Qu’est-ce qu’une échographie "plaisir" ?
L’échographie "plaisir", "souvenir" ou encore "affective" vise uniquement à faire découvrir aux futurs parents, hors du contexte du suivi obstétrical, l’aspect du fœtus en 3D ou 4D et à en conserver une image-souvenir.
Les prestataires qui proposent ce type d’échographie parlent d’"expérience magique", de "création de souvenirs exceptionnels", de promesse de voir "grandir son bébé en temps réel". Il est également possible d’en faire le cadre de la révélation du sexe de l’enfant, parfois avec des effets visuels (projection au plafond de lumière rose ou bleue) et sonores ou par un système de cartes à gratter.
L’échographie peut être réalisée avec les seuls parents ou inclure des tiers (enfants du couple, parrain et marraine, frères et sœurs, grands-parents, etc.).
À l’issue de la séance, et en fonction du forfait choisi, les images sont remises aux parents au format papier ou numérique. Il est parfois possible de souscrire une option permettant une amélioration des clichés par l’IA.
Le coût de ces échographies varie en fonction des options choisies mais peut aller jusqu’à 200 euros, évidemment entièrement à la charge des parents.
L’échographie "plaisir" n’est pas une échographie comme les autres !
L’échographie "plaisir" se trouve en marge de toute la réglementation applicable aux échographies obstétricales.
Un risque inutile, dénoncé dès 2004
Dès 2004, l'Académie de médecine a émis des réserves sur les éventuels effets biologiques néfastes des échographies fœtales et a préconisé de les réserver aux strictes nécessités médicales. Un an plus tard, l’ANSM a alerté sur le fait qu’au cours d’une échographie "plaisir", destinée à produire des images de très bonne qualité pour les parents, l’exposition aux ultrasons est plus longue et plus appuyée sur des parties localisées du fœtus (profil, face, organes génitaux, …). Bien qu'aucun effet secondaire n'ait été formellement démontré, il existe un risque potentiel pour le fœtus, sans aucune finalité thérapeutique ou diagnostique.
Le rapport de la HAS d’avril 2012 : un premier jalon
En 2012, la HAS a rendu un rapport sur ce sujet, faisant la synthèse de nombreuses études et contributions des parties prenantes (syndicats, conseils de l’Ordre, sociétés savantes, etc.).
Elle y qualifie les échographies "plaisir" de prestation commerciale, puisqu’elles ont pour seule finalité de permettre aux futurs parents de "faire connaissance" avec leur enfant pendant la grossesse, dans un cadre ludique et sans aucun but diagnostique.
Consultez ICI le rapport dans son intégralité.
Sans condamner expressément la pratique de ce type d’échographie par des non professionnels de santé, ce que ne permettait pas la réglementation à cette époque, la HAS :
- Rappelle que tout appareil échographique mis en circulation sous le statut de dispositif médical ne doit être utilisé qu’à des fins médicales, et donc uniquement par des médecins ou sages-femmes.
- Appelle à la mise en place d’un cadre juridique pour la revente des appareils échographiques et à une intervention du législateur sur ce sujet.
Le décret du 26 janvier 2017 : l’interdiction de l’utilisation des échographes par des non-médecins ou non-sages-femmes
Le décret n° 2017-91 du 26 janvier 2017 relatif à la restriction de la vente, revente ou de l'utilisation des échographes destinés à l'imagerie fœtale humaine apporte des précisions importantes.
Il dispose de manière très claire que :
"L'utilisation d'échographes pour de l'imagerie fœtale humaine par des personnes physiques n'exerçant pas la profession de médecin ou de sage-femme est interdite. Dans ce cadre, la vente ou la revente de ces échographes à ces mêmes personnes est interdite."
L’arrêté du 20 avril 2018 : une définition claire de l’échographie obstétricale
Un arrêté du 20 avril 2018 fixe les recommandations de bonnes pratiques relatives aux modalités de réalisation des examens d'imagerie concourant au diagnostic prénatal.
Il rappelle, dans son annexe II, quels sont les seuls contextes de réalisation des examens échographiques au cours de la grossesse :
- L'échographie obstétricale et fœtale permettant d'évaluer le risque que l'embryon ou le fœtus présente une affection susceptible de modifier le déroulement ou la surveillance de la grossesse : la HAS en recommande trois, à des périodes précises de la grossesse.
- L'échographie obstétricale et fœtale à visée diagnostique : elle est proposée à la femme enceinte en cas de risque avéré d'anomalie fœtale.
- L'échographie obstétricale et fœtale focalisée : elle se concentre sur une partie précise de l'anatomie ou de la biométrie du fœtus.
Tous ces examens doivent répondre à des modalités (indication, compte-rendu, etc.) et des conditions précises de réalisation (en termes de matériel et de compétences, seuls les médecins et sages-femmes pouvant les réaliser).
L’arrêté prend soin de préciser que :
"L'information délivrée à la femme enceinte doit insister particulièrement sur le fait que, si la visualisation du fœtus par l'intermédiaire de l'échographie obstétricale et fœtale constitue un premier contact privilégié avec lui, cet examen reste un examen médical qui poursuit des buts médicaux (évaluation des risques, diagnostic et surveillance) et qu'il ne s'agit pas d'une "échographie-souvenir".
Une prestataire poursuivie pour exercice illégal de la profession de médecin et de sage-femme et utilisation non autorisée d’un échographe
La décision rendue par le tribunal judiciaire de Dunkerque le 2 juin 2025 constitue une première en la matière.
Une entrepreneuse, anciennement manipulatrice en électroradiologie médicale et proposant des échographies "plaisir", fait l’objet d’une plainte du CNOM et du CNOSF pour :
- exercice illégal de la profession de médecin et de sage-femme,
- utilisation non autorisée d’un échographe.
Le tribunal la condamne pour ces deux motifs. La sanction prononcée – 3 500 euros d’amende avec sursis - est cependant symbolique, au regard des peines qui avaient été requises (5 000 euros d’amende et une interdiction d’exercer). À noter cependant qu’au moment de l’audience, l’entrepreneuse avait déjà cessé son activité, fermé son site Internet et entamé une reconversion professionnelle.
C’est ainsi la première fois que les juges sont amenés à se prononcer sur ce sujet, et on peut légitimement penser que cette décision fera jurisprudence, au point de remettre en question, à terme, l’existence même des centres pratiquant l’échographie "plaisir".
Et les professionnels de santé : peuvent-ils pratiquer les échographies "plaisir" ?
La décision a été rendue dans le cas bien particulier d’un non-professionnel de santé qui propose des échographies "plaisir". Mais qu’en est-il des situations où un professionnel de santé habilité à utiliser un échographe (médecin ou sage-femme) en ferait usage dans un cadre ludique ?
Une pratique commerciale interdite
Comme l’a indiqué la HAS dans son rapport de 2012, l’échographie "plaisir", dénuée de toute finalité médicale, s’apparente à une prestation commerciale, incompatible avec les principes déontologiques applicables aux médecins et aux sages-femmes.
C’est d’autant plus vrai depuis l’arrêté de 2018 qui définit précisément le cadre de la pratique des échographies obstétricales.
Une activité non garantie
Puisqu’elle est illégale, la pratique des échographies "plaisir" n’est pas garantie dans le cadre du contrat "Responsabilité civile professionnelle" du professionnel de santé. Seules sont garanties les échographies ayant une finalité médicale.