Les chiffres clés des décisions pénales
- 14 professionnels de santé mis en cause dont 8 relaxés
- 6 décisions de relaxe
- 4 décisions de condamnation (dès lors que l’un des prévenus est condamné, la décision est considérée comme une condamnation même si les autres prévenus sont relaxés)
- 9 000 € d'indemnisations sur intérêts civils
Quelle est l'évolution du contentieux pénal ?
Le constat est le même, année après année : les professionnels de santé ne sont que rarement poursuivis au pénal. La procédure pénale reste cependant la plus redoutée en raison du caractère personnel des peines et condamnations prononcées et de leur nature (emprisonnement et amendes).
Cette rareté rend l’interprétation du contentieux pénal difficile : compte tenu du faible volume d’affaires, quelques cas suffisent pour faire basculer les tendances.
L’indemnisation des intérêts civils représente cette année 9 000 €. Dans la majorité des affaires, les juges ne se sont pas prononcés sur les intérêts civils, soit en raison d’un renvoi à une date ultérieure, soit en raison de la compétence d’une autre juridiction (civile ou administrative).
Combien de mises en cause et de condamnations par spécialité
Cette année, 10 catégories de professionnels de santé ont été mises en cause pénalement :
- Chirurgien (1)
- Anesthésiste (1)
- Infirmier (2)
- Interne (1)
- Urgentiste (2)
- Médecin généraliste (2)
- Pédiatre (2)
- Psychiatre (1)
- Radiologue (1)
- Sage-femme (1)
La culpabilité de 6 professionnels de santé a été retenue dans les 4 décisions pénales prononçant une condamnation :
- Deux infirmières (une hospitalière, une libérale), qui ont été mises en cause pénalement dans deux affaires distinctes mais qui concernent toutes deux un surdosage de morphine (l’un, mortel, en établissement et l’autre à domicile). C’est la 4e année consécutive que les infirmiers sont mis en cause dans au moins une procédure pénale.
- Un interne
- Un radiologue
- Un urgentiste
- Un anesthésiste
Quelles ont été les infractions reprochées aux professionnels de santé ?
Dans 8 décisions sur 10, les professionnels de santé étaient poursuivis du chef d’homicide involontaire, le patient étant décédé des suites de la prise en charge.
Sur les 4 décisions pénales prononçant une condamnation, 3 concernent un surdosage de produit.
Seules sont présentées ici les affaires dans lesquelles une condamnation pénale est intervenue.
Homicide involontaire
Surdosage de morphine (10 fois la dose) par une infirmière sur prescription orale de l’interne en chirurgie
Un patient, hospitalisé pour suspicion d’AVC, chute de son lit. Pour réaliser la réduction de la luxation de l’épaule, l’interne en chirurgie prescrit oralement une injection de 5 milligrammes de morphine. L’infirmière la réalise devant lui mais elle se trompe dans le dosage et injecte en réalité 50 milligrammes. Après la réduction, l’interne régularise la prescription (de 5 milligrammes) dans le dossier infirmier. Le patient est envoyé en radiologie pour un contrôle. Une fois remonté en chambre, il est constaté un trouble respiratoire, puis le décès du patient.
Il est reproché à l’interne en chirurgie d’avoir prescrit l’injection de morphine (produit stupéfiant) oralement, hors de tout contexte d’urgence. Quant à l’infirmière, il lui est reproché une erreur dans la posologie de morphine et la décision d’envoyer le patient en radiologie plutôt que de faire réaliser une radio en chambre comme cela avait été prescrit, privant ainsi le patient d’une surveillance rapprochée. Il lui est par ailleurs reproché d’avoir falsifié le dossier infirmier en rajoutant après coup un "0" après le 5 pour faire croire que c’est la prescription initiale de l’interne qui était erronée.
Interne : 15 mois d’emprisonnement avec sursis pour homicide involontaire, sans inscription au bulletin n° 2 du casier judiciaire.
