Les chiffres clés 2024
- 406 avis CCI (- 4% par rapport à 2023)
- 294 décisions de justice civiles (- 15% par rapport à 2023)
- 10 décisions de justice pénales
1 770 professionnels de santé mis en cause, dont 876 sociétaires de la MACSF.
Bilan général
Nicolas Gombault, Directeur général délégué MACSF Assurance, revient en détail sur les faits saillants de 2024.
On relève plus particulièrement cette année les tendances suivantes :
- Le nombre d’avis et de décisions de justice rendus dans l’année est en diminution globale de 9% par rapport à 2023. La plus forte baisse concerne les décisions civiles (- 15%). Cette diminution du nombre de décisions et avis, amorcée à partir de 2022, est la conséquence logique de la baisse continue de la sinistralité constatée depuis 2019.
- Comme chaque année, les avis CCI sont majoritaires (58%) par rapport aux décisions judiciaires civiles. Cette proportion n’évolue plus depuis une dizaine d’années. Si la préférence des patients pour ce type de règlement des litiges se confirme donc, l’objectif recherché par la loi Kouchner de déjudiciariser le contentieux médical n’est toutefois pas pleinement atteint.
- Le nombre de décisions pénales se maintient à un niveau faible et stable, année après année (10 décisions). Ce contentieux reste exceptionnel dans le domaine de la responsabilité médicale.
Qui sont les mis en cause ?
Les mis en cause, toutes procédures confondues (civil, pénal, CCI)
Les médecins sont, comme chaque année, les plus mis en cause à 62 %, quelle que soit la procédure (civile, pénale ou CCI).
*Non médecins : infirmiers, kinésithérapeutes, chirurgiens-dentistes, pharmaciens, sages-femmes, vétérinaires, etc.
**Etablissements : cliniques, hôpitaux, centres de rééducation, centres de transfusion, EHPAD, laboratoires, etc.
Quelle a été l'issue des décisions de justice et avis CCI en 2024 ?
Des taux en augmentation, qui atteignent un niveau inédit
On note cette année encore de forts taux d’avis fautifs et de condamnations civiles. Ces taux augmentent d’année en année et atteignent en 2024 un niveau inédit.
Au pénal en revanche, on ne note pas d’augmentation, ni du nombre de procédures, ni du nombre de condamnations.
Devant les juridictions civiles
La tendance générale est à l’aggravation sur presque tous les indicateurs.
- 75% des décisions prononcent une condamnation. Ce taux, très élevé depuis plusieurs années, a bondi cette année de 5 points et atteint un niveau record en 2024.
- 59% des professionnels de santé mis en cause ont été condamnés, soit exactement le même taux qu’en 2023.
- Les indemnisations civiles s’élèvent à 61 618 859 € (soit un montant quasi identique à 2023 malgré la diminution de 15% du nombre de décisions).
Devant les CCI
- 45% des avis retiennent une faute (contre 43% en 2023). Ce taux est en augmentation régulière depuis 2022 et atteint son plus haut niveau cette année.
- 21% des professionnels de santé mis en cause sont considérés comme fautifs, comme en 2023.
Évolution des taux de condamnations civiles et des taux d'avis fautifs sur 5 ans
Au pénal
Le faible nombre de décisions rend les tendances très fluctuantes d’une année sur l’autre, de même que les montants d’indemnisation.
Si le taux de condamnation n’est donc pas significatif, on note en revanche que depuis quelques années, les sanctions consistent le plus souvent en des peines d’emprisonnement avec sursis, certaines d’une durée supérieure à un an, parfois associées à des interdictions d’exercice.
Le contentieux pénal est donc rare, mais en cas de condamnation, les peines prononcées sont lourdes.
Une dégradation de la qualité des soins ?
La sévérité des juges se confirme une fois encore en 2024. Elle reflète moins une logique punitive qu’une volonté d’indemnisation des préjudices subis : le droit de l’indemnisation a parfois tendance à se substituer au droit de la responsabilité
Les motifs de condamnation sont évidemment très différents d’une spécialité à l’autre, mais certaines situations sont récurrentes et communes à plusieurs spécialités :
- Absence de prescription d’examens pourtant nécessaires.
