Un diagnostic d'intoxication au lithium
Un psychiatre suit un patient atteint d’une bipolarité.
De mars à juillet 2010, le médecin augmente la posologie du traitement, un médicament à base de lithium (Téralithe®).
Le 7 mai 2010, le patient est adressé par son médecin traitant à un cardiologue en raison d’une hypertension artérielle.
Le 31 mai suivant, le cardiologue prescrit un médicament anti-hypertenseur (Cokenzen®).
Par la suite, le 10 juillet, le médecin traitant constate une hypotension et prescrit l’arrêt du Cokenzen®.
Le 16 juillet 2010, le patient doit être traité au centre hospitalier pour une insuffisance rénale aiguë.
Le 21 juillet, un diagnostic d’intoxication au lithium est posé. Le patient en conserve de lourdes séquelles.
Le patient et sa famille assignent en responsabilité et indemnisation le psychiatre, le cardiologue, le médecin traitant, le centre hospitalier ainsi que leurs assureurs respectifs.
La Cour de cassation retient la responsabilité in solidum du médecin psychiatre et du cardiologue.
La nécessité d'une surveillance étroite d'un patient bipolaire traité au lithium
Les médecins experts ont précisé "que le traitement d’un patient bipolaire au lithium nécessite une surveillance étroite en raison des conséquences d’un surdosage, qui peuvent être dramatiques."
De ce fait, il appartient au psychiatre, ayant connaissance des troubles de son patient, de vérifier que le dosage du lithium est correct.
Les experts soulignent que le praticien spécialiste doit insister auprès du patient et, au besoin, en informer son entourage pour que cet examen soit réalisé.
En cas de refus ou d’omission répétée du patient, le praticien doit en tirer toutes les conséquences en stoppant le traitement et en recourant à une autre molécule traitant les mêmes troubles.
L'obligation de se renseigner sur le traitement du patient atteint de lourds troubles psychiatriques
La Cour de cassation retient la responsabilité du cardiologue alors que ce dernier n’avait pas connaissance de la nature des traitements du patient.
Le praticien reproche aux juges d’avoir retenu une faute consistant à s’abstenir de se renseigner sur les traitements prescrits par le médecin psychiatre du patient.
Il invoque avoir interrogé le patient sur son traitement en cours, mais ce dernier a refusé de lui répondre, de même que sur le nom du psychiatre le prenant en charge.
Toutefois, la Cour répond qu’en cas de connaissance du suivi psychiatrique lourd du patient, le professionnel de santé aurait dû s’assurer, avant de prescrire le médicament, qu’il n’était pas contre- indiqué.
Lorsque le patient refuse de communiquer les informations, le praticien doit alors chercher des éléments complémentaires auprès du médecin traitant.
En tout état de cause, si le patient est maître de son secret, il peut être très exceptionnellement dérogé à ce principe.
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À retenir
- Les professionnels de santé doivent faire preuve d’une vigilance particulière lors de la prise en charge d’un patient atteint de troubles psychiatriques.
- La dissimulation d’informations détenues par un patient atteint de troubles psychiatrique n’est pas une cause d’exclusion de la faute du médecin.