Un diabète gestationnel ignoré, aux lourdes conséquences
Une patiente de 31 ans est suivie par son gynécologue libéral en ville pour une première grossesse. Elle est fumeuse et présente une obésité morbide avec un IMC à 43 en début de grossesse. Les premières consultations prénatales à 10 et 12 semaines d’aménorrhées (SA) sont sans particularité. Les échographies du 1er et du 2e trimestres sont dans les limites de la normale. L’échographie du 3e trimestre, à 31 SA, retrouve un poids fœtal au 20e percentile, sans anomalie morphologique décelée.
Les examens biologiques, dont une glycémie à jeun, sont normaux en début de grossesse, contrairement à ceux du 2e trimestre : à 24 SA, une glycémie à jeun de 1.03 g/L est retrouvée. Cet examen, prescrit par le gynécologue de ville, n’aurait pas été pris en compte.
À partir du 2e trimestre, la patiente est suivie à l’hôpital public, où le diagnostic de diabète gestationnel n’est pas posé. Devant la diminution des mouvements fœtaux, elle se présente aux urgences de l’hôpital public à 8 mois de grossesse. Elle accouche d’un enfant mort-né, pesant 4200 g. L’autopsie confirme une macrosomie fœtale et une hypertrophie cardiaque avec cardiopathie dilatée faisant évoquer un diabète gestationnel.
La patiente engage alors une procédure judiciaire à l’encontre du gynécologue libéral et de l’établissement public de santé impliqués dans sa prise en charge. Elle estime que les intervenants n’ont pas délivré de soins attentifs et conformes puisqu’ils n’ont pas fait le diagnostic de diabète gestationnel qui, s’il avait été identifié et pris en charge, aurait évité la mort fœtale.
Quand peut-on affirmer un diabète gestationnel ?
Les chiffres retenus par l’OMS considèrent qu'à partir de 0.92 g/L de glycémie à jeun, le diagnostic de diabète gestationnel peut être affirmé.
Toujours selon l’OMS, lors d’une hyperglycémie provoquée par voie orale – HGPO avec 75 g de glucose, le diagnostic est posé si au moins une des valeurs est atteinte ou dépassée :
- A jeun : ≥ 0.92 g/L
- 1 heure : ≥ 1.80g/L
- 2 heures : ≥ 1.53 g/L
Pour rappel, l’HGPO doit être réalisée entre les 24 et 28ème SA chez les femmes à risque avec comme critères maternels de risque :
- IMC ≥ 25 kg/m2
- Âge ≥ 35 ans
- Antécédent de macrosomie (> 4 kg)
- Antécédent de diabète gestationnel
- Antécédent familial de diabète de type 2 (1er degré)
- Syndrome des ovaires polykystiques
Une prise en charge considérée comme non conforme
L’expert estime que la connaissance d’une glycémie à jeun de 1.03 g/L aurait dû conduire à un suivi de grossesse à risque. Il s'agit donc d'une attitude fautive, ou pour le moins d'une négligence, de la part du gynécologue. Il aurait dû mettre en œuvre les mesures nécessaires pour une prise en charge et un suivi adaptés de la patiente, même s’il n'assurait plus le suivi à partir du 6e mois de grossesse. À ce sujet, aucun courrier relatant les premiers mois de suivi ne semble avoir été adressé à l'hôpital public. Il existe donc une négligence du gynécologue qui a privé l'hôpital public d'informations pourtant à sa disposition.
De plus, l’expert souligne que du fait de l’obésité de la patiente, les praticiens hospitaliers auraient dû lui prescrire une HGPO, ce qui n’a pas été fait.
L’expert retient donc une imputabilité confirmée entre le défaut de diagnostic et de prise en charge du diabète gestationnel et la mort fœtale in utéro, survenue dans un contexte d'hypertrophie cardiaque avec cardiomyopathie dilatée. Ce lien est direct, certain et quasi exclusif, malgré l'antécédent de tabagisme de la patiente, progressivement arrêté au cours de la grossesse.
L’expert ne précise pas la perte de chance, ni la répartition des responsabilités entre les intervenants. Il retient des souffrances endurées de 5.5/7 en tenant compte essentiellement du contexte émotionnel fort lors d’une première grossesse et du retentissement psychiatrique postérieur.
À retenir
Il convient de bien connaître les valeurs seuils du diabète gestationnel, afin que celui-ci soit pris en charge de manière adaptée et éviter ainsi des conséquences qui peuvent être dramatiques.