Retard de diagnostic d’une tumeur cancéreuse
À la suite de douleurs dorsolombaires, une patiente consulte son médecin traitant. Une échographie est effectuée en 2015 et révèle des adénomégalies sous-angulo-maxillaires droites. Un traitement antibiotique lui est prescrit.
En raison de la persistance de la tuméfaction cervicale, la patiente consulte un spécialiste ORL en juillet 2017. À la suite d’une biopsie et d’un scanner, une tumeur cancéreuse située à la base de la langue à droite est diagnostiquée et un traitement par radiothérapie et chimiothérapie est effectué pendant 3 mois.
Un nouveau scanner est réalisé en mars 2018 et fait état d’une régression de la maladie.
En septembre 2018, un nouveau contrôle permet de conclure à une rémission complète.
Manquement fautif du praticien mais absence de dommage de la patiente
La patiente saisit le tribunal judiciaire en invoquant un retard de diagnostic de 20 mois imputable à son médecin traitant.
Une expertise médicale est ordonnée et l’expert indique que le comportement du praticien n’a pas été "conforme aux règles de l’art" : une "masse" a été constatée en novembre 2015 mais l’exploration ORL n’a été réalisée que 20 mois plus tard.
Il conclut :
- à un retard de diagnostic dû certainement à l’absence de douleur pharyngée et de gêne à la déglutition. Il est aussi dû à "l’évolution très lente de la tumeur qui a donné le change avec une maladie non agressive". Mais, son comportement est fautif car il aurait dû d’emblée demander un examen ORL.
- Cependant, même si le diagnostic avait été plus précoce, la prise en charge aurait comporté exactement les mêmes traitements, la même durée et aurait induit les mêmes conséquences.
La patiente n’a donc perdu aucune chance de guérison. Elle est d’ailleurs en rémission. L’expert en déduit donc que, même si le retard de diagnostic est anormal, aucun dommage n’en a résulté.
Un praticien fautif mais pas responsable
Les juges retiennent un retard de diagnostic de 20 mois de la part du praticien qui a commis une faute en ne prescrivant pas de contrôle ORL dès 2015.
Toutefois, même si le diagnostic avait été plus précoce, le traitement de la patiente aurait été exactement le même que celui qu’elle a eu 20 mois après. Elle n’a donc perdu aucune chance de guérison.
Ils ne retiennent pas non plus un préjudice moral découlant du retard fautif de diagnostic car le certificat médical transmis par la patiente ne permet pas d’établir de lien direct et certain entre la souffrance psychologique évoquée et la faute du praticien.
Comme aucune preuve du lien de causalité entre la faute et le dommage n’est établie, l’ensemble des demandes de la patiente est rejeté.
Une faute n’entraîne pas automatiquement une responsabilité
Cette décision illustre bien le principe juridique fondamental selon lequel la responsabilité d’un praticien ne peut être retenue que :
- s’il a commis une faute médicale,
- si le patient a subi un dommage,
- s’il existe un lien de causalité direct, certain et exclusif entre les deux.
Dans ce jugement, on constate qu’il y a bien une faute du praticien (l’erreur de diagnostic) mais que cette faute n’est pas à l’origine du préjudice de la patiente (le traitement du cancer). Le préjudice qu’elle a subi n’est donc la conséquence directe de l’erreur de diagnostic.
Ce jugement confirme une jurisprudence bien établie depuis un arrêt du 19 mars 1971 qui exige un lien de causalité entre la faute et le dommage, condition fondamentale de la responsabilité.
Une faute n’entraîne donc pas nécessairement la responsabilité du praticien mis en cause.