la qualité de la vie au travail. Elle mérite l’attention de tous. Je compte bien développer cet aspect dans un prochain rapport.
D'une manière générale, je constate une grande méconnaissance de la part des personnels de santé des droits dont ils bénéficient pour leur protection (code pénal et code de procédure pénale, protection fonctionnelle) et des moyens à mettre en œuvre lorsqu'ils sont agressés. Cependant cette protection est indispensable pour les aider à accomplir leur mission dans des conditions sereines et afin qu’ils se sachent soutenus par leur établissement.
L'article 11 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983, portant droits et obligations des fonctionnaires, prévoit que les agents bénéficient de ce qu’on appelle la protection fonctionnelle. C’est-à-dire qu’ils bénéficient de la protection de l'administration contre les attaques dont ils font l'objet à l'occasion de l'exercice de leurs fonctions : atteintes volontaires à l'intégrité de la personne, violences, agissements constitutifs de harcèlement, menaces, injures, diffamations ou outrages.
Pour le secteur privé on appelle cela la "protection juridique", celle-ci s’alignant de plus en plus sur le droit de la fonction publique. C'est donc la direction de l'établissement qui doit protéger ses agents en fonction au moment de l'infraction, qu'ils en soient victimes ou auteurs. Elle doit être demandée par l’agent et peut même être demandée à tout moment.
La mise en œuvre la protection fonctionnelle est très importante car, lorsque l'on est agressé, on se sent seul. De plus, j’insiste de nouveau pour dire que le stress que génère une agression a un impact tant sur la qualité de vie au travail que sur la qualité des soins.
Il donc est important que l’établissement rappelle qu'il est là pour accompagner le soignant qui a été malmené, par exemple en le dirigeant vers un psychologue lorsque cela est nécessaire. Beaucoup d’établissements développent des politiques permettant à l’agent de se reconstruire à la suite d’un stress post-traumatique.
L'hôpital, comme toute institution, peut générer sa propre violence, qui est liée selon moi à trois facteurs. Leur prise en compte est un réel levier pour faire baisser la tension : Le facteur humainLa relation entre personnels, la manière de s'adresser aux patients de façon correcte et intelligible… L'enjeu de la communication est réel. Le facteur organisationnelL'organisation mise en place au sein du service, les effectifs répartis correctement selon les besoins, une formation initiale et continue des personnels, un discours homogène tenu à un même patient suivi dans différents services. Le facteur architecturalLa conception des locaux est importante. Un environnement agréable participe à se sentir bien à l'hôpital, tant pour le patient que pour le personnel soignant. |
Les conventions "santé-sécurité-justice" sont un atout essentiel pour lutter contre les violences. Elles permettent d'établir une meilleure coopération au niveau local entre les services de l'État et les établissements de santé et de renforcer ainsi la sécurité des professionnels qui y travaillent.
L'établissement dispose ensuite de toute une palette d'outils à mettre en place selon les situations identifiées.
Néanmoins, la mise en place de toute solution pour lutter contre les violences est conditionnée à deux éléments essentiels :
C'est ainsi par exemple que l'hôpital Bichat a mis en place un véritable projet de service pour la refondation de ses urgences incluant l'ensemble du personnel de l'établissement.
Non, car tout d’abord l'ONVS n’a aucun caractère opérationnel. Cela ne servirait à rien. Ensuite il dépend de la DGOS du ministère de la santé, alors que les forces de l'ordre dépendent du ministère de l'intérieur. Il n'est donc pas possible de récupérer des données par ce biais.
Ce sont les établissements qui sont libres de déclarer ou non les incidents. Seuls 7 % d'entre eux le font.
La plainte, quant à elle, doit être déposée directement par le professionnel de santé. Les conventions santé-sécurité-justice sont justement prévues, entre autres, pour faciliter la déposition. Une plainte déposée par un établissement qui n'a pas eu de préjudice direct ne pourra pas aboutir.
Indispensable pour vous défendre en cas de mise en cause par un patient, le contrat RCP-PJ facilite le règlement de vos litiges d'ordre privé ou professionnel.