Une activité habituelle de prise d’empreintes et d’adaptation de prothèses dentaires
Un prothésiste dentaire, titulaire d'un diplôme d'épithésiste, procède de manière habituelle à des opérations de prises d'empreintes, d'adaptation et de pose d'appareils dentaires. En particulier, il procède sur une patiente, pendant une année, à des réglages qui vont lui causer de grandes souffrances, avant prise en charge par un chirurgien-dentiste qui mettra fin aux douleurs grâce à des soins adaptés.
Le prothésiste diffuse également des documents publicitaires dans lesquels il indique réaliser la "maintenance de tous les dispositifs, réparation, remise en état", et ce, directement auprès des particuliers et sans contrôle préalable d'un chirurgien-dentiste.
Le syndicat des chirurgiens-dentistes du Gard porte plainte et se constitue partie civile du chef d'exercice illégal de la profession de chirurgien-dentiste.
En effet, selon les textes, exerce illégalement l'art dentaire toute personne qui prend part habituellement ou par direction suivie, même en présence d'un praticien, à la pratique de l'art dentaire, par consultation, acte personnel ou tous autres procédés, quels qu'ils soient, notamment prothétiques.
Le prothésiste est renvoyé devant le tribunal correctionnel, qui le déclare coupable d’exercice illégal de la profession de chirurgien-dentiste, notamment en état de récidive légale, et le condamne à une amende de 6 000 €. Cette décision est confirmée en appel.
Le prothésiste forme alors un pourvoi devant la Cour de cassation.
Quels ont été les arguments de défense du prothésiste dentaire ?
Pour sa défense, le prothésiste faisait valoir plusieurs arguments :
- L’activité de prothésiste consiste en l’analyse des cas prothétiques, la conception, l’élaboration, la réparation, la réalisation de la fabrication et la mise sur le marché des dispositifs médicaux sur mesure, prothèses et orthèses dentaires. La réalisation d’empreintes en bouche fait partie intégrante de la conception et de l'élaboration de prothèses dentaires par le prothésiste dentaire. Elle n’implique aucun diagnostic préalable par ce dernier. Ainsi, en réalisant ces empreintes, le prothésiste n'a pas accompli un acte relevant de l'art dentaire.
- La proposition faite dans les publicités d’assurer la "maintenance de tous les dispositifs, réparation, remise en état" directement auprès des particuliers et sans contrôle préalable d'un chirurgien-dentiste ne sous-entend pas que le prothésiste va poser un diagnostic. Ce diagnostic a d’ores-et-déjà été établi lors de la conception de la prothèse.
- L’épithésiste procède à l'appareillage par prothèse faciale externe sur mesure, et non par prothèse dentaire. La Cour d’appel en a déduit que la prise d’empreinte en bouche n’était pas justifiée par l’activité d'épithésiste. Or, selon le prévenu, la notion d’appareillage recouvre en réalité la conception, la prise de mesure avec moulage éventuel, la fabrication, l'essayage, la délivrance de l'appareil, le contrôle de sa tolérance et de son efficacité immédiate, le suivi de l'appareillage et de son adaptation. L’épithésiste affirme donc que la prise d'empreintes était incluse dans la prise de mesure avec moulage nécessaire à la fabrication de prothèses faciales externes sur mesure.
La cour tranche : exercice illégal et condamnation à une amende
La Cour de cassation confirme l’arrêt d’appel, par un arrêt du 7 avril 2021.
Elle rappelle l'avis du 29 février 2012 de l'Autorité de la Concurrence, selon lequel le prothésiste dentaire n'est pas un professionnel de santé, mais a le statut d'artisan. Il n'intervient qu'à un seul stade du traitement prothétique : la confection de la prothèse sur indications du chirurgien-dentiste, qui reste seul compétent pour établir les caractéristiques de conception et pour prescrire la prothèse.
Dans cette affaire, le prévenu a revendiqué pratiquer la prise d'empreintes sur ses clients et avoir en particulier pris des empreintes de mâchoire et des mesures en bouche afin de réaliser des prothèses dentaires pour une patiente, hors de tout contrôle et toute prescription d'un chirurgien-dentiste. Il a même fait la publicité de telles pratiques, au-delà du cas particulier de cette patiente.
La Cour d'appel a pu conclure de l’ensemble de ces faits que le délit est caractérisé : la pose d'une prothèse dentaire est un acte médical qui relève de la seule compétence des chirurgiens-dentistes ou médecins stomatologistes. En l'état actuel de la législation, les prothésistes dentaires ne peuvent intervenir en bouche pour prendre des empreintes et obtenir des informations qui relèvent de la seule compétence du chirurgien-dentiste.
Le prévenu ne peut justifier ses actes par son activité d'épithésiste dont il possède le diplôme depuis 1999. Cette qualité l’autorise certes à fabriquer des prothèses faciales externes ; mais il s’agit de prothèses différentes des prothèses dentaires. Or, les faits qui lui sont reprochés s'inscrivent dans sa stricte activité de prothésiste dentaire.

