Une obligation de moyens... mais renforcée !
De manière générale, le médecin est tenu à une obligation de moyens
Il doit mettre en œuvre tous les moyens à sa disposition pour prendre en charge le patient et, sinon le guérir, du moins lui dispenser les soins les plus adaptés, ce qui suppose notamment de :
- tenir compte de l’état de l’Art (recommandations professionnelles, réglementation, bonnes pratiques, etc.) ;
- recourir au matériel adapté, aux examens complémentaires nécessaires et à des confrères spécialisés si besoin ;
- en chirurgie, poser très prudemment l’indication opératoire, en pesant le rapport bénéfices/risques.
Cette notion d'obligation de moyens est purement juridique : elle est la traduction du principe selon lequel la responsabilité d’un professionnel de santé n’est engagée que s’il a commis une faute (appréciée au regard des moyens mis en œuvre).
En matière de chirurgie esthétique, pas d'obligation de résultat !
En chirurgie esthétique, l’acte médical présente des particularités :
- il n’a pas de finalité thérapeutique ;
- l’objectif poursuivi est d’améliorer l’apparence physique ou le confort esthétique avec, souvent, la promesse d’obtenir un certain résultat, préalablement discuté avec le patient.
Le chirurgien s’étant engagé sur un résultat esthétique, est-il automatiquement responsable dès lors que ce résultat n’est pas atteint ? Autrement dit, est-il tenu à une obligation de résultat ?
Ce n’est pas la position de la jurisprudence, qui retient plutôt, de longue date, l’existence d’une obligation de moyens renforcée. En effet, un résultat précis ou parfait ne peut jamais être garanti :
- il varie en fonction des attentes subjectives du patient,
- il peut se produire des réactions inattendues, la médecine n’étant pas une science exacte.
L’obligation de moyens renforcée est plus stricte : le praticien doit mettre en œuvre tous les moyens nécessaires, mais avec un degré de rigueur et de prudence accru, qui passe par :
- une réalisation de l’intervention dans un établissement agréé, garantissant un cadre sécurisé et conforme aux normes ;
- un respect strict des règles de l’Art ;
- une prudence rigoureuse dans l’indication opératoire, en respectant la proportionnalité entre les risques encourus et l’amélioration esthétique attendue et en refusant l’intervention si les risques dépassent le bénéfice esthétique escompté.
En résumé
L’obligation de moyens renforcée en chirurgie esthétique est une obligation de prudence et de diligence accrue, avec un contrôle strict des conditions et de la proportionnalité de l’intervention, mais sans exiger un résultat esthétique garanti.
Un devoir d'information lui aussi renforcé
Le devoir d’information s’impose à tout médecin, quelle que soit sa spécialité.
En matière de chirurgie esthétique, cette obligation se trouve renforcée par l’article L.6322-2 du code de la santé publique et par le décret du 22 septembre 2015.
Selon ces textes, pour toute prestation de chirurgie esthétique, le patient doit être informé par le praticien :
- des conditions précises de l’intervention (sa nature, son déroulement, sa durée, le type d’anesthésie, etc.) ;
- des risques et complications possibles, y compris les risques rares et ceux qui ne se réalisent qu’exceptionnellement ;
- des conséquences postopératoires précises (temps de récupération, cicatrices, séquelles, etc.) ;
- des alternatives possibles (y compris l’abstention chirurgicale) ;
- le coût détaillé de l’intervention grâce au devis, sur lequel nous reviendrons.
Information sur l'identité de l'opérateur
Particularité de la chirurgie esthétique : conformément à l’article D.6322-30 du code de la santé publique, "Le chirurgien, qui a rencontré la personne concernée, pratique lui-même l'intervention chirurgicale, ou l'informe au cours de cette rencontre qu'il n'effectuera pas lui-même tout ou partie de cette intervention".
Un devis obligatoire et préalable
Cette obligation découle également de l’article L.6322-2 du code de la santé publique. Elle complète l’obligation d’information puisque ce devis doit être remis en accompagnement de l’information. Il répond à certaines caractéristiques. Ce devis est :
- écrit, signé par le praticien et délivré en double exemplaire ;
- établi avant toute décision d’engagement du patient, qui dispose d’un délai de réflexion (incompressible) de 15 jours ;
- gratuit.
Les mentions suivantes doivent y figurer :
- Nature exacte de l’intervention proposée.
- Lieu de l’intervention.
- Honoraires du chirurgien et de l’anesthésiste.
- Frais annexes (bloc opératoire, hospitalisation, soins postopératoires…).
- Mention selon laquelle l’acte n’est pas remboursé par l’Assurance Maladie.
- Date de l’intervention.
- Mention du délai de réflexion de 15 jours minimum.
- Engagement du praticien de pratiquer l’intervention lui-même (ou mention selon laquelle il n’effectuera pas lui-même tout ou partie de l’intervention).
Un délai de réflexion avant l'intervention à respecter impérativement
L’article D.6322-30 du code de la santé publique précise qu’un délai minimum de quinze jours doit être respecté après la remise du devis détaillé, daté et signé par le praticien devant effectuer l'intervention de chirurgie esthétique.
Important
Ce délai est absolument impératif, il ne peut y être dérogé, même sur la demande ou l’insistance du patient.
Pendant ce délai, il ne peut être exigé ou obtenu une contrepartie quelconque ni aucun engagement, à l'exception des honoraires afférents aux consultations préalables à l'intervention.
Chirurgie esthétique : pas d'intervention de la solidarité nationale en cas d'aléa
En l’absence de faute du professionnel de santé, l’article L.1142-1 du code de la santé publique prévoit l’intervention de la solidarité nationale (par l’intermédiaire de l’ONIAM) au titre d’un aléa. Certaines conditions doivent être réunies (existence d’un accident médical, directement imputable à des actes de prévention, de diagnostic ou de soins, avec des conséquences anormales au regard de l’état de santé comme de l'évolution prévisible de celui-ci et présentent un caractère de gravité, fixé par décret).
Ce mécanisme ne s’applique pas en matière de chirurgie esthétique. En effet, l’article L.1142-3-1 précise qu’en sont exclues les demandes d'indemnisation de dommages imputables à des actes dépourvus de finalité contraceptive, abortive, préventive, diagnostique, thérapeutique ou reconstructrice, y compris dans leur phase préparatoire ou de suivi.
En d’autres termes, les victimes d’accidents médicaux qualifiés d’aléa thérapeutique consécutifs à un acte de chirurgie esthétique ne peuvent être indemnisés, quelle que soit l’ampleur du préjudice subi.
À retenir
Le seul fait qu’une intervention de chirurgie esthétique ne donne pas le résultat escompté n’engage pas systématiquement la responsabilité du chirurgien, qui n’est tenu à aucune obligation de résultat.
Mais ses obligations (obligation de moyens, information du patient) seront appréciées avec davantage d’exigence. Il en ira de même pour la remise du devis, étape absolument obligatoire, à ne surtout pas négliger !
Le non-respect de ces impératifs peut engager la responsabilité du chirurgien esthétique.