MACSF
Le 26.09.2023
Sommaire
15 articles
Notre série spéciale
Responsabilité civile professionnelle (RCP)
Découvrir la série spécialeLa procédure pénale, bien que rare pour les professionnels de santé, est celle qu’ils redoutent le plus. Elle se distingue des autres procédures par le caractère personnel des peines et condamnations prononcées ainsi que par leur nature (peines d’emprisonnement et amendes) qui ne peuvent être assumées par l’assureur.
Au pénal, seuls les intérêts civils et les frais de procédure peuvent être pris en charge par l’assureur.
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Toutes spécialités et activités confondues
En 2022, 3 % seulement des professionnels de santé ayant fait l’objet d’une procédure judiciaire ont été poursuivis devant les juridictions pénales. Ce taux est stable d’une année sur l’autre et illustre la rareté des poursuites pénales à l’encontre des professionnels de santé.
En 2022, les mises en cause pénales ont abouti très majoritairement à des condamnations. Cette année a été plus particulièrement marquée par un sinistre "sériel" concernant deux chirurgiens-dentistes, dossier hors-norme par le nombre de victimes et par la sévérité des sanctions prononcées.
L’indemnisation des intérêts civils représente cette année 138 000 €. Dans la majorité des affaires, les juges ne se sont pas prononcés sur les intérêts civils, soit en raison d’un renvoi à une date ultérieure, soit en raison de la compétence d’une autre juridiction (civile ou administrative).
L’interprétation des tendances en matière pénale est toujours difficile car le volume d’affaires est faible (moins de 15). Il suffit de quelques cas pour faire basculer le taux dans un sens ou dans l’autre, sans que des tendances claires puissent en être déduites.
La culpabilité de 14 professionnels de santé a été retenue dans les 10 décisions pénales prononçant une condamnation.
Cette année, 9 catégories de professionnels de santé ont été mises en cause pénalement.
Mis en cause | Relaxés | Condamnés | |
---|---|---|---|
Anesthésie réanimation | 1 | 0 | 1 |
Chirurgie dentaire | 2 | 0 | 2 |
Établissement de soins | 3 | 1 | 2 |
Gynécologie obstétrique | 5 | 1 | 4 |
Infirmiers | 2 | 1 | 1 |
Médecine générale | 4 | 3 | 1 |
Médecine d'urgence | 1 | 1 | 0 |
Sage-femme | 3 | 1 | 2 |
Praticien attaché associé | 1 | 0 | 1 |
Total | 22 | 8 | 14 |
Le nombre de condamnations au pénal est en augmentation par rapport à 2021, sans que cela soit significatif au regard du faible volume annuel de procédures pénales. Les condamnations pénales concernent très majoritairement des affaires dans lesquelles le patient est décédé.
Les sanctions prononcées en 2022 ont été particulièrement sévères : elles consistent presque toutes en des peines d’emprisonnement allant de 6 mois avec sursis à 8 ans ferme.
Une décision retient particulièrement l’attention : elle concerne deux chirurgiens-dentistes, spécialité généralement peu condamnée au pénal, mis en cause pour violences ayant entraîné des mutilations. Des peines cumulatives d’une grande sévérité (emprisonnement ferme respectivement de 8 et 5 ans, interdiction définitive d’exercer) ont été prononcées. Elles s’expliquent par le caractère tout à fait exceptionnel de l’affaire.
La non-assistance à personne en péril n’a fondé cette année aucune décision.
Une parturiente décède le lendemain de son accouchement, marqué par une expulsion fœtale laborieuse. Le décès est dû à une spoliation sanguine consécutive à une hémorragie de la filière génitale d’origine traumatique (déchirures larges et délabrements vaginaux et périnéaux).
Il est reproché au gynécologue obstétricien de ne pas avoir assuré une surveillance vigilante de la victime après son accouchement, alors pourtant qu’il avait utilisé des forceps, provoqué des lésions du vagin, du col de l’utérus et du périnée, et suturé les plaies pendant plus d’une heure.
Il est reproché à l’anesthésiste de ne pas avoir envisagé de transfusion sanguine et un transfert en réanimation alors que la patiente saignait abondamment et avait une tension faible.
Un nourrisson de 6 semaines décède d’une infection à virus respiratoire syncytial (bronchiolite). La veille, il avait été admis aux urgences pour symptomatologie rhinopharyngée et renvoyé à domicile avec un traitement consistant en du collyre et du sérum physiologique.
Il est reproché au praticien attaché associé une mauvaise interprétation des clichés radiographiques qui témoignaient d’une pneumopathie lobaire supérieure droite, ce qui aurait dû conduire à une hospitalisation du bébé. Il lui est également reproché, en tant que praticien attaché associé, de ne pas avoir sollicité l’avis d’un médecin sénior.
Il est reproché au centre hospitalier d’avoir embauché aux urgences un praticien attaché associé qualifié en chirurgie viscérale, de l’avoir laissé exercer sans la tutelle d’un médecin sénior et, en l’absence de service de pédiatrie dans l’établissement, de ne pas avoir rédigé de protocole de transfert vers un autre établissement.
Un patient nécessite, dans les suites d’un pontage coronarien, une transfusion sanguine, dispensée avec difficulté en raison d’un aspect anormal du plasma. Le patient décède dans les suites de la transfusion. Il s’avère que les poches avaient été trop chauffées, conduisant à une thermo coagulation responsable d’embols pulmonaires.
