Extraction dentaire et suites postopératoire
Un patient est adressé par son chirurgien-dentiste traitant à un confrère pour procéder à l’extraction de cinq dents.
Après une consultation préopératoire, le stomatologue préconise l’extraction supplémentaire de deux dents de sagesse.
L’intervention est réalisée sous anesthésie générale mais le patient présente des saignements importants, des suites œdémateuses et hyperalgiques qui l’amènent à consulter le service des urgences.
Il est immédiatement pris en charge par le CHU qui diagnostique une hypoesthésie labio-mentonnière bilatérale et un trismus en lien avec les extractions réalisées.
À l’issue de son hospitalisation de cinq jours, la patient assigne le stomatologue en référé expertise pour solliciter la désignation d’un expert judiciaire.
Expertise et contre-expertises : aléa thérapeutique ou faute du chirurgien-dentiste ?
L‘expert considère que le praticien a respecté les règles de l’art en pré, per et postopératoire, tant en ce qui concerne le devoir d’information que la technique opératoire utilisée et le suivi postopératoire du patient.
Il conclut que les troubles dont se plaint la victime sont imputables à l’intervention pratiquée mais relèvent d’un aléa thérapeutique.
Le patient conteste les conclusions de l’expert et sollicite un complément d’expertise sur l’indication opératoire des sept dents extraites.
L’ancien expert étant à la retraite, un nouvel expert est désigné, qui confirme la notion d’aléa thérapeutique.
Ces conclusions d’expertise sont à nouveau contestées par le demandeur qui prétend que le stomatologue ne l’a pas informé des risques liés à l’extraction des deux dents supplémentaires.
Le tribunal accède à sa demande en désignant un troisième expert qui conclut à :
- une indication justifiée,
- une insuffisance de suivi du patient qui est sorti prématurément après l’intervention,
- un défaut d’information lié au fait que le patient, parlant mal le français, aurait nécessité une information "renforcée" et au fait que le consentement éclairé avait été signé le matin même de l’intervention.
Il considère que la perte de sensibilité est la conséquence directe et certaine de l’intervention chirurgicale et fixe les postes de préjudice comme suit :
- Souffrances endurées : 2,5/7.
- Déficit fonctionnel permanent : 2,5%.
- Déficit fonctionnel temporaire : 7 jours.
Manquement au devoir d'information selon les magistrats
Le Tribunal de Grande instance entérine les dernières conclusions expertales sur l’indication opératoire et le suivi postopératoire.
Sur le défaut d’information, les juges estiment que le praticien a manqué à son devoir d’information en faisant signer à son patient, le matin même de l’intervention, une feuille de consentement éclairé et en ne s’assurant pas de la compréhension de l’information délivrée préalablement.
Ils précisent toutefois que ce manquement n’est pas constitutif d’une perte de chance pour le patient d’avoir pu renoncer à l’intervention et d’éviter le dommage, dans la mesure où sa situation dentaire ne lui permettait pas de refuser l’ensemble des extractions dentaires. Le praticien est ainsi condamné à verser 5 000 € au titre du manquement lié au défaut d’information.
En l’espèce, le praticien a fait signer la feuille de consentement éclairé le matin même de l’intervention alors que son patient était sous Hypnovel® sans s’assurer de la compréhension de l’information délivrée initialement. Cette obligation est renforcée compte tenu du fait que le patient parlait mal le français.
Le tribunal retient donc la responsabilité du praticien et applique la jurisprudence de la Cour de cassation du 3 juin 2010 selon laquelle le non-respect du devoir d’information cause à celui auquel l’information est due, un préjudice moral autonome et alloue à la victime une indemnité de 5 000 €.
À retenir
En matière d’information, il appartient au praticien de fournir à son patient une information "loyale claire et appropriée" sur son état, sur les investigations et les soins envisagés, ainsi que sur les risques fréquents ou graves normalement prévisibles, afin de lui permettre d’y donner librement un consentement éclairé.
Le praticien doit donc s’assurer que son patient a bien compris la nature de l’intervention et les risques inhérents à celle-ci.
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Crédit photo : BOL/CHROMORANGE / BSIP