- Quand les examens ont été prescrits, absence de prise en compte des résultats.
- Défauts dans la tenue du dossier médical, à l’origine de mauvaises prises en charge ou de difficultés pour apporter la preuve de la bonne réalisation des soins.
L’hypothèse d’une dégradation de la qualité des soins ne peut être écartée pour expliquer le niveau inédit des taux de condamnation et d’avis fautifs. En effet, la pénurie de soignants et les déserts médicaux peuvent avoir un impact sur la qualité de la prise en charge médicale :
- Surcharge de travail qui peut être source d’erreurs et de négligences (démarche diagnostique incomplète, absence de prise en compte des résultats d’examens prescrits, attentisme, etc.).
- Épuisement et burn-out : selon l’observatoire 2025 ODEXA sur l’état de santé physique et mental des soignants et des personnels hospitaliers, 86% des professionnels de santé pensent que leur santé mentale a un impact sur la bonne conduite de leurs missions quotidiennes ; or, 35% d’entre eux se disent en mauvaise santé mentale.
- Impossibilité pour les patients de trouver un médecin traitant, avec à la clé de possibles pertes de chance en termes de coordination des soins.
- Difficultés pour l’accès à des médecins spécialistes ou à des examens dans des délais compatibles avec l’état de santé du patient.
- Dégradation de la qualité de la relation soignant/patient : ainsi, dans son rapport publié le 6 mai 2025, la défenseure des droits souligne l’existence de discriminations dans la prise en charge des patients "dans un contexte de pénurie de personnel soignant et de conditions de travail souvent dégradées qui réduisent leur capacité à accueillir et accompagner les patients en prenant en compte leur singularité".
Ces constats sont corroborés par l’enquête menée en mai 2025 par la MACSF auprès de ses sociétaires (médecins généralistes et spécialistes, kinésithérapeutes, infirmiers) sur les conditions d’exercice médical en milieu rural.
Il en ressort que :
- 37% des professionnels de santé exerçant dans un désert médical déclarent des délais d’un mois minimum pour des rendez-vous.
- 20% de ces professionnels déclarent ne plus prendre de nouveaux patients.
- 83% des répondants ont été confrontés à des reports ou retards de soins, tant pour les pathologies courantes que pour les maladies chroniques et graves.
L’enquête ne porte que sur le milieu rural, mais certains constats peuvent être transposés en milieu urbain.
Comparaison décisions de justice/avis CCI
La comparaison entre le taux d’avis fautifs (45%) et le taux de condamnations au civil (75%) pourrait laisser croire que le juge judiciaire est plus sévère dans l’appréciation des responsabilités que les CCI. Il est pourtant difficile de l’affirmer car la comparaison entre la voie judiciaire et la CCI n’est pas forcément pertinente :
- La typologie des dossiers soumis au juge et à la CCI est différente : les CCI ne se prononcent que dans les affaires présentant un certain degré de gravité (puisque c’est un critère de saisine de la Commission), tandis que le juge peut être saisi pour tout litige, sans condition de gravité du dommage.
- En CCI, la procédure va jusqu’à son terme, même lorsque le rapport d’expertise est favorable aux professionnels de santé. En judiciaire, la poursuite de la procédure dépend de la décision du patient qui, devant un rapport ne faisant pas apparaître de manquement ou de faute, peut décider de ne pas assigner au fond. La CCI sera donc statistiquement amenée à statuer plus souvent sur des affaires dans lesquelles aucune responsabilité n’est finalement encourue.
- Le taux de professionnels de santé condamnés est logiquement plus faible devant les CCI puisque toutes les parties mises en cause à l’origine (même celles dont le rapport d’expertise a révélé qu’elles n’avaient pas commis de faute) restent dans la cause jusqu’au rendu de l’avis. Au civil en revanche, au stade de l’assignation au fond, certaines parties mises en cause à l’origine peuvent ne pas être assignées au fond après le dépôt du rapport d’expertise. Ne restent donc en cause que les professionnels dont la responsabilité est susceptible d’être retenue.
Évolution décisions de justice/avis CCI