Une confusion entre activités de sage-femme et activités bien-être
Une sage-femme propose en cabinet des activités de bien-être à partir de 2020, d’abord en parallèle de son activité de soins. Puis, placée en congé maladie jusqu’en 2022, elle décide de se consacrer au seul bien-être et demande sa radiation à l’Ordre, qui est effective en 2023.
Tant avant qu’après cette radiation, elle présente ses activités bien-être sur ses comptes Facebook et Instagram, qui portent son nom, suivi de la mention "sage-femme".
Elle y mentionne notamment les prestations suivantes :
- drainage lymphatique,
- massage ayurvédique,
- Madero thérapie,
- empreinte émotionnelle pour libérer des émotions liées à des peurs et angoisses refoulées,
- réflexologie plantaire,
- massage visage Renata,
- aromathérapie.
Parallèlement, elle se prévaut sur ces mêmes comptes de sa qualité de sage-femme, non seulement par le nom du compte (qui comporte "sage-femme" dans son intitulé) mais aussi par la mention des activités pour lesquelles elle est compétente : consultations prénatales, surveillance de grossesse pathologique, préparation à la naissance physiologique, suites de naissance pour la mère et son bébé, suivi de l'allaitement ou rééducation périnéale.
Une plainte du conseil départemental de l'Ordre pour manquement déontologique
En avril 2022, le conseil départemental de l'Ordre des sages-femmes recommande à la sage-femme de créer une entreprise et un compte sur les réseaux sociaux strictement dédiés à ses prestations de bien-être, et de supprimer les publications sujettes à caution. Ce qu’elle ne fait pas en totalité.
Au contraire :
- Elle continue à se prévaloir de son titre en mentionnant être "ex-sage-femme" sur ses réseaux, qu'elle utilise exclusivement pour promouvoir son activité de bien-être.
- Elle propose toujours des actes réservés notamment à la profession de sage-femme (préparation à la naissance physiologique).
- Elle laisse en vue des commentaires de clientes laissant entendre que son activité de bien-être participe à une démarche médicale.
En octobre 2022, le conseil départemental dépose donc une plainte à son encontre. Il estime en effet qu’elle a manqué à la déontologie de sa profession en entretenant une confusion auprès du public entre sa profession de sage-femme et son activité de soins de bien-être, avant comme après sa radiation du tableau de l'Ordre.
En première instance : une interdiction d'exercice
La chambre disciplinaire de première instance sanctionne la sage-femme en avril 2023 d’une interdiction d'exercer d'une durée de vingt-quatre mois, non assortie du sursis, pour avoir :
- créé une confusion entre son activité de sage-femme et de bien-être,
- induit en erreur le public,
- porté atteinte à la dignité de la profession.
En effet, les informations diffusées sur ses réseaux sociaux ne poursuivaient pas un objectif éducatif ou sanitaire, mais visaient uniquement à accroître sa visibilité pour ses activités bien-être.
La sage-femme relève appel devant la chambre disciplinaire nationale, sollicitant une sanction moins sévère et la condamnation du conseil départemental à une somme de 2 000 euros.
Elle soutient que :
- Les actes proposés dans le cadre de son activité de bien-être ne sont pas antinomiques avec la profession de sage-femme mais complémentaires.
- Elle n'a jamais cumulé les deux activités puisqu’elle était en arrêt maladie de sa profession de sage-femme lorsqu’elle a commencé les prestations de bien-être en 2020, puis a cessé définitivement son activité professionnelle en 2022.
- Elle a bien suivi les recommandations ordinales en créant une entreprise et un compte sur Instagram dédiés à son activité bien-être, se bornant à juste faire état de son diplôme et de son exercice de trente-cinq années.
En appel : un blâme
La chambre disciplinaire nationale maintient le principe d’une sanction, mais la réduit à un blâme.
Elle retient que la mention de la profession de "sage-femme" ne peut apparaître pour apporter une caution à des prestations de bien-être. La sage-femme aurait pu seulement se borner à indiquer dans une notice biographique qu'elle avait obtenu le diplôme d'État, mais la manière dont elle a choisi de mentionner ses compétences a induit le public et ses clientes en erreur sur ses compétences et pratiques professionnelles.
Même si elle était en congé maladie entre 2020 et mai 2022, elle a cependant méconnu les dispositions de l'article R4127-310-1 du code de la santé publique. Selon cet article, la communication au public, par la sage-femme, d’informations de nature à contribuer au choix du praticien doit respecter un certain nombre de conditions. Notamment, les informations communiquées :
- doivent avoir des fins éducatives ou sanitaires et être scientifiquement étayées, ce qui n’est pas le cas de la plupart des prestations bien-être proposées ;
- ne pas induire le public en erreur, ce qui n’était pas non plus le cas puisque la sage-femme mettait en avant son diplôme pour susciter la confiance.
La chambre disciplinaire nationale ne retient pas l’atteinte à la dignité de la profession compte tenu des circonstances particulières de l'espèce liées à sa maladie et aux difficultés invoquées pour obtenir la suppression sur les réseaux sociaux de certaines des informations litigieuses.
Une somme de 1 000 euros est mise à la charge de la sage-femme.
À retenir
La communication des sages-femmes à destination du public est strictement encadrée par le code de la santé publique.
Même si la communication porte sur d’autres activités que celles relevant strictement des soins entrant dans le champ de compétence des sages-femmes, les principes déontologiques doivent être respectés, dès lors que la sage-femme fait état de sa profession.

