L'équipe de soins : deux critères cumulatifs
L’article L.1110-4 du code de la santé publique prévoit un régime différent pour le partage d’informations entre professionnels, selon qu’ils appartiennent ou non à la même équipe de soins. Il est donc important de bien comprendre ce qu’il faut entendre par équipe de soins, au sens des textes.
C’est l’article L.1110-12 qui en donne la définition, selon deux critères.
Participation directe à la prise en charge du patient
Pour être considérés comme exerçant au sein d’une équipe de soins, les professionnels membres de l’équipe doivent participer directement, au profit d'un même patient, à la réalisation d'actes qui peuvent être :
- diagnostiques,
- thérapeutiques,
- de compensation du handicap,
- de soulagement de la douleur ou de prévention de perte d'autonomie,
- des actions nécessaires à la coordination de plusieurs de ces actes.
Exercice au sein d’une organisation formalisée
On parle d’équipe de soins quand les professionnels exercent :
- dans le même établissement de santé, au sein du service de santé des armées, dans le même établissement ou service social ou médico-social ou dans le cadre d'une structure de coopération, d'exercice partagé ou de coordination sanitaire ou médico-sociale ;
- dans un ensemble, comprenant au moins un professionnel de santé, présentant une organisation formalisée et des pratiques conformes à un cahier des charges fixé par un arrêté du ministre chargé de la Santé.
La loi retient également la notion d’équipe de soins sur un critère de fait, lorsque le patient s'adresse à des professionnels pour la réalisation des consultations et des actes prescrits par un médecin auquel il a confié sa prise en charge. Exemple : un médecin prescripteur de soins de kinésithérapie et le kinésithérapeute auquel le patient s’adresse pour ces soins constituent une équipe de soins, au sens des textes.
Important
- Les deux critères sont cumulatifs.
Il ne suffit pas d’exercer dans la structure, encore faut-il concourir directement à la prise en charge.
➤ Le secret partagé ne s’applique pas à un praticien qui exerce dans la structure où le patient est pris en charge mais qui ne participe pas à cette prise en charge. - Une équipe de soins peut regrouper seulement des professionnels de santé, ou à la fois des professionnels de santé et des professionnels relevant du champ social ou médico-social.
➤ Le décret du 20 juillet 2016 en dresse la liste (article R. 1110-2 CSP) : 11 catégories de professionnels, parmi lesquels on peut citer les assistants de service social, les ostéopathes, les psychologues, les assistants maternels, les éducateurs familiaux, les étudiants en 3ème cycle, etc.
Un exemple de secret partagé…sans respecter les règles !
Un médecin, professeur des universités et praticien hospitalier de chirurgie thoracique et cardiovasculaire dans un CHU, consulte sur une période de 8 mois pas moins de 441 dossiers médicaux informatisés de patients pris en charge dans l’établissement. Il s’agit de patients que le médecin n’a ni vus en consultation, ni opérés. L’objectif est de réaliser une étude sur la morbi-mortalité des patients du service.
Par une décision du 4 juillet 2025, le Conseil d’État annule la décision du conseil de l’Ordre qui avait rejeté la plainte dirigée contre ce médecin. La consultation de ces 441 dossiers ne s’est pas faite à l'occasion d'une prise en charge effective par le médecin de chacun de ces patients. Il ne peut donc être considéré qu’il appartenait à l’équipe de soins, au sens de l’article L.1110-12 du code de la santé publique. L’accès aux informations contenues dans les dossiers médicaux était donc indu.
Quelles sont les informations qui peuvent être partagées au sein de l'équipe ?
L’article L.1110-4 du code de la santé publique précise que "lorsque ces professionnels appartiennent à la même équipe de soins, au sens de l'article L.1110-12, ils peuvent partager les informations concernant une même personne qui sont strictement nécessaires à la coordination ou à la continuité des soins ou à son suivi médico-social et social. Ces informations sont réputées confiées par la personne à l'ensemble de l'équipe".
Attention
Ce ne sont donc pas toutes les informations concernant le patient qui peuvent être partagées : seules peuvent l’être celles qui sont strictement nécessaires au suivi. Aucune définition du "strictement nécessaire" n’est donnée par les textes, ni par la jurisprudence, ce qui peut donner lieu à des interprétations divergentes.
Quand les professionnels échangent des informations médicales sans faire partie de la même équipe de soins, le consentement préalable du patient doit obligatoirement être recueilli. Ici, au sein de l’équipe, le patient doit seulement être informé, et il est en droit de refuser ce partage.
Équipes composées de professionnels de santé et de professionnels relevant du champ social et médico-social : quelles particularités ?
L’article R.1110-1 du code de la santé publique organise spécifiquement les échanges d’informations au sein des équipes de soins constituées, d’une part, de professionnels de santé et, d’autre part, de professionnels relevant du champ social ou médico-social.
Le strict périmètre des missions
Les échanges d’information entre ces deux catégories de professionnels impliquent deux limites, la première identique à celle posée pour les professionnels de santé, la seconde spécifique :
- Seules les informations strictement nécessaires à la coordination ou à la continuité des soins, à la prévention, ou au suivi médico-social et social peuvent être partagées.
- Le partage d’informations ne peut se faire que dans le strict périmètre des missions des professionnels du champ social ou médico-social. Par exemple, un assistant maternel n’aura pas accès aux mêmes informations qu’un psychologue. C’est donc le champ de l’activité professionnelle qui déterminera à quelles informations tel ou tel professionnel peut accéder.
L’information élargie du patient
L’article R.1110-3.-I. du code de la santé publique impose pour le partage d’informations avec un professionnel relevant du champ social ou médico-social une information préalable du patient :
- sur la nature des informations devant faire l'objet de l'échange ;
- sur l'identité du destinataire et de la catégorie dont il relève, ou de sa qualité au sein d'une structure précisément définie.
Seule exception : si le patient est hors d'état d'exprimer sa volonté et qu’il existe une situation d’urgence. Mais même dans ce cas, la personne concernée doit être informée, dès que son état de santé le permet, de l'échange ou du partage des informations auquel il a été procédé.
Le patient, une fois informé, peut s’opposer à tout moment à un échange ou un partage d’informations le concernant.
Le respect des recommandations de la HAS
Les professionnels de l’équipe de soins doivent tenir compte, pour la mise en œuvre du partage d’informations, des recommandations élaborées par la Haute Autorité de santé avec le concours des Ordres professionnels, en particulier pour ce qui concerne les catégories d’informations qui leur sont accessibles.
S’agissant spécifiquement du DMP, le Conseil d’État a confirmé par un arrêt du 15 octobre 2025 que les non professionnels de santé peuvent bien accéder aux informations pertinentes pour chaque profession. Le Conseil national de l’Ordre des médecins avait en effet demandé l’annulation de l’arrêté d’octobre 2023 en organisant les modalités.
En bref…
Quelles responsabilités pour les professionnels de santé ?
Le principal risque encouru en cas de partage imprudent d’informations médicales est d’engager sa responsabilité pour violation du secret médical, sur le plan disciplinaire mais surtout pénal (article 226-13 du code pénal).
Il est donc important de se montrer très vigilant dans tout partage d’informations à caractère médical.
Nous vous proposons une "check-list" des points à vérifier pour sécuriser au maximum votre pratique.
Crédit photo : LPN / IMAGE POINT FR / BSIP

