Peut-on refuser de prendre en charge un patient agressif, qui insulte la secrétaire du cabinet ?
Oui, mais à certaines conditions, que rappelle le Conseil d’Etat dans un arrêt du 29 juin 2020.
Un quiproquo qui débouche sur des insultes >
Sur quels fondements le blâme a-t-il été infligé ? >
Le Conseil d’Etat annule le blâme >
L’urgence, une notion essentielle en cas de refus de soins >
Un patient se présente au cabinet de son médecin généraliste traitant pour une consultation, conformément au rendez-vous pris auprès du secrétariat deux mois auparavant.
Il s’avère qu’en raison d’un malentendu lors de la prise de rendez-vous, le créneau n’est en fait pas disponible, ce dont le patient est informé. Le remplaçant du généraliste l’invite néanmoins à patienter dans la salle d’attente du cabinet.
Sur un ton agressif, le patient adresse alors des propos désobligeants à la secrétaire, mettant en cause ses compétences professionnelles. Le praticien lui demande alors de quitter les lieux et de "se chercher un autre médecin".
Le patient saisit d’une plainte la chambre disciplinaire de première instance du Conseil de l’Ordre des médecins. La plainte est rejetée, mais sur appel devant la chambre disciplinaire nationale, un blâme est infligé au médecin. Il se pourvoit en cassation devant le Conseil d’Etat.
Le plaignant invoquait deux articles du code de la santé publique.
La chambre disciplinaire de première instance considère qu’en refusant de recevoir le patient et en l’invitant à chercher un autre médecin, le praticien a manqué aux principes posés par ces deux articles.
Le Conseil d’Etat annule la décision de la chambre disciplinaire nationale, par un arrêt du 29 juin 2020.
Pour expliquer son refus de recevoir le patient, alors qu’il l’avait, dans un premier temps, invité à patienter en salle d’attente, le praticien invoquait l’agressivité manifestée, mais également l’absence de toute urgence médicale.
C’est cet argument qui va fonder la décision du Conseil d’Etat. La chambre disciplinaire nationale devait s’interroger sur le caractère urgent ou non des soins. Ne l’ayant pas fait, elle a insuffisamment motivé sa décision et inexactement qualifié les faits.
Le médecin, confronté à un patient agressif, irrespectueux, insultant, n’a pas l’obligation de le recevoir en consultation et de poursuivre les soins. Mais il doit s’entourer de certaines précautions, précisées à l’article R. 4127-47 du code de la santé publique : la continuité des soins doit être assurée, le médecin doit avertir le patient et assurer la transmission des informations utiles au confrère qui prendra la suite. Cet article précise également que la possibilité de refuser des soins n’existe que "hors le cas d’urgence et celui où le médecin manquerait à son devoir d’humanité".
Il existe donc un critère qui doit être systématiquement pris en considération en cas d’interruption des soins : l’existence – ou non – d’une situation d’urgence. Il appartiendra au médecin qui invoquera l’absence de toute notion d’urgence d’en apporter la preuve. Il est donc plus prudent, dans ces circonstances, de procéder malgré tout à un examen clinique ou du moins un interrogatoire du patient.
C’est précisément ce critère d’absence d’urgence qui n’a pas été examiné par la chambre disciplinaire nationale, malgré les arguments avancés par le médecin, et c’est ce qui a justifié la décision du Conseil d’Etat.
Dès lors qu’il n’y a pas d’urgence, le praticien est fondé à cesser la prise en charge, dans le respect des conditions posées par l’article R. 4127-47.
> Pour en savoir plus sur le refus de soins : Le refus de soins : soignant, patient, quelle responsabilité ? |
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