Une sinistralité faible mais des complications toujours sérieuses
La sinistralité des endocardites suite à des soins dentaires reste faible chaque année. Mais les complications qu’elles provoquent n’en sont pas moins sérieuses. On estime qu’après une endocardite infectieuse chez un patient à haut risque, la mortalité est d’environ 40 % dans les 5 ans.
Et il n’est pas rare que la responsabilité d’un praticien soit recherchée, parfois même seulement après un banal détartrage.
Dans tous les cas, pour engager la responsabilité du praticien, il faudra :
- une imputabilité directe et certaine du germe retrouvé,
- un manquement dans la prise en charge du chirurgien-dentiste.
Qui sont les patients à haut risque d’endocardite en 2024 ?
La liste des cardiopathies à haut risque est resserrée. Aujourd’hui, 4 catégories de patients sont concernées par l’antibioprophylaxie :
- les patients porteurs de prothèse valvulaire ou de matériel étranger pour une chirurgie valvulaire conservatrice ;
- les patients à antécédent d’endocardite ;
- les patients souffrant de cardiopathies congénitales cyanogène ;
- les patients porteurs de pompe d’assistance ventriculaire.
Comment identifier les patients à haut risque d’endocardite ?
- Le questionnaire médical et sa mise à jour sont essentiels pour dépister les patients à risque. Son absence est toujours préjudiciable.
D’autant qu’il est parfois possible que ces patients à haut risque oublient d’évoquer spontanément leur cardiopathie : certains, opérés pendant l’enfance et vivant tout à fait normalement, se considèrent guéris (Webinar en replay sur le site de l’UFSBD : Les cardiopathies congénitales et les endocardites infectieuses, mieux les connaître et les prévenir au cabinet dentaire ?). - Il est toujours intéressant de noter dans le dossier médical de son patient le nom de son médecin traitant et/ou de son cardiologue pour pouvoir statuer sur la cardiopathie et donc sur le risque.
- La mise en place de rappels par l’assistante 24 à 48 h avant le rendez-vous peut aussi permettre d’anticiper les oublis, ou les prises non nécessaires lorsque la séance ne prévoit pas d’actes invasifs (par exemple : prise d’empreintes, radio, soins restaurateurs sans atteinte pulpaire...).
À retenir
- Chez les patients à haut risque d’endocardite, l’antibioprophylaxie sera mise en place avant tout acte bucco-dentaire invasif.
- Rappelons qu’un soin invasif est un soin qui va au-delà des barrières physiologiques, par exemple : détartrage/surfaçage, anesthésie en zone inflammatoire, endodontie….
Force est de constater que les patients qui présentent une hygiène bucco-dentaire insuffisante, associée ou non à des pathologies dentaires et/ou parodontales, sont soumis à une bactériémie quotidienne et donc à un risque important, en dehors de toute prise en charge par le chirurgien-dentiste. D’où l’importance d’un enseignement aux techniques d’hygiène bucco-dentaire et du suivi annuel par le chirurgien-dentiste.
Ce qui amène au constat suivant :
Un patient sans ou avec peu de pathologies bucco-dentaires est de fait bien moins à risque de bactériémie. Moins d’exposition au risque au quotidien, mais aussi moins de soins à pratiquer durant sa vie et donc moins de risque d’endocardite.
Comment et quoi prescrire ?
L’amoxicilline constitue la prescription recommandée, à 2g dans l’heure qui précède l’acte bucco-dentaire invasif chez l’adulte (soit 50mg/kg chez l’enfant).
Par contre, chez les patients allergiques à la pénicilline, on y substitue désormais une prescription d’azithromycine (500 mg chez l’adulte et 15mg/kg chez l’enfant) ou encore de pristinamycine (1g chez l’adulte et 25 mg/kg chez l’enfant) et non plus de clindamycine.
Dans le contexte actuel où nous pouvons rencontrer des difficultés d’approvisionnement en amoxicilline, la substitution par ces antibiotiques recommandés ne concernera pas que les cas d’allergie aux pénicillines.
Il est aussi intéressant de mutualiser les actes lors des rendez-vous. Si plusieurs rendez-vous sont nécessaires, il conviendra de les espacer de 3 semaines minimum ou de changer de classe d’antibiotique, en utilisant l’un des autres antibiotiques recommandés. Et ce dans un souci de lutte contre l’antibiorésistance (chaque jour, des personnes sont infectées par des bactéries résistantes aux antibiotiques pouvant conduire au décès).
Il s’agit d’un enjeu de santé publique.
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Quels actes restent contre-indiqués ?
Les recommandations évoluent, réduisant les contre-indications absolues.
Il reste contre-indiqué :
- de mettre en place des matériaux de comblement (chirurgie de régénération osseuse et mise en place de membranes) ;
- de pratiquer des coiffages pulpaires directs ;
- de pratiquer des pulpectomies des dents temporaires ;
- tout traitement de peri-implantite.
Quels actes deviennent possibles mais sous conditions ?
En endodontie, il devient possible de réaliser des traitements endodontiques et des retraitements endodontiques, hormis les contre-indications suivantes :
- les dents qui ne peuvent être rendues fonctionnelles ;
- les dents dont le support parodontal est insuffisant ;
- les patients non compliants ;
- pour les dents nécrosées ou dépulpées symptomatiques présentant une lésion péri-apicale (LIPOE), le traitement sera possible après la résolution de la symptomatologie par traitement antibiotique curatif (amoxicilline 2g par jour en 2 prises pendant 7 jours en première intention chez l’adulte non allergique aux pénicillines).
Cependant, un protocole précis de mise en œuvre du traitement doit être établi, il sera donc indispensable de le respecter pour ne pas prendre de risque :
- Il est recommandé, avant le début du traitement, de désinfecter la digue et les dents isolées avec une compresse d’hypochlorite de sodium, ce qui sous-entend que le traitement est fait sous digue.
- L’emploi d’aide optique est recommandé (loupes ou microscope).
- La technique de mise en forme corono-apicale sera progressive, avec utilisation d’un localisateur d’apex dans l’objectif de limiter la sur-instrumentation et l’extrusion de débris dans le péri-apex ;
- Il conviendra de faire une désinfection complète du système canalaire à l’issue de la 1ère séance, et de limiter le plus possible le nombre de séances avec médication intra canalaire antiseptique type hydroxyde de calcium.
- Une obturation étanche devra être mise en place entre les séances.
- Un contrôle radio sera à pratiquer à 1, 2 et 4 ans.
Qu’en est-il de l’implantologie ?
L’implantologie devient envisageable après analyse et évaluation des autres options thérapeutiques, qui se feront évidemment conformément au devoir d’information qui nous incombe : le patient doit recevoir une information claire, loyale et appropriée concernant les risques et les différentes alternatives thérapeutiques.
L’antibioprophylaxie est recommandée pour ces patients avant les chirurgies pré-implantaires et implantaires. En vue de la mise en place d’implants, sont recommandés :
- Des séances d’éducation thérapeutique sur l’importance des visites de contrôle, du programme régulier de maintenance au cabinet dentaire mais aussi sur les soins bucco dentaires quotidiens qui devront être pratiqués par le patient à son domicile.
- Chez les patients diabétiques, un contrôle régulier de la glycémie devra être effectué.
- Un arrêt du tabac, y compris la e-cigarette.
Certes, la liste d’actes contre-indiqués s’est réduite mais le protocole de mise en œuvre s’est renforcé.
Alors, n’oublions jamais que PRIMUM NON NOCERE.
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