Une plaie qui se termine en amputation
Un patient âgé de 45 ans, diabétique de type 2 depuis 5 années, est pris en charge pour une plaie du bord interne de l’hallux droit favorisée par le port de nouvelles chaussures de sécurité. Il est impossible de préciser depuis quand évolue cette plaie. Un suintement est décrit, ainsi qu’un œdème et une rougeur.
Des soins locaux sont prescrits, à pratiquer par une infirmière, ainsi qu’un arrêt de travail pour décharge et une exploration vasculaire.
Une infirmière, de sa propre initiative, pratique un prélèvement bactériologique superficiel, qui met en évidence 4 germes. Le médecin revoit le patient 10 jours plus tard, constate après détersion, une plaie de 2 cm sur 1 cm avec fibrine, un exsudat non purulent, un œdème.
Le doppler artériel des membres inférieurs ne retrouve pas de sténose hémodynamique, l’index IPS est normal ; compte tenu de ces données, le médecin ne prescrit pas d’antibiotiques, d’autant qu’il existe une notion d’allergie à la pénicilline. Il demande la poursuite des soins locaux et de la décharge.
48 heures plus tard, apparaissent des signes généraux avec fièvre à 39,6°C, motivant une hospitalisation en urgence. Le diabète est très déséquilibré (glycémie à 3.5 g/l ; HbA1c 10.5%), il y a une ostéite, une hyperleucocytose.
Après 24 heures d’antibiothérapie probabiliste, une amputation de la deuxième phalange de l’hallux droit est réalisée. Une reprise chirurgicale sera nécessaire deux jours plus tard avec amputation transmétatarsienne du premier rayon.
Les prélèvements profonds peropératoires mettront en évidence deux germes (Staphylococcus Aureus et Bactéroïdes fragilis) différents des 4 germes retrouvés lors du prélèvement superficiel.
Une insulinothérapie est débutée chez ce patient dont le diabète était déséquilibré de façon chronique et qui avait refusé, quelques mois plus tôt, sa mise en place.
Le point sur la prise en charge des plaies du pied diabétique
20 à 25 % des personnes vivant avec un diabète présenteront une plaie du pied au cours de leur vie, avec un risque d’amputation multiplié par 7 par rapport à la population non diabétique.
Le diabète est le facteur responsable de 50 à 70% des amputations de membre inférieur non traumatiques dans le monde et 85% de ces amputations sont précédées d'une plaie.
La prise en charge des plaies sur pied diabétique repose sur l’acronyme MIDAS :
- M pour métabolique : équilibrer le diabète.
- I pour l’infection : en l’absence de signes systémiques (fièvre, frissons, altération de l’état général), selon les recommandations en vigueur (IDSA Infectious Diseases Society of America et IWGDF International Working group on the Diabetic Foot) ce n’est qu’en cas d’infection sur la base d’au moins 2 critères cliniques IDSA (rougeur, chaleur locale, sensibilité à la palpation, œdème, écoulement purulent) qu’on proposera une antibiothérapie probabiliste (toujours active sur Staphylococcus Aureus) ou adaptée si prélèvements profonds en structure spécialisée. L'antibiothérapie systémique, en l'absence d'infection, n'est pas recommandée car sans bénéfice démontré sur l'évolution de la plaie. Il n'est pas non plus recommandé d'utiliser un traitement antibiotique local en traitement préventif ou curatif des infections de plaie du pied.
- D pour décharge : à prescrire.
- A pour artères : revascularisation si nécessaire.
- S pour soins locaux : lavage savon doux, sérum physiologique, débridement, détersion pansements.
Quels enseignements tirer de cette affaire ?
Souvent, les intervenants dans la prise en charge d’une plaie chez le diabétique sont multiples : infirmières, pédicure, médecin traitant, diabétologue, chirurgiens, médecins hospitaliers.
Ce contexte est favorable au contentieux, notamment en cas de soins infirmiers, sur le type de soins, la pratique d’un prélèvement, la prescription d’antibiotiques.
Dans ce dossier, c’est à partir de critiques formulées par d’autres professionnels de santé que le plaignant a exprimé des griefs au sujet de la non prescription d’antibiotique, qui n’était pourtant pas formellement indiquée : pas de fièvre, un seul critère IDSA, l’œdème.
- La prescription des soins infirmiers doit être la plus détaillée possible en précisant les consignes de sécurité de la plaie de pied diabétique : "pansement complexe nécessitant une détersion mécanique" en indiquant la fréquence de réalisation du pansement, le nombre de plaies, le méchage et l'irrigation si nécessaire.
- Il est recommandé d'établir un carnet ou une fiche de suivi afin d'assurer une continuité des soins entre les différents acteurs de santé prenant en charge le patient.
Dans le cas présent, la décharge avait bien été prescrite. L’absence d’atteinte artérielle accessible à un geste de revascularisation avait bien été vérifiée.
La prise en charge métabolique n’était pas optimale mais l’insulinothérapie préalablement proposée par le diabétologue avait été refusée par le patient.
Ainsi au terme d’une expertise amiable contradictoire, il n’a pas été établi de manquement sur la prise en charge de cette plaie.

