Qu'est-ce que l'urgence médicale ?
C’est une situation où :
- la santé ou la vie d’un patient est menacée de manière immédiate,
- impliquant une intervention rapide pour stabiliser sa situation et ainsi éviter une détérioration de son état, voire un décès.
L’urgence médicale modifie donc le cadre dans lequel sa pratique est évaluée.
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Le juge saisi d’une affaire dans ce contexte tiendra évidemment compte des circonstances pour apprécier la faute éventuelle.
L'urgence peut limiter la responsabilité du médecin généraliste
La jurisprudence a bien établi que dans le cadre d'une urgence, certains éléments peuvent atténuer la responsabilité du médecin. La nécessité de prendre une décision rapide dans un contexte particulier peut être prise en compte par les tribunaux pour limiter l’ampleur de la faute.
Cependant, cette atténuation de la responsabilité ne signifie pas que le médecin est exonéré de toute faute. En cas de manquement, le médecin traitant pourrait se voir reprocher, notamment, un retard ou une erreur de diagnostic, le non-respect de la continuité des soins ou encore un manquement à son devoir d’information.
Un retard ou une erreur de diagnostic
Le contexte d’urgence peut influer sur l'appréciation du médecin généraliste en introduisant des contraintes de temps, de pression, de manque d’information, voire de confusion, dans la prise de décision. En cas de manquement, le médecin traitant pourrait se voir reprocher, notamment, un retard ou une erreur de diagnostic.
Afin que l’erreur de diagnostic ne soit pas considérée comme fautive, le médecin généraliste devra justifier que tous les moyens nécessaires ont été mis en œuvre, que les bonnes questions ont été posées afin d’éliminer les pathologies qui auraient nécessité l’orientation du patient vers un service d’urgence, voire l’envoi d’un Service Mobile d’Urgence et de Réanimation (SMUR).
En cas de manquement dans la prise en charge du patient par son médecin généraliste dans un contexte d’urgence, l’erreur fautive ou le retard de diagnostic se traduiront par une perte de chance pour le patient d’éviter une aggravation de son état de santé réduisant les chances de guérison ou d’amélioration, voire une perte de chance d’éviter le décès.
L’indemnisation des préjudices imputables sera proportionnelle à la chance perdue du fait du manque de réactivité ou de rigueur du praticien consulté.
À titre d’exemple, un patient se présente chez un médecin généraliste qui n’est pas son médecin traitant habituel avec une douleur thoracique intense. Le médecin ne réalise pas les examens approfondis qui s’imposent au regard de l’historique médical du patient et conclut à une crise d’angoisse justifiant la mise sous calmant. La suite de la prise en charge révèlera que le patient avait en réalité fait un infarctus du myocarde. Le praticien verra sa responsabilité retenue au titre d’une perte de chance pour le patient d’éviter des séquelles irréversibles.
Le non-respect de la continuité des soins
En vertu de l’article L.6315-1 du code de la santé publique, le médecin doit garantir la continuité des soins.
Ainsi, même en cas d'urgence, le médecin doit s'assurer que le patient reçoive la prise en charge adaptée, y compris la gestion du transfert vers un hôpital ou un service spécialisé si nécessaire. Le médecin généraliste doit également veiller à un suivi approprié pour s'assurer que le patient reçoive les soins nécessaires, même après la situation d'urgence.
Le non-respect du devoir d'information
L’article L.1111-2 du code de la santé publique impose au médecin d’informer son patient (ou ses proches s’il est inconscient).
Cependant, il prévoit deux exceptions : l’urgence et l’impossibilité d’informer. Ainsi, en cas d’urgence, il ne pourra être reproché au médecin de ne pas avoir respecté son devoir d’information.
Un conseil cependant
Tracez bien la situation dans le dossier du patient afin d’être en mesure de prouver l’existence d’une situation d’urgence en cas de litige.
L'urgence peut aggraver la responsabilité du médecin généraliste
La non prise en compte ou l’inaction devant certains signes caractéristiques de l’urgence peut être sanctionnée.
Le médecin doit en effet savoir identifier les signes d’alerte, orienter rapidement et ne pas retarder la prise en charge.
Ainsi, par exemple, un médecin généraliste qui ne réagirait pas après avoir été informé d’une fièvre élevée et d'une raideur de nuque chez un enfant engagerait clairement sa responsabilité.
Tel fut le cas du médecin généraliste qui avait reçu en consultation un nourrisson quelques jours avant son décès des suites d’une déshydratation extrême. Ce dernier aurait dû identifier l’urgence de la situation et relever notamment les signes de grande déshydratation et une perte de poids soudaine.
En résumé
La responsabilité du médecin généraliste en situation d’urgence est donc appréciée de manière nuancée, en tenant compte des contraintes spécifiques du contexte.
Si le médecin a l’obligation légale et déontologique de porter secours à toute personne en danger, il doit également agir avec compétence et diligence.
Les tribunaux prennent souvent en considération les circonstances particulières liées à l’urgence pour évaluer la faute et déterminer si le médecin a respecté ses obligations professionnelles. Néanmoins, des erreurs graves, des négligences manifestes ou un manque de réactivité peuvent entraîner une responsabilité, même dans un contexte urgent.