Qu’est-ce qu’une faute inexcusable de l’employeur ?
Il s’agit désormais "du manquement à l’obligation légale de sécurité et de protection de la santé à laquelle l’employeur est tenu envers le salarié qui a le caractère d’une faute inexcusable si l’employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était soumis le salarié et s’il n’a pas pris les mesures nécessaires pour l’en préserver".
Jusqu’en 2002, la faute inexcusable était définie comme "la faute d’une gravité exceptionnelle, dérivant d’un acte ou d’une omission volontaire, de la conscience du danger que devait en avoir son auteur et de l’absence de toute cause justificative".
L’employeur devait démontrer, par tout moyen, qu’aucune faute n’avait été commise. (Cass. Assemblée Plénière, 18 juillet 1980, n° 78.12.570).
A la suite des arrêts "amiante", la Cour de Cassation, par plusieurs arrêts du 28 février 2002 (Cass. Soc, 28 février 2002, n° 99.17.221) a modifié la définition de la faute inexcusable de l’employeur. La Cour de Cassation fait peser sur l’employeur une obligation sur un fondement contractuel de sécurité résultat à l’égard de ses salariés. Le manquement à cette nouvelle obligation a le caractère d’une faute inexcusable si l’employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était exposé le salarié et n’avait pas pris les mesures nécessaires pour l’en préserver.
Cette solution a également été transposée aux accidents du travail par un arrêt de l’Assemblée Plénière du 24 juin 2005 (n° 03.30.038).
En 2004, la Cour de cassation assouplit l’obligation mise à la charge de l’employeur en demandant au salarié d’apporter la preuve de la conscience du danger par l’employeur et l’absence de mesures de prévention.
Puis à partir de 2015, la position de la Cour de Cassation permet à l’employeur de prouver son absence de faute même en cas de manquement à une règle d’hygiène et sécurité, dès lors que l’employeur "a mis en place les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs". (Art L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail). De fait, le lien contractuel est abandonné au profit d’un fondement légal (Cass. Soc, 1er Juin 2016) (Cass. Ass. Plénière, 5 Avril 2019, n° 18-17.442).
C’est cette nouvelle définition de la faute inexcusable basée sur un fondement légal et non plus contractuel qui est adoptée par les deux décisions de la Chambre civile de la Cour de Cassation.
La conscience du danger et la mise en place de mesures de protection des salariés
La conscience du danger
La conscience du danger est une condition nécessaire à la qualification de la faute inexcusable.
La Cour de Cassation renforce ses exigences vis-à-vis de l’employeur quant à la conscience du danger en demandant à ce dernier d’axer son attitude dans l’anticipation du risque.
Dans l’un des deux arrêts précités, il a notamment été reproché à l’employeur de ne pas avoir anticipé sa conscience du danger en s’appuyant sur une bonne utilisation du Document unique.
En l’espèce, le risque était répertorié dans le DUERP. L’employeur, même en l’absence d’interpellation du salarié victime ou des représentants du personnel, aurait dû avoir conscience du danger.
De la même manière, dès lors qu’un risque se répète, l’employeur doit avoir conscience du danger.
En l’espèce, plusieurs agressions avaient été signalées sur le lieu de travail du salarié sur une période de quelques mois. Un employeur doit avoir conscience qu’un risque réalisé peut se reproduire.
La mise en place des mesures de protection
Une fois la conscience du danger établie, il est de la responsabilité de l’employeur de mettre en place des mesures de protection des salariés.
Au-delà de l’existence des mesures de protection des salariés prévues dans le Document unique, la mise en place de ces mesures incombe à l’employeur.
La Cour de Cassation précise en l’espèce que l’employeur doit veiller à vérifier l’efficacité des mesures de protection prévues.
À défaut, la faute inexcusable pourrait être retenue.