Des douleurs de la fosse iliaque droite
Un patient de 65 ans est admis aux urgences du centre hospitalier local vers midi pour des douleurs de la fosse iliaque droite évoluant depuis quelques heures.
Ses antécédents sont chargés, tant sur le plan médical que chirurgical, puisqu’il a été opéré notamment d’une hernie ombilicale avec mise en place de deux prothèses pariétales et d’une hernie inguinale droite récidivante malgré une prothèse ilio-inguinale.
L’urgentiste note l’existence de douleurs depuis environ 6 heures dans la fosse iliaque droite, sans irradiation, de type continue, modérée (évaluée à 5/10), sans fièvre notée (température 37,4°C), et sans nausée ni vomissement.
L’examen retrouve une légère sensibilité à la palpation de la fosse iliaque droite et une défense. Le transit est présent sans diminution des bruits hydro aériques. Les constantes sont normales : FC 95/min, TA 135/80 mm Hg, saturation en O2 95% en air ambiant. La biologie montre des leucocytes à 11000/mm3, une CRP à 22 mg/l, créatinine et bilan hépatique normaux, des D Dimères un peu élevés (400 ng/ml, valeur seuil à 250).
Le patient est donc admis en chirurgie.
Un scanner abdominopelvien sans injection est réalisé par le radiologue vers 14 heures. Le compte-rendu d’imagerie rapporte "une condensation pulmonaire bi-basale avec atélectasie du lobe inférieur gauche, connue, un encombrement du bas-fond caecal avec probable infiltration péri-caecale chez un patient qui présente une hernie inguinale droite ; des stigmates d’intervention de hernie ombilicale".
Vers 18 heures, le chirurgien se rend au chevet du patient, évoque un tableau appendiculaire avec un probable abcès et demande la mise à jeun en vue d’une laparoscopie exploratrice.
Malgré les morphiniques prescrits par l’anesthésiste, le patient régulièrement surveillé est dit très algique puis fébrile (38,4°C), tachycarde, en sueurs… sans qu’aucun praticien ne soit rappelé.
Il parvient cependant à s’endormir vers 1 heure. Mais à 5 heures, il est retrouvé décédé.
Analyse médico-légale
Une procédure est engagée devant la CCI.
La relecture du TDM attestera d’une erreur d’interprétation flagrante relevant de la responsabilité du radiologue. En effet, les clichés permettaient d’identifier un pneumopéritoine et l’issue de matières dans la cavité abdominale, attestant d’une péritonite stercorale.
Ils souligneront que le chirurgien n’avait pas davantage correctement analysé le TDM et n’avait pas décidé d’intervenir en urgence alors même qu’il avait pour sa part évoqué un abcès appendiculaire.
Les experts rappelleront ensuite que, selon les séries, la mortalité en cas de péritonites stercorales est de 20 à 30% dans la population générale et de 40% entre 65 et 80 ans.
Ils estimeront donc que, dans le cas présent, compte tenu des nombreuses comorbidités du patient, la perte de chance peut être évaluée à 60% et doit être imputée pour 1/3 au radiologue et pour 2/3 au chirurgien.
Que retenir de cette affaire ?
Devant toute suspicion d’abdomen aigu, d’autant plus quand le patient est âgé ou à haut risque, un scanner injecté doit être envisagé.
Une erreur d’interprétation peut engager la responsabilité du spécialiste mais également celle du prescripteur et de tout praticien amené à en prendre connaissance.
Enfin, la réévaluation active d’un tableau abdominal aigu est essentielle pour éviter des issues dramatiques. La mise en place de double lecture des scanners abdomino pelviens, en utilisant l’intelligence artificielle, pourrait conduire à une diminution drastique des retards diagnostiques.

