Examen par un médecin : un droit pour toute personne gardée à vue
L’intervention d’un médecin en vue d’un examen médical lors d’une garde à vue (article 63-3 du code de procédure pénale – CPP) est un droit qui peut être exercé par :
- les personnes gardées à vue elles-mêmes,
- un membre de leur famille,
- un proche.
À tout moment, cet examen médical peut également être ordonné par le procureur de la République ou l’officier de police judiciaire et confié à un médecin désigné d’office.
À noter que l’examen médical par téléconsultation peut être autorisé par le procureur de la République, mais il requiert l’accord du gardé à vue.
Si la garde à vue est prolongée, le suspect peut demander à être examiné une seconde fois.
Qui peut intervenir auprès d’une personne gardée à vue ?
Le choix du médecin requis pour procéder à l’examen d’une personne gardée à vue n’obéit à aucune règle définie : tout médecin inscrit à l’Ordre peut être désigné par le procureur de la République ou par un officier de police judiciaire.
Les médecins qui interviennent le plus régulièrement exercent dans des unités médico-judiciaires ou en médecine légale et sont inscrits volontairement sur des réseaux prédéfinis (liste établie par le procureur de la République).
La conférence de consensus des 2 et 3 décembre 2004 sur la thématique de l’intervention du médecin auprès des personnes en garde à vue (qui a donné lieu à des recommandations de la HAS) préconise que le médecin suive une formation initiale et continue à la pratique des examens en garde à vue, notamment pour acquérir des connaissances en matière de médecine légale ou encore sur le cadre juridique de son intervention.
Le médecin requis peut-il refuser la réquisition ?
Tout médecin est tenu de déférer à une réquisition. À défaut, il pourra être condamné :
- à une peine d’amende de 2e classe (article R.642-1 du code pénal) ;
- et/ou à une amende de 3 750 € maximum (article L.4163-7 du code de la santé publique – CSP).
Cependant, il existe des cas où le médecin peut refuser une réquisition :
- s’il est le médecin traitant de la personne gardée à vue (article 105 du code de déontologie médicale) ;
- s’il est dans l’incapacité d’exercer du fait de son état de santé ;
- s’il estime qu’il n’a pas les compétences médicales nécessaires pour procéder à l’examen.
Dans quel délai le médecin doit-il examiner la personne gardée à vue ?
Le médecin requis doit examiner la personne gardée à vue sans délai (article 63-3 du CPP).
L’article 63-2 du CPP prévoit que les diligences incombant aux enquêteurs vis-à-vis du gardé à vue, résultant de la notification de ses droits, doivent intervenir au plus tard dans un délai de trois heures à compter du placement en garde à vue, sauf circonstances insurmontables.
À noter que dans l’attente de l’arrivée du médecin sollicité, l’officier de police judiciaire peut poursuivre son audition car les investigations ne sont pas suspendues.
Où a lieu l’examen de la personne gardée à vue ?
L’examen médical est réalisé dans le lieu où se déroule la garde à vue (locaux de police ou de gendarmerie) et jamais au cabinet du médecin requis.
L’article 71 du code de déontologie médicale prévoit que le médecin "ne doit pas exercer sa profession dans des conditions qui puissent compromettre la qualité des soins et des actes médicaux ou la sécurité des personnes examinées".
En ce sens, le Guide de bonnes pratiques relatif à l’intervention du médecin lors des gardes à vue de juillet 2009 préconise que le médecin dispose, pour son examen, d’une installation convenable et de moyens techniques suffisants pour assurer la qualité des soins. Une table d’examen ou une couchette permettant un examen médical en position allongée sont notamment nécessaires.
Comment se déroule l’examen d’une personne gardée à vue ?
La sécurité du médecin, tout comme celle des autres personnes présentes, doit être assurée et tout risque d’évasion ou de violence maitrisé.
Dans le même temps, l’examen médical doit être confidentiel pour permettre le respect de la dignité et du secret professionnel. Ainsi, sauf circonstances exceptionnelles, il doit être réalisé :
- sur une personne sans entraves ;
- dans une pièce permettant que l’examen médical se déroule à l’abri des regards et de toute écoute extérieure (une surveillance visuelle peut cependant être maintenue).
