Licenciement d’un médecin anesthésiste-réanimateur pour avoir pris en charge trois patients simultanément
Une clinique a rompu un contrat d’exercice libéral avec un médecin anesthésiste-réanimateur pour motifs graves. L’établissement lui reprochait de prendre en charge trois patients simultanément :
- l’un en consultation préopératoire, pour lequel il était rémunéré,
- les deux autres sous la seule surveillance de deux infirmiers anesthésistes (IADE) au bloc opératoire où il n’était pas physiquement présent, mais rémunéré au titre des anesthésies en cours.
Pour l’établissement, cette organisation ne permettait pas à l’anesthésiste d’être en mesure d’ intervenir immédiatement en cas d’urgence vitale.
Le médecin anesthésiste défendait une interprétation large, estimant que sa présence dans les étages de l’établissement, en dehors du bloc opératoire, suffisait à remplir son obligation de présence sur site, telle que prévue par le Code de la santé publique.
Le médecin anesthésiste-réanimateur doit impérativement être présent au bloc opératoire
Dans son arrêt du 15 octobre 2025, n° 24-16.873, la Cour de cassation a confirmé la décision de la Cour d’appel en validant le licenciement pour faute grave du médecin anesthésiste-réanimateur.
La Cour rappelle que, selon l’article R.4311-12 du Code de la santé publique, les actes d’anesthésie ou de surveillance post-interventionnelle réalisés par les IADE doivent être effectués sous le contrôle exclusif d’un médecin anesthésiste-réanimateur. Ce médecin doit avoir préalablement examiné les patients et surtout être "présent sur le site" où ces actes sont réalisés, afin de pouvoir intervenir "à tout moment".
Il n’existait jusqu’alors aucune définition légale, règlementaire ou jurisprudentielle de la notion de "présent sur le site" ou "d’intervention à tout moment".
Il était d’usage de dire qu’une intervention rapide nécessitait que le médecin anesthésiste soit, a minima, présent dans les locaux.
De fait, la Cour de cassation a tranché : l’anesthésiste doit être présent au bloc opératoire et non simplement dans l’établissement ou en consultation afin de pouvoir se libérer rapidement pour faire face à une urgence vitale lors d’une intervention.
Cet arrêt souligne la responsabilité accrue des médecins anesthésistes dans l’organisation des soins anesthésiques et la surveillance postopératoire, en insistant sur leur obligation d’une présence physique continue et effective au bloc opératoire pour pouvoir intervenir immédiatement en cas d’incident.
Cette décision a été rendue dans le contexte particulier d’un litige entre le praticien et la clinique où il exerce. Mais l’interprétation de l’article R.4311-12 du code de la santé publique à laquelle la Cour de cassation s’est livrée va bien au-delà des seuls litiges entre établissement et anesthésiste.
Cette même interprétation prévaudra désormais également dans les litiges en matière de responsabilité professionnelle, pour apprécier le comportement de l’anesthésiste. Le seul fait de ne pas se trouver au bloc alors que la surveillance anesthésique a été confiée à un IADE pourra suffire à engager la responsabilité de l’anesthésiste. Sous la condition, évidemment, de l’existence d’un lien de causalité entre l’absence de l’anesthésiste au bloc et le dommage.

