Quel est l’objet de ce texte ?
Dans un contexte de démographie médicale en tension et après avoir fait le constat de dérives de l’intérim médical, le gouvernement a souhaité encadrer et réguler le recours à l’intérim médical et paramédical en mobilisant et responsabilisant les acteurs du secteur.
La finalité ?
Maintenir la continuité et la permanence des soins dans les territoires et préserver le bon fonctionnement des services hospitaliers, publics et privés.
La loi du 27 décembre 2023 et son décret d’application s’inscrivent dans une double continuité :
- Celle de la loi du 26 janvier 2016 qui avait introduit le principe d’un encadrement des tarifs de l’intérim médical.
- Celle de la loi du 26 avril 2021, dite loi "Rist", qui a permis de contrôler son application dans les hôpitaux publics en réglementant la rémunération des médecins intérimaires.
Concrètement, ces textes ont pour objet de fixer la durée minimale d'exercice préalable de certains professionnels avant leur mise à disposition d'un établissement de santé, d'un laboratoire de biologie médicale ou d'un établissement ou service social ou médico-social par une entreprise de travail temporaire.
En pratique, la mise en œuvre de ces dispositions doit permettre de :
- Sécuriser l’exercice des jeunes professionnels.
- Consolider les équipes au sein des établissements sanitaires et médico-sociaux.
- Limiter les effets de la concurrence salariale à laquelle se livrent les établissements sanitaires et médico-sociaux et les entreprises de travail temporaire.
À quelle date prennent effet les mesures édictées par le décret ?
Ces mesures s’appliquent à compter du 1er juillet 2024 pour les personnels non médicaux et professionnels du secteur social et à compter du 1er décembre 2025 pour les personnels médicaux.
C’est à compter de ces dates que s’apprécie la durée minimale d’exercice exigée avant de pouvoir effectuer une mission d’intérim.
De même, seuls sont visés les contrats conclus à compter, soit du 1er juillet 2024 pour les personnels non médicaux et professionnels du secteur social, soit du 1er décembre 2025 pour les personnels médicaux.
Sont concernés par ces dispositions les contrats d’intérim conclus entre un professionnel et une entreprise de travail temporaire qui le met à disposition d’un établissement.
Ne sont pas concernés les contrats conclus directement entre un professionnel de santé et un établissement de santé.
Quels sont les établissements concernés ?
- Les établissements de santé.
- Les laboratoires de biologie médicale.
- Les établissements ou services sociaux ou médico-sociaux de personnels non médicaux et de maïeutique ou de personnels de l'action sociale et médico-sociale.
Quels sont les professionnels concernés par ce dispositif ?
À compter du 1er juillet 2024
- les sages-femmes et professionnels de santé des établissements de santé et laboratoires de biologie médicale,
- les infirmiers, y compris ceux titulaires d’une spécialisation (IPA, IBODE, IADE) ;
- les aides-soignants,
- les éducateurs spécialisés,
- les assistants de service social,
- les moniteurs-éducateurs,
- les accompagnants éducatifs et sociaux des établissements et services sociaux et médico-sociaux.
À titre dérogatoire, l'interdiction ne s'applique pas aux contrats de mise à disposition de personnes dotées du statut d'étudiant en santé conclus avec des entreprises de travail temporaire établies en France ou à l'étranger.
À compter du 1er décembre 2025
- les médecins,
- les chirurgiens-dentistes,
- les pharmaciens.
Quelle durée minimale d’exercice ?
Le décret fixe la durée minimale d’exercice à deux ans en équivalent temps plein.
Calcul de la durée d'exercice
Le décret n°2024-583 du 24 juin 2024 relatif à la durée minimale d'exercice préalable de certains professionnels avant leur mise à disposition d'un établissement de santé, d'un laboratoire de biologie médicale ou d'un établissement ou service social ou médico-social par une entreprise de travail temporaire, a fixé à deux ans la durée minimale d’exercice préalable pour les personnels non-médicaux et de maïeutique à compter du 1er juillet 2024.
Cette durée doit être appréciée en tenant compte de l’ensemble des périodes d’exercice dans la même profession ou la même spécialité que celle pour laquelle la mise à disposition est envisagée.
Pour les professionnels titulaires d’une spécialité, cette durée d’exercice doit donc être appréciée sur les emplois occupés dans cette spécialité.
Ainsi, pour les IPA, IBODE ou IADE, leur expérience sur des emplois d’infirmiers en soins généraux n’a pas vocation à être prise en compte.
Il en va de même d’un infirmier qui a été préalablement aide-soignant.
Le décret n° 2025-1147 a étendu cette durée minimale d’exercice préalable de deux ans aux médecins, chirurgiens-dentistes et pharmaciens à compter du 1er décembre 2025.
Pour les médecins, chirurgiens-dentistes, pharmaciens et sage-femmes, ces périodes doivent avoir été réalisées après l’inscription au tableau de l’ordre dont ils relèvent ou, le cas échéant, après la date à laquelle ils ont rempli, dans un Etat membre de l’Union européenne ou partie à l’accord sur l’Espace économique européen, l’ensemble des conditions permettant d’y exercer légalement leur profession.
Toutefois, pour se conformer à la décision du Conseil d’État n° 495797 en date du 6 juin 2025, seuls sont concernés les professionnels concluant, pour la première fois, un contrat avec une entreprise de travail temporaire en vue d’exercer leur profession.
Application dans le temps
La justification du respect de la durée minimale doit intervenir préalablement à la conclusion du contrat de mise à disposition.
Ainsi, l’interdiction ne concerne pas les contrats de travail temporaire en cours qui se poursuivent après l’entrée en vigueur de chaque décret respectif.