L’entretien doit être réalisé dans une langue réciproquement comprise. De ce fait, un interprète doit être dans la mesure du possible opérationnel à l’arrivée du médecin. Ce dernier l’assistera au cours de l’entretien préalable, et ce dans le respect de la confidentialité.
Il appartient au médecin requis, et à lui seul, d’apprécier si toutes les conditions nécessaires à la réalisation de son examen sont réunies. Si tel n’est pas le cas, il peut refuser d’y procéder.
En quoi consiste la mission du médecin intervenant auprès d'un gardé à vue ?
La principale mission du médecin consiste à remettre à l’officier de police judiciaire un certificat attestant de l’aptitude de la personne examinée à être placée sous le statut de la garde à vue.
Le médecin peut ainsi certifier que :
- L’état de santé de la personne est compatible avec son maintien en garde à vue dans les locaux de police ou de gendarmerie, sans conditions particulières, pour une durée ne pouvant excéder 24 heures.
- L’état de santé de la personne est compatible avec son maintien en garde à vue sous conditions (nécessité d’un nouvel examen à l’issue d’un délai fixé, poursuite d’un traitement antérieur ou encore réalisation de soins sur place…).
Par exemple, si la personne gardée à vue souffre d’une pathologie psychiatrique qui nécessite un suivi strict : la chambre criminelle de la Cour de cassation, dans un arrêt du 30 mars 2006 (n° 15-86195) a confirmé la régularité de la garde à vue dès lors que le médecin n’avait pas expressément subordonné la poursuite de cette mesure privative de liberté à l’examen par un psychiatre. - L’état de santé de la personne est incompatible avec son maintien en garde à vue dans les locaux de police ou de gendarmerie (examen médical complémentaire nécessaire en établissement de santé, soins nécessitant une hospitalisation dont le transfert sera décidé par le procureur de la République ou pathologie rendant impossible son maintien en garde à vue…). À noter qu’en cas d’urgence vitale pour le gardé à vue, le médecin doit faire appel au SAMU.
Sur les conséquences du non-respect des conclusions du médecin, la Cour de cassation, dans un arrêt en date du 27 octobre 2009 (n°09-82505) a jugé que la poursuite de la garde à vue d’une personne dans des conditions qui sont, selon le constat médical, incompatibles avec son état de santé, porte nécessairement atteinte à ses intérêts. Une telle situation peut entraîner la nullité de la mesure de garde à vue : "Une personne gardée à vue dont l’état de santé, constaté par un médecin, est incompatible avec la poursuite d’une telle mesure doit être immédiatement libérée et le procureur de la République aussitôt prévenu ; à défaut, la poursuite de cette mesure privative de liberté, quelle que soit l’évolution de l’état de santé de l’intéressé, entraîne la nullité de l’ensemble des actes effectués au cours de la garde à vue après qu’a été constatée l’incompatibilité en cause, et des actes de la procédure subséquente dont la garde à vue est le support nécessaire". - Les conditions de garde à vue ne lui permettent pas de se prononcer sur la compatibilité en raison de l’impossibilité de pratiquer l’examen ou du fait de l’indignité des conditions de rétention.
Par ailleurs, il peut être prévu dans la réquisition une mission accessoire consistant à constater d’éventuelles lésions traumatiques visibles récentes sur la personne, qui feront l’objet de la rédaction d’un certificat autonome uniquement descriptif.
Existe-il un modèle de certificat médical ?
Il n’existe pas de certificat type mis à la disposition des médecins intervenant auprès d’une personne gardée à vue dans les locaux de police ou de gendarmerie.
Le guide de bonnes pratiques relatif à l’intervention du médecin en garde à vue en date de juillet 2009 propose un modèle de certificat médical (celui qui doit être remis à l’autorité requérante) et un modèle de fiche médicale confidentielle (qui doit être conservée par le médecin mais non transmise).
Dans tous les cas, le certificat médical doit être annexé au procès-verbal et l’officier de police judicaire doit rendre compte immédiatement au procureur de la République et ce notamment dans le cas où le médecin prescrit qu’il soit procédé à une hospitalisation d’urgence.
