Un diagnostic de fracture posé (très) tardivement
Un jeune homme de 18 ans est transporté par les pompiers aux urgences d’un hôpital public suite à une violente chute à trottinette. Il présente un traumatisme facial avec une plaie labiale. Il se plaint aussi de douleurs au poignet. Devant l’absence de limitation d’amplitude du poignet, il ne bénéficie pas de radiographies et rentre à domicile avec une ordonnance de Doliprane®.
Le lendemain, devant la persistance des douleurs, il se présente au service des urgences d’une clinique privée. Il bénéficie d’un examen clinique qui retrouve une douleur exquise de l’articulation radio-carpienne. Une radiographie standard du poignet est réalisée et ne décrit pas de trait de fracture. Aucune immobilisation n’est posée, aucune recommandation n’est délivrée.
Plus de 6 mois plus tard, devant la persistance des douleurs et d’une impotence du poignet, le patient consulte son médecin traitant qui prescrit une IRM du poignet, normale. Le patient est orienté vers un chirurgien de la main qui complète l’IRM par des radiographies de contrôle et un scanner du poignet. Il est diagnostiqué une fracture transversale du pôle proximal du scaphoïde carpien, avec un fragment proximal qui présente une vitalité osseuse préservée.
Le chirurgien pose une indication chirurgicale pour cure de la pseudarthrose du scaphoïde. Il réalise une cure de pseudarthrose avec, en plus de la vis de compression, une greffe osseuse. Les soins postopératoires consistent en une immobilisation par manchette pendant 2 mois suivie d’une rééducation du poignet.
Le patient engage une procédure judiciaire à l’encontre des établissements de soins et du radiologue libéral de la clinique qui sont intervenus dans sa prise en charge.
Il estime que les intervenants n’ont pas délivré de soins attentifs et conformes : ils n’ont pas fait le diagnostic de la fracture du scaphoïde, conduisant à un retard de prise en charge de plus de 6 mois.
Quelles sont les précautions à prendre lors d'un traumatisme violent du poignet ?
L’expert estime que si la fracture du scaphoïde pouvait passer inaperçue le jour de l'accident ou dans ses suites immédiates, il appartenait aux équipes des centres d'urgence de conseiller au patient de consulter à distance pour connaître l'évolution de ses douleurs aux membres supérieurs.
La prise en charge optimale devant un traumatisme violent du poignet est de :
- faire un bilan radiologique,
- prescrire la mise en place d'une attelle,
- programmer un rendez-vous 10 jours plus tard pour réaliser une radiographie de contrôle.
La prise en charge a-t-elle été conforme ?
L’expert retient une prise en charge fautive successivement de la part de l’hôpital public, de la clinique privée et du radiologue libéral de la clinique.
Le patient a été vu aux urgences de l'hôpital public et n'a pas eu de bilan radiologique, ni de mise en place d'une attelle, ni de rendez-vous programmé dix jours plus tard pour réaliser une radiographie de contrôle afin de confirmer ou infirmer la fracture de scaphoïde.
Il a été vu également aux urgences de la clinique privée. Là encore, une attelle n'a pas été posée. Un rendez-vous n'a pas été programmé dans les dix jours pour contrôler le scaphoïde. Pourtant, un bilan radiologique a bien été réalisé et vu par le radiologue et l'urgentiste, qui n'ont pas diagnostiqué la fracture du scaphoïde, bien qu'elle ait été visible sur la radiographie.
Il estime qu’il existe une perte de chance d'évolution favorable de 70%, avec une responsabilité par tiers partagée entre les 3 intervenants. Les postes de préjudices ont été définis en retranchant les postes qui reviennent à la fracture initiale et ses suites sans complication.
En conclusion
Devant les traumatismes violents du poignet, et même en cas de radiographies initiales normales, il convient d’être prudent : immobiliser le poignet et conseiller une consultation de contrôle 10 jours plus tard pour réaliser des radiographies de contrôle à la recherche d’une fracture du scaphoïde.