La responsabilité du médecin traitant après la chirurgie

Dr Jean Edouard Clotteau, Chirurgien viscéral conseil MACSF

Le 30.03.2020

La sortie précoce des malades chirurgicaux expose aujourd’hui le médecin généraliste à des mises en cause de leur responsabilité pour retards diagnostique et thérapeutique. Il est également chargé désormais de la surveillance de ces patients, entre leur sortie de chirurgie et leur premier RDV post-opératoire avec le chirurgien.

Les complications spécifiques à chaque spécialité peuvent survenir pendant cette période et engager le pronostic vital à court terme ; elles ne doivent pas être négligées et imposent de réagir médicalement sans le moindre retard.

Les exemples suivants, issus de déclarations récentes à la MACSF, illustrent ces risques.

En chirurgie ambulatoire

S’il est le plus souvent aisé de relier la complication à l’intervention récente, il est souvent impossible en ville d’en faire le diagnostic rapidement.

Il peut s’agir :

de tableaux hémorragiques plus ou moins évident,

de douleurs anormales non calmées par les antalgiques prescrits par le chirurgien,

de troubles respiratoires, circulatoires ou tensionnels faisant craindre une embolie ou une infection sévère.

Les délais mis à obtenir le résultat d’examens que vous pourriez avoir demandés sont souvent trop longs, à l’origine de retards thérapeutiques préjudiciables parfois fatals, notamment lors du week-end.

renvoyer immédiatement tout opéré récent et suspect d’une complication dans le service d’origine, après s’être assuré qu’il y sera accueilli, le type de transport dépendant de l’état du patient (propres moyens, ambulance simple, SAMU).

Un exemple : Il s’agit d’un patient de 52 ans, opéré le vendredi d’une hernie inguinale sous cœlioscopie, en ambulatoire. Pas de problème à la sortie, avec antalgiques et Lovenox. Des vomissements apparaissent le samedi, avec des douleurs abdominales et une impression de malaise. Le médecin traitant, appelé en visite, prescrit du Vogalène, augmente les antalgiques et conseille des examens biologiques pour le lundi matin. Le patient va décéder dans la nuit d’un choc septique irréversible : l’autopsie objectivera une péritonite par plaie méconnue du grêle. Le chirurgien et le généraliste seront reconnus responsables.

En chirurgie bariatrique

Toutes les techniques (anneau, sleeve, by-pass) exposent au risque de complications plus ou moins précoces.

La complication redoutée et fréquente (2 à 4 % des opérés) dans cette chirurgie de plus en plus pratiquée (40 000 opérés par an en France) est représentée par les fistules et la péritonite.

Un signe d’alarme, univoque, suffit pour alerter le praticien : non pas tant la fièvre ou la douleur, parfois masquées par les médications, que l’accélération du pouls.

Il signifie, la plupart du temps, la nécessité d’une réintervention d’urgence.

Toute tachycardie survenant au décours d’une intervention bariatrique impose la réhospitalisation en urgence du patient pour réalisation d’un scanner.

*Un exemple :* Il s'agit d'une patiente obèse de 32 ans, opérée deux jours auparavant d’une sleeve et autorisée à un retour à domicile après examens de contrôle et reprise de l’alimentation. Appel 48 heures après au médecin traitant en raison de douleurs abdominales, de frissons et d’une tachycardie. Prescription d’antalgiques plus puissants, d’une NFS, CRP pour le lendemain. Dans la nuit, choc et appel au SAMU : le scanner objectivera une péritonite par fistule au niveau de la suture > réintervention en urgence de toilette et drainage. Guérison après 8 semaines de soins et réanimation. Pas de responsabilité du chirurgien, car complication aléatoire, mais responsabilité du médecin traitant pour retard au diagnostic ayant induit une perte de chance de guérison plus rapide et simple.

Les complications tardives de la chirurgie digestive

Les complications digestives ne doivent pas être négligées par le médecin traitant, car elles peuvent survenir à distance de l’acte chirurgical.

Toujours y penser, être uniciste : quand un trouble quelconque apparaît dans les semaines ou les premiers mois (parfois 3-4 mois, voire plus) qui suivent une intervention chirurgicale, posez-vous la question : n’est-il pas en rapport avec l’acte chirurgical déjà oublié ?

Si l’évidence d’un diagnostic associé n’apparaît pas, plutôt que d’entreprendre des investigations tous azimuts, au moindre doute, réadresser le patient en consultation chirurgicale.

*Un exemple :* Il s'agit d'une patiente de 32 ans, opérée 3 mois avant d’une sleeve pour obésité. Suites initiales simples, mais tableau infectieux pulmonaire traité par antibiothérapie ; radios non contributives. Il s’agissait d’une fistule gastro-pulmonaire sur une fistule qui avait mis 3 mois à migrer dans le thorax. *Retard diagnostique reproché au* généraliste pour n’avoir pas demandé le scanner conseillé par le radiologue.

En conclusion

Face à ces menaces médico-légales de plus en plus fréquentes, les médecins traitants doivent redoubler de vigilance et de prudence vis-à-vis de leurs patients plus ou moins récemment opérés.