Infirmière : 2 ans d’emprisonnement avec sursis pour homicide involontaire et pour altération de document ou objet concernant un crime ou un délit pour faire obstacle à la manifestation de la vérité, avec inscription au bulletin n°2 du casier judiciaire.
Négligence dans l’interprétation de clichés radiographiques et absence de réalisation d’un geste d’urgence
Un patient, admis aux urgences dans la soirée pour des maux de gorge importants, passe un scanner dont les résultats sont anormaux. Le radiologue n’alerte pourtant pas l’urgentiste. Plus tard dans la nuit, l’état du patient s’étant aggravé, l’urgentiste redemande un scanner. C’est à ce moment que le radiologue s’aperçoit de la lésion épiglottique, pourtant déjà visible sur le premier scanner, plusieurs heures plus tôt. L’état du patient s’étant encore aggravé, l’urgentiste entreprend la réalisation d’une mini trachéotomie mais mettra plus d’une heure pour y parvenir, sollicitant en vain plusieurs confrères car il ne maîtrise pas ce geste malgré sa qualité de chef du service des urgences. Le patient décède d’un arrêt cardiorespiratoire.
Il est reproché au radiologue une erreur grossière dans l’interprétation des résultats du premier scanner réalisé à 20 heures, alors que l’état du patient commençait à se dégrader. Il est reproché au médecin urgentiste d’avoir tardé à réaliser la mini trachéotomie, par manque de maîtrise de ce geste, alors pourtant qu’en tant que chef du service des urgences, il aurait dû y parvenir.
Radiologue : emprisonnement de 18 mois avec sursis.
Urgentiste : emprisonnement de 3 ans avec sursis.
Les parties civiles sont indemnisées.
Surdosage de mépivacaïne et manœuvres de réanimation inadaptées
Une femme de 74 ans est opérée sous anesthésie locorégionale d’un pannus synovial touchant les articulations métacarpo-phalangiennes de plusieurs doigts de la main droite. Elle est victime d’un arrêt cardiaque un peu plus d’une heure après le début de l’anesthésie. Elle décède quelques jours plus tard.
Il est reproché à l’anesthésiste d’avoir mal complété la feuille de surveillance anesthésique, une absence de communication avec le chirurgien et surtout un surdosage de mépivacaïne (600 mg au lieu de 300 mg) et une réanimation inappropriée (manque de réactivité, injection inutile de propofol).
L'anesthésiste est condamné à une peine d’emprisonnement de 12 mois avec sursis.
Blessures involontaires et non-assistance à personne en danger
Surdosage de morphine par pompe PCA dans le cadre d’une hospitalisation à domicile
Une infirmière libérale qui prend en charge une patiente de 62 ans en HAD dans le cadre d’un ADK bronchique stade 4 commet une erreur sur les réglages de la pompe à morphine : elle inscrit 11.3 et 4.5 au lieu de 1.13 mg/heure et un bolus de 0,5 mg. Dans les suites, la patiente doit subir une hospitalisation de 12 jours.
Relaxe pour la non-assistance à personne en danger.
Condamnation pour blessures involontaires à une amende de 1 000 €.
Quelles ont été les peines prononcées à l'encontre des professionnels de santé ?
Dans la moitié des condamnations, des peines de prison (avec sursis) de 15 mois à 3 ans ont été prononcées.
Dans ces 2 affaires, les juges ont motivé la sévérité des peines par le fait que les prévenus n’avaient pas pris la mesure de leurs actes, ne manifestaient pas de réelle conscience du trouble causé, même des années après, et tentaient même, dans un cas, de se victimiser en rejetant la responsabilité sur d’autres mis en cause ou le patient lui-même.
Un professionnel peut cumuler plusieurs sanctions pénales pour une même affaire. C’est ce qui explique que le total des sanctions soit supérieur au nombre de professionnels condamnés.