Des gestes déplacés lors de la mise en œuvre de la méthode "Niromathé"
Le Conseil départemental de l’Ordre des masseurs-kinésithérapeutes reçoit plusieurs signalements de patientes faisant état de gestes déplacés d’un kinésithérapeute lors de séances de soins avec la méthode "Niromathé".
Cette méthode consiste en la réalisation de stimulation vibratoire de points réflexes sur le corps, destinée à résoudre les blocages et les spasmes musculo-articulaires. Pratiquée depuis une trentaine d’années par certains praticiens, elle fait intervenir le concept "d’auto-guérison".
Les patientes invoquent le fait qu’elles n’ont pas été informées sur cette méthode, et que leur consentement n’a pas été recherché.
Le Conseil départemental dépose une plainte ordinale à l’encontre du kinésithérapeute, que la Chambre disciplinaire de première instance rejette. Le Conseil départemental et le Conseil national de l’Ordre relèvent appel de cette décision devant la Chambre disciplinaire nationale.
Une sanction "clémente" devant la Chambre disciplinaire nationale
La Chambre disciplinaire nationale inflige au kinésithérapeute la sanction d’interdiction d’exercice d’un mois, entièrement assortie du sursis.
Elle considère en effet que le kinésithérapeute a manqué de respect envers ses patientes, en ne les informant pas suffisamment de la méthode utilisée et en ne recherchant pas systématiquement leur consentement. Il a ainsi méconnu les termes des articles R4321-53, R4321-54 et R4321-58 du code de la santé publique (CSP).
En revanche, la Chambre disciplinaire nationale écarte les autres griefs :
- Le kinésithérapeute n’a pas déconsidéré sa profession : les actes qui lui sont reprochés n’ont fait l’objet d’aucune publicité et n’étaient connus que des seules patientes concernées. Ils n’ont donc eu aucun retentissement.
- Les techniques vibratoires auxquelles il a eu recours ne figurent pas dans le tableau des "procédés illusoires" dressé par l’Ordre des kinésithérapeutes : il en ressort que la méthode Niromathé ne peut donc être regardée de manière certaine comme un procédé illusoire. Elle n’a, de surcroît, été utilisée qu’à titre complémentaire à des méthodes plus classiques.
Le Conseil national de l'Ordre des masseurs-kinésithérapeutes se pourvoit en cassation en sollicitant une sanction plus sévère. L’affaire est donc portée devant le Conseil d’État.
Devant le Conseil d’État : déconsidération de la profession, même en l’absence de retentissement public
Le masseur-kinésithérapeute s’abstient, même en dehors de l’exercice de sa profession, de tout acte de nature à déconsidérer celle-ci.
Art. R4321-79 du CSP
Le Conseil d’État, dans sa décision du 14 novembre 2025, rappelle que certains actes commis par un masseur-kinésithérapeute peuvent être de nature, du fait de leur gravité particulière, à déconsidérer la profession, même lorsqu'ils n'ont pas eu de retentissement public. Le fait que les actes reprochés n’aient fait l’objet d’aucune publicité et n’aient été connus que des seules patientes concernées est donc sans incidence.
Devant le Conseil d’État : nécessité de rechercher si un procédé est illusoire
Le kinésithérapeute doit dispenser des soins consciencieux, attentifs et fondés sur les données acquises de la science.
Art. R4321-80 du CSP
Il ne peut conseiller et proposer au patient ou à son entourage, comme étant salutaire ou sans danger, un produit ou un procédé, illusoire ou insuffisamment éprouvé.
Art. R4321-87 du CSP
La Chambre disciplinaire nationale a écarté le grief du procédé illusoire pour deux raisons :
- la méthode Niromathé n'était pas mentionnée à l’époque des faits dans le tableau des "procédés illusoires" dressé par l'Ordre des masseurs-kinésithérapeutes,
- elle n'a été utilisée en l’espèce qu'à titre complémentaire.
Le Conseil d’État invalide ce raisonnement. La Chambre disciplinaire nationale aurait dû rechercher elle-même si la méthode en cause, telle qu'elle était pratiquée, présentait le caractère d'un procédé illusoire ou insuffisamment éprouvé. Le fait qu’elle n’ait été utilisée qu'à titre complémentaire est sans incidence.
Le Conseil d’État prononce l’annulation de la décision et renvoie l’affaire devant la Chambre disciplinaire nationale pour un nouvel examen.
Une future décision prévisible
Postérieurement aux faits de cette affaire, le Conseil de l’Ordre des masseurs-kinésithérapeutes a ajouté trois nouvelles pratiques dans son tableau des pratiques illusoires, déconseillées aux kinésithérapeutes. Parmi elles : la méthode Niromathé.
L’Ordre indique que cette technique (comme les deux autres nouvellement ajoutées : le boitier healy et la méthode Tomatis) a été "auto-inspirée" par son inventeur et ne repose sur aucune validation scientifique.
Lorsqu’elle réexaminera cette affaire, la Chambre disciplinaire nationale tiendra évidemment compte de cette classification.
Que retenir de cette affaire ?
La décision du Conseil d’État est intéressante à deux titres :
- Elle rappelle que la déconsidération de la profession peut être retenue même si les faits n’ont eu aucun retentissement public.
- Elle impose à la Chambre disciplinaire nationale de rechercher précisément si une technique ou une méthode ne peut être regardée comme insuffisamment éprouvée et constituer un procédé illusoire.

