Nomadisme médical : qu'est-ce que c'est ?
On définit le nomadisme médical comme la multiplication, par un même patient, de consultations chez des praticiens différents pour un même objet, dans une période de temps rapprochée.
Ne peuvent donc être qualifiés de nomadisme médical :
- les consultations ponctuelles pendant les périodes de congés du médecin habituel ou sur le lieu de vacances du patient, ou encore auprès des services d’urgence ;
- les consultations de spécialistes effectuées sur le conseil du médecin traitant ou référent, qui entrent dans le parcours de soins habituel ;
- l’éventuel "deuxième avis" que prend un patient à qui l’on propose, par exemple, une intervention chirurgicale et qui souhaite en confirmer l’indication.
Le plus souvent, le patient qui pratique le nomadisme médical ne l’avoue pas aux praticiens qui le suivent.
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Il peut consulter plusieurs médecins successivement, ou alternativement, ce qui est encore plus risqué car il donne ainsi l’illusion à chaque praticien d’être chargé du suivi puisqu’il revient consulter à intervalles réguliers.
Quelles peuvent être les causes du nomadisme médical ?
Les raisons qui peuvent inciter un patient à multiplier les consultations auprès de praticiens différents peuvent être multiples.
- Tout d’abord, le patient peut souffrir de troubles psychiques (comme l’hypocondrie) qui l’amènent à consulter de façon obsessionnelle, que les troubles ressentis soient réels ou psychosomatiques, dans une quête (jamais satisfaite) de diagnostic.
- Le patient peut ne pas avoir confiance en son médecin, pour des raisons allant de la simple méfiance à une vraie défiance, due par exemple à un refus de prescrire certains examens ou traitements jugés inutiles. La démarche vise alors à faire confirmer par un autre professionnel de santé qu’il s’agit bien de la bonne prise en charge, ou à obtenir la prise en charge souhaitée.
- Le patient peut aussi être amené à consulter d’autres praticiens parce qu’il n’a pas été correctement informé – ou s’estime mal informé – par son médecin habituel. Il va ainsi chercher à compiler les avis pour réunir une information plus complète sur sa pathologie ou sa prise en charge.
- Le patient peut aussi chercher à obtenir la prescription de certains médicaments en quantité plus importante, chaque praticien consulté ignorant qu’une prescription a déjà été faite par un confrère. Le patient contourne ainsi les règles de bonnes pratiques en matière de prescription, seuls les organismes sociaux pouvant éventuellement mettre à jour la démarche. Dans certains cas, il s’agit purement et simplement d’une escroquerie, le patient se procurant ainsi certains médicaments (notamment des stupéfiants) à des fins de trafic.
- Enfin, le nomadisme peut être pratiqué aux fins d’obtenir des certificats (par exemple dans le cadre d’un divorce ou d’un litige avec un employeur) ou des arrêts de travail que refuserait de délivrer le médecin traitant.
Quels sont les risques du nomadisme médical ?
Contrairement à ce que pensent les patients qui le pratiquent, le nomadisme médical ne multiplie pas les chances d’être mieux soigné. Au contraire, il fait courir certains risques spécifiques :
- Un patient qui se fait prescrire simultanément le même traitement par plusieurs médecins risque un surdosage médicamenteux.
- Même si les traitements prescrits ne sont pas identiques, ils peuvent interagir entre eux et conduire à des effets iatrogènes graves.
- Le patient peut se retrouver soumis à de multiples examens, certains étant inutiles, voire dangereux.
- L’absence de communication entre les différents praticiens – quasi-inévitable puisque le plus souvent, ils ne savent pas que d’autres confrères interviennent parallèlement – peut conduire à une véritable errance diagnostique : certaines informations étant connues de certains praticiens et pas d’autres, la prise en charge est nécessairement chaotique…
Pour ces mêmes raisons, il existe également des risques pour le médecin, sur le plan médico-légal cette fois.
La prise en charge de ce type de patient étant souvent compliquée et tortueuse, il en découle parfois des complications ou des retards de diagnostic que les praticiens peuvent se voir imputer.
Cependant, en principe, les juges comme les CCI (commissions de conciliation et d'indemnisation des accidents médicaux) tiennent compte de l’attitude du patient pour apprécier les responsabilités, dès lors que le nomadisme est prouvé.
C’est souvent l’expertise qui le met à jour, le dossier médical du patient révélant la consultation de plusieurs praticiens en simultané.
Comment réagir face à un patient "nomade" ?
Encore faut-il, évidemment, découvrir le nomadisme du patient.
La réaction à adopter va dépendre de la raison pour laquelle le patient pratique le nomadisme.
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- La meilleure manière d’éviter qu’un patient ne soit tenté de consulter plusieurs praticiens est d’établir – ou rétablir – la confiance qui est le support indispensable à une relation de soins efficace. Dans la majorité des cas, un patient qui a confiance en son médecin, parce que celui-ci lui consacre le temps nécessaire et lui délivre une information compréhensible sur sa pathologie et sa prise en charge, n’a pas de raison d’aller consulter ailleurs. C’est d’ailleurs ce qui explique que le phénomène de nomadisme soit très marginal, la règle étant de s’en remettre au médecin en lequel on a placé sa confiance. Il faut donc être attentif à l’information, même quand il s’agit d’un patient de longue date, avec lequel une forme de "routine" a pu s’installer.
- Si le praticien découvre le nomadisme de son patient, il peut attirer son attention sur les risques d’un tel comportement.
- Enfin, si la perte de confiance est définitive, ou si le patient consulte plusieurs médecins pour contourner les règles de prescription de certains traitements, la solution peut consister à mettre fin à la relation de soins. En effet, un praticien n’est jamais obligé de poursuivre la prise en charge d’un patient avec lequel toute confiance est rompue, dès lors qu’il respecte certaines conditions évoquées à l’article R4127-47 du Code de la santé publique (CSP) :
"Quelles que soient les circonstances, la continuité des soins aux malades doit être assurée. Hors le cas d'urgence et celui où il manquerait à ses devoirs d'humanité, un médecin a le droit de refuser ses soins pour des raisons professionnelles ou personnelles. S'il se dégage de sa mission, il doit alors en avertir le patient et transmettre au médecin désigné par celui-ci les informations utiles à la poursuite des soins".