Il est reproché à l’infirmier surveillant de réanimation d’avoir persisté à transfuser le plasma dont l’aspect était gélatineux (en "blanc d’œuf") et de l’avoir même prélevé à la seringue, au niveau de la tubulure, pour l’injecter au patient.
Un nouveau-né décède le jour de sa naissance, compliquée par l’usage de deux forceps différents et d’une ventouse lors de l’extraction. La cause du décès est une atteinte irréversible de la moelle épinière au niveau des cervicales causée par des mouvements de rotation/torsion.
Il est reproché à l’obstétricienne d’avoir persisté dans une extraction instrumentale, avec forceps de Pajot puis de Tarnier, sans avoir effectué au préalable une échographie et sans avoir envisagé une césarienne.
Une femme de 44 ans, sujette à de fortes douleurs articulaires chroniques, applique, après accord téléphonique de son médecin traitant, un patch de morphine fortement dosé, retrouvé dans les affaires de son père récemment décédé de la maladie de Charcot. Elle décède d’une surdose de morphiniques.
ll est reproché au médecin généraliste traitant d’avoir autorisé téléphoniquement la prise de Durogésic® 100 microgrammes, traitement opioïde classé comme stupéfiant, alors que la prescription de ce médicament nécessite, conformément aux dispositions de l’article R.5132-3 du Code de la santé publique, un examen du patient et l’établissement d'une ordonnance sécurisée.
D'autant plus qu'il existait un contexte de nomadisme médical et d'automédication, que le praticien connaissait.
Un enfant qui se présentait en siège complet décède à la naissance d’une chorioamniotite aiguë ayant infiltré le cordon ombilical.
ll est reproché à la sage-femme de ne pas s’être procuré les résultats du bilan sanguin réalisé à l’admission, ces résultats montrant des signes qui auraient dû inciter à réaliser une césarienne, et de ne pas avoir relevé des anomalies du rythme cardiaque fœtal.
Il est reproché au gynécologue obstétricien d’avoir persisté dans un accouchement par voie basse alors que l’enfant était en siège complet et de ne pas avoir insisté devant le refus de la patiente d’envisager une césarienne. En tant que praticien attaché associé, il devait certes obtenir l’aval d’un sénior, mais il aurait dû en toutes hypothèses en référer au chef de service.
En pleine période estivale (sous-effectif), une patiente se présente aux urgences avec une forte fièvre (41,5°C), une tension basse, un essoufflement et des douleurs abdominales. L’urgentiste la transfère au bout de quelques heures en gastro-entérologie, où son état se dégrade et elle décède moins de 24 heures après d’une septicémie à pneumocoque. Depuis son admission en gastro-entérologie, elle n’avait été vue par aucun médecin, le gastro-entérologue chef de service n’ayant pas été informé de sa présence.
ll est reproché à l’urgentiste d’avoir décidé unilatéralement du transfert de la patiente vers un service d’hospitalisation sans s’assurer de sa prise en charge effective, mais ce transfert n’est pas en lien de causalité direct avec le décès, et il est donc relaxé.
Il est reproché à la clinique privée de ne pas avoir établi de protocole précis pour les transferts de nuit et de ne pas avoir identifié de médecin référent pour les paramédicaux de l’équipe. Ces dysfonctionnements constituent une faute caractérisée.
Lors de la réalisation d’une césarienne en urgence au bloc, un incendie se déclare au niveau des flancs de la parturiente à la suite de l’usage du bistouri électrique au contact de la peau insuffisamment séchée. Elle souffre de brûlures sur 15 % de sa surface corporelle.
Il est reproché au gynécologue obstétricien d’avoir répandu sur le ventre de la patiente le contenu de la cupule de Bétadine® après un premier badigeon et de ne pas avoir attendu le temps de séchage avant utilisation du bistouri électrique.
Suite à la prescription orale de la solution vitaminique SUNDAY NATURAL, il se produit un surdosage à l’origine d’une hypercalcémie chez un bébé d’un mois.
Il est reproché à la sage-femme d’avoir prescrit oralement la solution vitaminique sans en vérifier préalablement le dosage, et alors qu’il existait déjà une prescription écrite toujours valable d’un médecin pédiatre.
Deux chirurgiens-dentistes, père et fils, réalisent des soins dentaires injustifiés sur un très grand nombre de patients. Cette suractivité, doublée d’escroqueries à la sécurité sociale, conduit à des dommages très importants, s’apparentant à des mutilations.
Il est reproché aux deux chirurgiens-dentistes des délabrements, mortifications, extractions de dents sans justification médicale, une escroquerie aux dépens de la Sécurité sociale et des mutuelles des patients, une complicité de faux en écriture et de faux devis dentaires.
En 2022, les sanctions pénales prononcées ont été très sévères.
Les peines de prison avec sursis ont été nombreuses et on compte deux peines d’emprisonnement ferme, ce qui est rarissime dans le domaine de la responsabilité médicale.
De fortes amendes ont été infligées, notamment à des établissements de soins.
2020 | 2021 | 2022 | |
---|---|---|---|
Emprisonnement avec sursis | 3 | 6 | 7 |
Peine emprisonnement ferme | 0 | 0 | 2 |
Amende | 0 | 1 | 7 |
Interdiction temporaire d'exercer | 0 | 0 | 1 |
Interdiction définitive d'exercer | 0 | 1 | 2 |
*Un professionnel peut cumuler plusieurs sanctions pénales pour une même affaire. C’est ce qui explique que le total des sanctions soit supérieur au nombre de professionnels condamnés.
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