Les professionnels concernés
Tous les professionnels concernés devront justifier de la durée minimale exigée, qu’ils soient anciens ou nouveaux diplômés ou encore qu’ils accomplissent une mission temporaire pour la première fois.
Enfin, cette interdiction s’appliquera aux nouveaux comme aux anciens diplômés : la loi et son décret d’application ne distinguent pas selon la date d’obtention du diplôme, il n’y a donc pas lieu de distinguer.
Dans les faits cependant, cette interdiction s’appliquera quasi-exclusivement aux nouveaux diplômés qui ne peuvent pas - par principe - justifier de la durée minimale d’exercice requise sur les nouvelles fonctions dont ils viennent d’être diplômés.
De manière plus limitée, d’anciens diplômés pourraient être concernés, tels que ceux qui ont exercé moins de deux ans après l’obtention de leur diplôme et qui auraient changé de profession.
Qui est chargé de veiller au respect de cette mesure ?
Ce sont les entreprises de travail temporaire qui seront chargées de vérifier que le professionnel mis à disposition justifie de la durée minimale d’exercice de deux ans.
À cette fin, les entreprises doivent obtenir du professionnel de santé les pièces justifiant de la durée et de la nature des fonctions antérieurement occupées.
S’agissant des professions réglementées, ils devront produire "une copie du diplôme ou de l’autorisation d’exercice de la profession, et, le cas échéant, de la spécialité concernée, antérieur aux périodes d’exercice prises en compte pour justifier de la durée minimale d’exercice".
L’inspection du travail pourra procéder à des contrôles afin de s’assurer de la collecte des pièces justificatives attestant du respect de la condition de durée préalablement à la mise à disposition du professionnel de santé.
Les preuves de ces vérifications devront être conservées pendant cinq ans.
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En outre, elles doivent également attester du respect de cette durée minimale d’exercice auprès des établissements, au plus tard lors de la signature du contrat de mise à disposition, et être en mesure de prouver la réception de cette attestation en cas de contrôle.
Le décret ne précise pas sous quelle forme se présente cette attestation, qui peut donc revêtir la forme d’une simple attestation sur l’honneur.
À tout moment, l’établissement bénéficiaire de la mise à disposition pourra exiger la présentation des justificatifs des vérifications réalisées ; toutefois il n’appartiendra pas à ce dernier de vérifier la réalité de la durée minimale d’exercice.
Quelles sanctions en cas de non-respect du décret ?
Sanctions administratives et financières encourues par les établissements de santé
Un établissement de santé, un établissement de santé médico-social ou un laboratoire de biologie médicale qui conclut avec un établissement de travail temporaire un contrat pour la mise à disposition d’un professionnel sans disposer de l’attestation requise est passible d’une sanction administrative proportionnée à la gravité des faits constatés.
- Pour les établissements de santé et laboratoires de biologie médicale, le directeur général de l’ARS territorialement compétent pourra poncer une sanction allant jusqu’à 5% des recettes d’assurance maladie de l’établissement ou du laboratoire lors du dernier exercice clos, dans la limite de 100 000 euros.
- Pour les établissements de santé médico-sociaux, le directeur général de l’ARS ou le président du conseil départemental ou encore le préfet de département pourront prononcer une sanction allant jusqu’à 5% du chiffre d'affaires réalisé, en France et dans le champ d'activité en cause, par le gestionnaire lors du dernier exercice clos. À défaut d'activité permettant de déterminer ce plafond, le montant de la sanction financière ne peut être supérieur à 100 000 euros.
À noter que la sanction administrative est encourue par contrat de mise à disposition.
Sanctions pénales
En cas de manquement à son obligation de vérification de la durée minimale d’exercice hors intérim, l’ entreprise de travail temporaire encourt une amende de 3 750 euros, portée à 7 500 euros en cas de récidive et pouvant être assortie d’une peine complémentaire d’interdiction d’exercer l’activité d'entrepreneur de travail temporaire pour une durée de deux à dix ans, si elle méconnaît les dispositions relatives aux conditions d'exercice de l'activité de travail temporaire.
La réalisation d’une fausse attestation pour un professionnel ne justifiant pas de la condition de durée minimale d’exercice préalable à l’intérim est susceptible d’être sanctionné d'un an d'emprisonnement et de 15 000 euros d'amende.
Il en va de même pour un établissement ou un laboratoire de biologie médicale qui aurait, en connaissance de cause et se rendant donc complice de l’usage du faux, fait usage d’une fausse attestation produite par l’entreprise de travail temporaire pour recourir à un professionnel intérimaire.
Enfin, le professionnel de santé établissant une fausse attestation pour être mis à disposition ne justifiant pas de la condition de durée minimale d’exercice est susceptible d’être sanctionné pénalement pour faux et usage de faux.
Responsabilité civile
La mise à disposition, par une entreprise de travail temporaire, d’un professionnel ne justifiant pas de la condition de durée minimale d’exercice requise pourra entrainer la nullité du contrat.
Par ailleurs, la responsabilité de l’entreprise de travail temporaire comme de l’établissement ayant recours, en toute connaissance de cause, à un professionnel ne respectant pas la condition de durée minimale d’exercice pourra être engagée en cas de survenance d’un dommage impliquant le professionnel et ayant un lien de causalité avec le non-respect de la durée d’exercice préalable.
Le professionnel de santé pourra également voir sa responsabilité civile engagée en cas de survenance d’un dommage en lien avec son exercice en qualité d’intérimaire au sein de la structure dans laquelle il est mis à disposition.

