Rappel : l’importance de l’obligation de sécurité de l’employeur
"L’obligation de sécurité est une obligation de moyen renforcée. L’employeur doit mettre en œuvre l’ensemble des mesures de prévention et de sécurité afin que les salariés ne soient pas victimes d’accident du travail ou de maladie professionnelle."
Article L4121 et suivant du code du travail
Par une jurisprudence constante, la Cour de cassation considère que l’employeur ne peut s’exonérer de sa responsabilité que s’il justifie avoir pris toutes les mesures de prévention nécessaires à la protection mentale ou physique des salariés.
Attention : la réaction de l’employeur doit être immédiate.
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À défaut, il existe un risque de reconnaissance de la faute inexcusable ….
Si l’employeur est informé de faits susceptibles de porter atteinte à la sécurité des salariés, il devra prendre immédiatement des mesures afin de faire cesser la situation dangereuse.
L’accident du travail ou la maladie professionnelle résultant d’un manquement de l’employeur pourraient être considérés comme une faute inexcusable si l’employeur avait (ou aurait dû avoir) conscience du danger et n’a pas pris les mesures nécessaires (L452 et suivants du code de la sécurité sociale).
Et une requalification du licenciement pour inaptitude
Le licenciement d’un salarié pour inaptitude trouvant son origine dans un manquement de l’employeur à son obligation de sécurité est réputé sans cause réelle et sérieuse.
La chambre sociale de la Cour de cassation a indiqué, par deux arrêts (Cass soc 3 Mai 2018 16 26 850 et 17 10 306), la compétence de la juridiction prud’homale pour apprécier les règles relatives à la rupture du contrat dans le cas d’un licenciement pour inaptitude d’un salarié victime d’un accident du travail lié à un manquement de l’employeur.
Les apports de l’arrêt du 24 avril 2024
Cette décision se prononce pour la première fois sur le point de départ du délai dont dispose le salarié pour contester son licenciement pour inaptitude sur le fondement de manquements de l’employeur a son obligation de sécurité.
La Cour de cassation :
- réaffirme le fait que tout licenciement pour inaptitude est considéré comme sans cause réelle et sérieuse dès lors que l’inaptitude est la conséquence d’un manquement de l’employeur ;
- se prononce sur la date de l’action en contestation du licenciement dans ce contexte.
Contestation du licenciement retoquée en appel
Une salariée est licenciée pour inaptitude avec impossibilité de reclassement pour des faits qu’elle impute à son employeur. Elle fait état de port de charges lourdes "sans matériel et suivi adapté", caractérisant un manquement de l’employeur à son obligation de sécurité et justifiant une requalification de son licenciement sans cause réelle et sérieuse.
La Cour d’appel ne fait pas droit à la demande de la salariée, au motif que son action est prescrite. Pour les juges du fond, il convenait de fixer le point de départ de la prescription de l’action de la salariée à la date du début de son arrêt de travail. La salariée avait, à cette date, nécessairement connaissance des faits reprochés à son employeur.
Délai de contestation précisé par la Cour de cassation
Cette analyse est censurée par la Cour de cassation, qui confirme que la date du début du délai de contestation du licenciement doit être celle de la décision de l’employeur : "Le début du délai de prescription de l’action en contestation du licenciement pour inaptitude d’un salarié est la date du licenciement du salarié".
Pour la haute juridiction, la date à laquelle sont intervenus les manquements de l’employeur importe peu : il suffit que l’action en contestation du licenciement ait été intentée dans le délai de 12 mois (depuis l’ordonnance du 22 septembre 2017, les actions liées à la rupture du contrat de travail se prescrivent dans les douze mois à compter de la notification de la rupture du contrat de travail).
Dans la mesure où la salariée a engagé une action de contestation de son licenciement en respectant ce délai, elle est fondée à invoquer le manquement de l’employeur ayant entraîné l’inaptitude.
La Cour de cassation a ainsi permis au salarié de faire application de sa jurisprudence constante concernant l’absence de cause réelle et sérieuse d’un licenciement pour inaptitude en raison d’un manquement de l’employeur.
Ce qu'il faut retenir
L’action du salarié doit impérativement intervenir dans le délais de 12 mois imparti pour contester la mesure de licenciement, peu importe la date des faits reprochés à l’employeur ayant entraîné le licenciement pour inaptitude.
Il est à noter que la prise en compte de la date de ces manquements aurait entraîné une forclusion de l’action du salarié. Cette option aurait pu introduire une brèche dans la jurisprudence établie. La Cour de Cassation a clairement mis un obstacle à cette solution.