Une mesure supplémentaire pour compenser la pénurie de médecins
Cette mesure était attendue et "dans les tuyaux" depuis plusieurs années. Déjà, en 2019, lorsque les internes ont été autorisés à établir les certificats de décès, cette possibilité pour les infirmiers avait été examinée mais finalement rejetée.
Devant l’aggravation de la pénurie de médecins et l’augmentation des déserts médicaux, cette question ne pouvait qu’être réexaminée. Le certificat de décès est un document obligatoire pour l’organisation des obsèques du défunt. Les délais parfois très longs pour obtenir un certificat de décès, laissant les proches dans le désarroi, ont amené les députés et sénateurs à autoriser les infirmiers à signer ces documents sous certaines conditions.
La loi de financement de la Sécurité sociale pour 2023 a initié la mise en place de cette mesure.
Il ne s’agissait alors que d’une expérimentation mais la loi de financement de la Sécurité sociale du 28 février 2025 l'a pérennisé en l’intégrant dans le Code général des collectivités territoriales.
L’article L2223-42 comporte désormais la disposition suivante :
"Le certificat attestant le décès peut également être établi par un infirmier diplômé d'État volontaire, dans des conditions fixées par un décret pris après avis du Conseil national de l'ordre des infirmiers".
Une possibilité offerte aux infirmiers volontaires
Seuls les infirmiers titulaires d'un diplôme d'État depuis au moins trois ans peuvent se porter volontaire.
Les infirmiers volontaires pour signer des certificats de décès doivent se manifester auprès du conseil départemental de l’Ordre dont ils dépendent.
Les infirmiers salariés volontaires pour exercer cette nouvelle compétence doivent demander l’accord préalable de leur employeur.
Chaque conseil départemental de l'ordre des infirmiers établit, met à jour et diffuse la liste des infirmiers volontaires susceptibles d'être contactés pour signer un certificat de décès.
À ce titre, lesdits conseils doivent vérifier que les infirmiers satisfont bien aux conditions fixées.
Une formation à suivre
Les infirmiers volontaires doivent suivre une formation de douze heures réparties en trois demi-journées et composée :
- d’un module "épidémiologie et examen clinique du processus mortel" et,
- d’un module "administratif et juridique".
La formation peut être dispensée en ligne ou en présentiel.
Au terme de ces modules, une évaluation des connaissances est réalisée permettant de s'assurer que les infirmiers sont en capacité de constater le décès et de rédiger le certificat de décès.
Une séance de supervision peut être réalisée trois mois après la formation.
Les conditions d'exercice de cette compétence
Un décret du 22 avril 2025 précise les conditions d’établissement du certificat de décès par les infirmiers, désormais intégrées dans le code général des Collectivités territoriales (Articles D2213-1-1-4 à 6).
Conditions et modalités
L’infirmier ne peut établir le certificat de décès que quand :
- la personne décédée est majeure,
- le caractère violent de la mort peut être formellement exclu,
- le décès est survenu en dehors d'une voie publique ou d'un lieu ouvert au public.
Lorsque le caractère violent de la mort est suspecté ou que la personne décédée est mineure ou encore si le décès est survenu dans un lieu public, l’IDE s'abstient de constater le décès et contacte un médecin ou, à défaut, les services d'aide médicale urgente.
Si l’infirmier ne parvient pas à établir seul les causes du décès, il doit faire appel, par tout moyen, à l'expertise d'un médecin.
Alors qu’initialement l’infirmier qui constate le décès d’un patient devait vérifier l’absence de médecin disponible avant de signer lui-même le certificat de décès, cette disposition a été supprimée par le décret d’application du 23 avril 2024. Néanmoins :
- Lorsque le décès survient à domicile, l’infirmier qui établit le certificat informe le médecin traitant s’il dispose de ses coordonnées.
- Lorsque le décès survient dans un établissement, l’infirmier informe le médecin coordinateur/responsable, le directeur de l’établissement ou du service et le médecin traitant.
L'infirmier informe chaque semaine l'Agence régionale de santé territorialement compétente du nombre de certificats de décès qu'il a établis.
Rémunération et prise en charge des frais
Les frais relatifs à l'examen du corps et à l'établissement du certificat de décès réalisés au domicile du patient seront pris en charge par le fonds d'intervention régional.
Ce fonds est piloté par l’Agence régionale de santé et financé par diverses dotations, notamment de l’Assurance maladie et de fonds de solidarité.
Un arrêté publié le 6 décembre 2023 fixe le montant de la rémunération forfaitaire à :
- 54 euros pour les décès survenant la nuit, les week-ends ou dans les zones déterminées comme fragiles en matière d’offres de soins,
- 42 euros pour les décès survenant en journée dans les autres zones du territoire.
À compétence nouvelle, responsabilité nouvelle
L’extension des compétences professionnelles implique évidemment une responsabilité supplémentaire.
Les dispositions de l’article R4127-76 du Code de la santé publique encadrant la rédaction des certificats par les médecins s’appliquent désormais également aux infirmiers. Ainsi, le certificat de décès et tous les documents qui s’y rattachent devront :
- permettre l’identification de l’infirmier qui les établissent,
- être rédigés lisiblement en langue française,
- être datés,
- être signés.
L’examen du corps, la rédaction et la signature du certificat de décès obéissent à un certain formalisme que les IDE devront respecter, au risque de voir leur responsabilité civile professionnelle engagée.
Crédit photo : CALMETTES / BSIP