Fracture du coude lors d’une séance de renforcement musculaire dans un cabinet de kinésithérapie
Suite à une chute dans les escaliers, un homme est opéré du coude. Un fixateur externe du coude droit est posé et des séances de kinésithérapie sont prescrites par le chirurgien. Lors de l’une de ces séances, le patient subit une fracture du tiers inférieur de l’humérus droit en effectuant un exercice en relation avec un tenir-relâcher ou contracter-relâcher afin de récupérer les amplitudes du coude.
Le jour même, le kinésithérapeute adresse une déclaration à son assureur en Responsabilité Civile Professionnelle (RCP) dans laquelle il déclare "avoir commis un préjudice physique à [son patient] lors de [son] exercice de masseur kinésithérapeute au sein de son cabinet".
Le patient assigne son kinésithérapeute en responsabilité civile devant les tribunaux. Il estime que :
- le plan de traitement a été mal établi au regard de la prescription médicale du chirurgien,
- la seule survenue de la fracture suffit à établir la faute,
- la déclaration de sinistre du kinésithérapeute à son assureur, dans laquelle il exprime "avoir commis un préjudice physique" permet de déduire, de facto, qu’il reconnait sa responsabilité.
Le patient débouté en première instance
Une expertise judiciaire est mise en place. L’expert conclut que "la technique employée lors de la séance de kinésithérapie suivait les consignes du chirurgien, qui avait noté dans sa prescription "séances de kinésithérapie du membre supérieur droit : mobilisation active ou passive. Renforcement du biceps".
Il ajoute que la fracture au niveau de la diaphyse humérale ne s’explique pas par la technique de rééducation utilisée, adaptée et conforme aux données de la science, mais par une fragilité osseuse en relation avec l’ablation d’un matériel d’ostéosynthèse un mois auparavant.
En première instance, se fondant sur ces conclusions expertales, les juges déboutent le patient de l’ensemble de ses demandes en indemnisation. Ce dernier interjette alors appel.
La faute ne se déduit pas de la seule survenance du dommage
La Cour d’appel de Bastia confirme le jugement de première instance. Le patient est de nouveau débouté de l’ensemble de ses demandes et condamné aux dépens de l’instance d’appel et à verser au kinésithérapeute, la somme de 2 000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Les juges rappellent que pour que la responsabilité d’un professionnel de santé soit engagée, celui-ci doit notamment avoir commis une faute dans les soins prodigués ou ne pas avoir respecté les règles de l’art, ou encore les consignes de prudence et de diligence (article L.1142-1 du code de la santé publique).
La Cour précise également qu’il est de jurisprudence constante que "l’anormalité du préjudice subi ne peut à elle seule induire une faute" du kinésithérapeute.
Or, en l’espèce, l’expert a bien conclu à l’absence de négligence, de maladresse, de faute ou de manque de précaution dans les soins effectués, ces derniers étant conformes tant aux données de la science qu’à la prescription initiale du chirurgien. Et le patient n’a pas prouvé ni démontré l’existence d’une faute en lien de causalité direct et certain avec son dommage (ici une faute du kinésithérapeute à l’origine de la fracture).
Une déclaration de sinistre à l’assureur RCP ne constitue pas une reconnaissance de responsabilité
Les juges rappellent les termes de l’article 1383 du code civil qui définit l’aveu comme "la déclaration par laquelle une personne reconnaît pour vrai un fait de nature à produire contre elle des conséquences juridiques. Il peut être judiciaire ou extrajudiciaire".
Pour être recevable, l’aveu extrajudiciaire exige de la part de son auteur "une manifestation non équivoque de sa volonté de reconnaître pour vrai un fait de nature à produire contre lui des conséquences juridiques". De fait, un professionnel de santé qui expose factuellement les circonstances d’un incident qui s’est déroulé dans son cabinet, ne réalise pas un aveu d’une faute professionnelle, d’une imputabilité avec le dommage ni une reconnaissance de responsabilité.
En l’espèce, pour la Cour, une déclaration de sinistre dans laquelle un professionnel de santé indique avoir "commis un préjudice" ne revêt pas les caractéristiques d’un aveu extrajudiciaire. En effet, le kinésithérapeute n’a fait qu’informer son assureur qu’il a été à l’origine d’une fracture, en décrivant objectivement l’accident, sans reconnaître de manière claire et équivoque qu’il avait commis une faute à l’origine d’un dommage pour son patient.
Les conseils de la MACSF
Lors de la déclaration d’un sinistre de responsabilité professionnelle (RCP), il convient de privilégier une déclaration circonstanciée des faits, sans formuler d’appréciation ni reconnaître de responsabilité dans le corps du document transmis.

