Une rupture capsulaire non traitée, aux lourdes conséquences
En octobre 2020, un ophtalmologiste libéral opère de sa cataracte du côté droit une patiente diabétique de 65 ans. Il l’a préalablement informée des complications possibles. Lors de la chirurgie, une rupture capsulaire survient.
Le praticien l’informe de la complication et de la nécessité de consulter un rétinologue en vue d’une réintervention pour ablation des fragments de noyau cristallinien. Mais bien que ce conseil soit réitéré lors de deux consultations post opératoires, la patiente refuse de se rendre en milieu hospitalier du fait de la période Covid en cours.
Les suites évolutives sont marquées par un état inflammatoire avec œdème maculaire cystoïde. Ce n'est qu’en avril 2022 qu'une vitrectomie est pratiquée avec ablation de fragments cristalliniens luxés et mise en place d’un implant clipé à l’iris.
L’évolution sera marquée par une limitation de l’acuité visuelle de l’œil droit, qui ne récupérera que 1,5/10e pour 9/10 à gauche, œil gauche opéré secondairement sans complications.
Une responsabilité partagée entre l’ophtalmologiste et la patiente
Sur le plan médico-légal, seule se posait la question de la responsabilité dans le retard de prise en charge de la complication. En effet :
- l’indication opératoire était justifiée ;
- l’information préopératoire a été tracée ;
- la chirurgie a été réalisée selon les techniques habituelles de phakoémulsification ;
- enfin, la complication survenue relevait d’un aléa thérapeutique puisque pouvant survenir dans les meilleures mains.
L’expert prend acte du fait que le retard à la réintervention par un rétinologue est la conséquence du refus de la patiente. Mais il reproche aussi au chirurgien ne pas avoir été suffisamment explicite quant au caractère d’urgence relative de l’intervention et aux risques encourus en cas de retard.
L’expertise CCI conclut à une perte de chance de 50% dans l’état séquellaire, liée au retard de prise en charge. Cette perte de chance est partagée entre :
- le chirurgien qui n’a pas été assez directif ;
- la patiente en raison de son refus de consulter à l’hôpital.
Les 50% restants relèvent de l’aléa thérapeutique.
Le taux d’AIPP étant estimé à 14%, la CCI rend un avis d’incompétence. Une offre transactionnelle, basée sur le rapport d’expertise, est cependant formulée au bénéfice de la patiente.
À retenir
En cas de refus de soins, toujours bien informer le patient des conséquences !
En cas de complications peropératoires ou dans toute prise en charge thérapeutique d’un patient, lorsque ce dernier s’oppose à la nécessité d’une chirurgie ou d’un traitement, il est nécessaire de :
- tenter de le convaincre en se montrant ferme sur les conséquences d’un retard de prise en charge ;
- tracer dans le dossier, par écrit, les propositions faites à plusieurs reprises afin de ne pas partager une perte de chance avec le patient qui aura refusé les soins. Le contexte Covid, dans le cas présent n'a été qu'un facteur supplémentaire.