Le devoir d'information est dû à tous les patients
L’information est institutionnalisée aux articles L1111-2 et suivants du Code de la santé publique (CSP). Quant à l’article R4127-35 du même code, il énonce que le médecin doit à la personne qu’il examine, qu’il soigne ou qu’il conseille une information loyale, claire et appropriée sur son état, les investigations et les soins qu’il lui propose.
Cette obligation d’information concerne tous les patients sans distinction ; aucune dérogation n’existe pour certaines catégories d’entre eux.
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C’est logique, pour plusieurs raisons :
- Un professionnel de santé a certes des connaissances médicales mais pas nécessairement dans le domaine précis de sa prise en charge. Il n’y a donc pas de raison de faire l’économie de l’information qui lui est due.
- Même avec des connaissances médicales générales, un patient a besoin d’être précisément informé sur son cas, en fonction de son histoire médicale, de ses antécédents, de son mode de vie, etc. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle les textes évoquent, non une information aseptisée, mais une information claire et appropriée, adaptée à chaque patient.
- Quand il est dans la situation d’être "patient", le professionnel de santé perd parfois la distance nécessaire pour juger de sa propre situation. Le fait d’avoir des connaissances médicales n’empêche pas de souhaiter être aiguillé, renseigné, voire rassuré par le praticien qui assure la prise en charge.
La seule atténuation possible réside dans la manière d’informer, qui peut être assouplie (mais sans excès !), pour répondre à l’exigence d’information "claire et appropriée", qui peut varier d’une personne à l’autre.
Le professionnel de santé doit donc rester vigilant quand il prend en charge un confrère, comme le montre un arrêt du Conseil d’État du 22 décembre 2017.
Un exemple jurisprudentiel : la prise en charge d'une assistante médicale
Dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 22 décembre 2017, un médecin généraliste, spécialisé en médecine esthétique, avait réalisé sur une patiente, assistante médicale, un certain nombre de soins à visée esthétique.
La patiente n’étant pas satisfaite du résultat de certains de ces soins, elle avait saisi la chambre disciplinaire de première instance de l’Ordre des médecins d’une plainte, reprochant au praticien un défaut d’information.
Pour sa défense, le médecin avait invoqué le fait que les connaissances médicales de sa patiente lui permettaient de prendre une décision éclairée.
En première instance, la chambre disciplinaire a prononcé la sanction d’interdiction d’exercer la médecine pendant trois mois, dont un avec sursis.
Par décision du 3 avril 2015, la chambre disciplinaire nationale de l’Ordre a annulé cette décision et rejeté la plainte. Le conseil départemental de l’Ordre s’est alors pourvu en cassation.
Le Conseil d’État est très clair dans son arrêt du 22 décembre 2017 :
- le fait que le patient détienne des connaissances médicales ne dispense pas le praticien de l’informer, par un entretien individuel, de manière loyale, claire et appropriée ;
- les connaissances médicales du patient sont seulement susceptibles d’influer sur la nature et les modalités de cette information ;
- la chambre disciplinaire a commis une erreur de droit en considérant qu’en sa qualité d’assistante médicale, la patiente était réputée connaître toutes les caractéristiques de l’acte pratiqué et que cette circonstance dispensait le médecin de toute obligation d’information préalable ;
- au surplus, s’agissant d’un acte à visée esthétique, l’obligation d’information était renforcée et devait porter sur les risques et inconvénients de toute nature susceptibles d’en résulter.
Crédit photo : ALICE / IMAGE POINT FR / BSIP