La fiche médicale confidentielle peut être rédigée par le médecin à son usage exclusif mais elle ne sera pas transmise à l’autorité requérante. Elle permet de recueillir et de conserver la trace d’informations médicales qui ne concernent pas la réquisition. Il peut alors s’agir, par exemple, des antécédents médico-chirurgicaux, des traitements en cours, des conditions de la garde à vue ou encore de données issues d’examen clinique ou d’examens complémentaires pratiqués ou demandés.
Les droits des patients s’appliquent-ils aux personnes en garde à vue ?
L’intérêt et le respect de la dignité du patient
L’article 10 du code de déontologie médicale indique que :
"Un médecin amené à examiner une personne privée de liberté ou à lui donner des soins ne peut, directement ou indirectement, serait-ce par sa seule présence, favoriser ou cautionner une atteinte à l’intégrité physique ou mentale de cette personne ou à sa dignité".
De ce fait, le médecin requis intervient dans l’intérêt du patient et dans le respect de sa dignité.
L’accès et la continuité des soins
L’article L.1110-1 du CSP impose aux professionnels de santé, quelles que soient les circonstances, d’assurer l’accès aux soins et la continuité des soins des patients qui leur sont confiés. Les soins doivent toujours être "consciencieux, dévoués et fondés sur les données acquises de la science" (article 32 du code de déontologie médicale).
Ainsi, le médecin doit veiller à ce que la personne gardée à vue reçoive les traitements en cours qui lui sont nécessaires (un contact avec le médecin traitant peut être nécessaire). En revanche, sauf urgence, il ne s’agit pas pour le médecin de mettre en œuvre de nouveaux traitements. Si le gardé à vue nécessite des soins d’urgence, le médecin doit l’examiner et faire appel au SAMU pour une orientation vers le service médical d’urgence adéquat.
Le droit à l’information et au consentement éclairé
Les droits du patient à l’information et au consentement éclairé doivent être respectés. En ce sens, le médecin doit informer la personne gardée à vue du cadre de son intervention médicale et sur la nature des informations qui seront transmises à l’autorité requérante (un certificat déterminant la compatibilité de l’état de santé avec le maintien en garde à vue et, le cas échéant, un certificat décrivant les lésions traumatiques visibles récentes) et des informations ou données médicales couvertes par le secret médical.
Une fois le gardé à vue informé, il peut donner son consentement ou non à l’examen médical d’une part et aux constatations médicales d’autre part. Tout refus doit être mentionné dans le certificat médical. De même, en l’absence d’interprète, il appartient au médecin d’apprécier s’il lui est possible de procéder à l’indispensable information de la personne gardée à vue préalablement à l’examen et sans laquelle celui-ci ne peut avoir lieu.
Si le médecin requis constate qu’une personne privée de liberté a subi des sévices ou des mauvais traitements, il doit, avec l’accord de l’intéressé, en informer le procureur de la République. S’il s’agit d’une personne mineure ou "d’une personne qui n’est pas en mesure de se protéger en raison de son âge ou de son état physique ou psychique", l’accord de la victime n’est pas indispensable (article 10 du code de déontologie médicale).
Quelle responsabilité pour le médecin requis ?
Le médecin qui intervient en garde à vue reste soumis aux mêmes principes de responsabilité que tout médecin. Il peut voir sa responsabilité pénale, civile/administrative ou encore disciplinaire engagée.
Cependant, dès lors qu’il intervient dans le cadre d’une réquisition, il devient collaborateur occasionnel du service public et il pourra demander que ce soit la responsabilité de l’État qui soit recherchée devant un tribunal administratif.
En revanche, ses responsabilité pénale et disciplinaire demeurent personnelles.
Il peut s’agir, par exemple, d’un manquement du médecin relatif au contenu du certificat (violation du secret professionnel, rédaction du certificat sans examen…) ou encore sur sa délivrance et le fait qu’il ait été remis à une personne non habilitée à le recevoir.
Le médecin peut également être poursuivi pour ne pas avoir décelé une pathologie nécessitant des soins immédiats ou contre-indiquant le maintien en garde à vue, si la personne a subi un préjudice en rapport avec un retard de prise en charge.
À noter que la défaillance volontaire du praticien requis, sans justification, est susceptible d’aboutir à la mise en cause de sa responsabilité sur le plan pénal et disciplinaire.