Prendre en charge un patient indiscipliné : le point en images
Transcription de la vidéo
- Catherine bonjour,
- Bonjour Germain,
- J'aimerais que l’on parle ce matin d'une question qui préoccupe pas mal les médecins, c'est celui du patient qui n’en fait vraiment qu'à sa tête. Tu aurais des exemples dans ta carrière ou dans ton expérience ?
- Dans les nombreux dossiers médicaux légaux que j'ai pu voir, j’ai été effectivement frappée par un certain nombre d'exemples de ce style. Ce sont souvent des patients qui sont suivis pour des longues pathologies par le même médecin généraliste. Le patient presse le médecin de renouveler les ordonnances mais il ne fait absolument pas ce que le médecin lui a demandé ; notamment par exemple, d'aller voir un spécialiste, et du coup le médecin se retrouve seul en charge de son patient avec les complications potentielles de la maladie ou des effets secondaires des traitements qu'il ne maîtrise pas toujours d'ailleurs. Alors par exemple, ça me fait penser à un hypertendu avec de nombreux facteurs de risques cardiovasculaires, qui n'allait pas voir le cardiologue de son fait avec un suivi assez lâche. Ou encore d'un diabétique qui n'allait pas voir l'ophtalmo et qui a vu sa rétinopathie diabétique exploser. Et puis l'exemple le plus caricatural je crois, c'est un médecin confronté à un patient chef d'entreprise toujours pressé, qui avait une maladie digestive inflammatoire ; et le médecin s'est laissé aller à lui renouveler pendant des années les lavements de Betnosol qui soulageait le patient, et du coup le patient a fait toutes les complications de la corticothérapie, complications que le médecin avait sous-estimées.
Et toi, tu as des exemples dans ce domaine ?
- Moi, ça me fait penser à un dossier qui a dû être jugé je crois en 1990, donc c'est dire que ce n'est pas un problème d'hier ! C'est un généraliste qui suivait une femme enceinte, il a prescrit quatre fois la sérologie de la rubéole et elle ne l’a jamais faite. Elle a accouché, son enfant est gravement handicapé du fait de la rubéole car elle n’a pas été diagnostiquée donc pas traitée. Elle a attaqué le médecin, et en fait de manière assez curieuse même à cette époque, les juges ont dit que le médecin ne devait plus continuer à la voir, qu’il avait fait un peu semblant de faire de la médecine, qu'elle avait l'impression d'être bien prise en charge et du coup qu'il l’avait privée de la possibilité d'avoir quelqu'un de plus convaincant. Et donc, il a été déclaré responsable du handicap de l'enfant. Et puis plus récemment, il y a des questions qui nous reviennent assez souvent de la part des praticiens de la dialyse, que ce ça soit les médecins ou les infirmières. Notamment à propos de patients qui sautent une séance de temps en temps. Et donc ils reviennent à la fin de la semaine en ayant sauté cette séance, ce qui embête absolument toute l'équipe parce que les données biologiques de ce patient se dégradent. Sa santé est vraiment en danger et on n’a pas trop d'actions par rapport à ça.
Qu'est-ce qu'on pourrait faire en fait ?
- La question est très difficile parce que le patient a toujours une bonne raison, il va dire qu'il n'a pas bien compris ce que le médecin lui a demandé, que le rendez-vous chez le spécialiste est trop loin, ou bien que - de temps en temps il ose le dire aussi -que ça lui coûte trop cher. Et le piège est pour le médecin de se laisser enfermer dans un certain fatalisme, une certaine routine dans des consultations régulières. Alors moi je te renvoie la question, jusqu'où peut-on assurer le suivi ?
- Alors c’est une sorte de dilemme en fait pour le médecin. C'est un dilemme entre je fais mon métier de médecin un peu jusqu'au bout mais pas jusqu'à porter tort aux patients. Alors je te propose de te relire l'article 47 du Code de déontologie médicale, parce que je pense que ça répond un peu notre question : « Quelles que soient les circonstances, la continuité des soins aux malades doit être assurée » donc déjà ça pose le cadre, il doit aller jusqu'au bout mais,
« hors le cas d'urgence et celui où il manquerait à ses devoirs d'humanité, un médecin a le droit de refuser ses soins pour des raisons professionnelles ou personnelles » là on est vraiment dans la raison professionnelle, j’estime qu'il faut pas que je continue à vous prendre en charge,
« S'il se dégage de sa mission, il doit alors en avertir le patient et transmettre aux médecins désignés par celui-ci les informations utiles à la poursuite des soins ».
Ce qui veut dire que ce qui est proscrit, c'est l'abandon du soin mais la transmission à une autre équipe dans l'intérêt du patient est conseillée. Et cette affaire de rubéole c'est un peu cette idée en fait, en disant il y a un moment où vous sentez que ça devient un peu pervers comme relation, il faut passer la main.
- Oui enfin c'est plus facile à dire qu'à faire, parce que le principal souci des médecins c'est quand même de bien soigner leurs patients. Moi, il me semble qu'il y a des petits conseils qui pourraient être plus facilement appliqués. Quelquefois, il faut que le médecin prennent l'initiative par exemple de prendre un rendez-vous, qu’il décroche lui-même son téléphone, qu’il remette un courrier au patient en lui précisant bien que c'est important, qu'il lui donne un courrier pour le spécialiste et puis plutôt que de renouveler par exemple son ordonnance pour trois mois ou pour six mois, et bien lui fixer un cadre de temps plus limité de manière à ce que le patient soit vraiment incité à suivre les conseils de son médecin.