Une clause de solidarité facultative mais aux effets prolongés
Une simple faculté
Dans le cadre d’une colocation avec au moins deux colocataires, la solidarité entre les colocataires est possible.
Dans cette hypothèse, il faut que le bail unique contienne expressément une clause dite "de solidarité".
Cette clause est facultative : si elle ne figure pas dans le bail, alors aucune solidarité entre les colocataires ne sera opposable par le bailleur.
En présence de cette clause, en revanche, si l’un des colocataires ne règle pas sa part du loyer, alors le bailleur pourra se tourner vers les autres pour obtenir ce paiement.
Des effets parfois prolongés au-delà de la date de congé d’un colocataire
L’article 8-1 de la loi N° 89-462 du 6 juillet 1989, régissant les rapports locatifs, limite néanmoins cette solidarité dans le temps : elle prend "fin à la date d'effet du congé régulièrement délivré et lorsqu'un nouveau colocataire figure au bail".
A défaut, elle s'éteint "au plus tard à l'expiration d'un délai de six mois après la date d'effet du congé".
Dès lors, dans le cadre de ce bail unique, un colocataire qui donnerait congé avant les autres, et quitterait donc la colocation, resterait donc tenu au règlement des loyers et charges, jusqu’à six mois après la fin de son préavis.
Cette durée est interrompue dès qu’un nouveau colocataire vient remplacer le sortant.
Ainsi, même après la fin de son préavis, et alors qu’il est déchu de tout droit sur le bien, qu’il n’est plus colocataire, il doit participer au paiement des dettes issues de la colocation qui se poursuit sans lui, et ce, durant un délai maximal de six mois.
La Cour de cassation, dans un arrêt en date du 8 avril 2021 précise que seules les créances qui sont nées avant la fin de ce délai de six mois peuvent être revendiquées auprès de l’ancien colocataire.
Une "double" solidarité
Le locataire qui a donné congé peut donc être poursuivi, au titre de sa solidarité, à deux niveaux :
- En application du droit commun des contrats, il reste bien entendu tenu par les créances nées alors qu’il était encore parti au contrat. En quittant la colocation, il ne se libère pas d’une dette existante, en application de l’article 1309 de Code civil ;
- Par le jeu de la clause de solidarité, il est solidaire des dettes créées après la prise d’effet de son congé, c’est-à-dire la fin de son préavis, et ce pendant six mois.
Application de la clause de solidarité en matière d'indemnisation des dégradations locatives
Le principe est que le locataire doit prendre en charge les réparations dites "locatives" (menues réparations) et répondre des dégradations qu’il a occasionnées dans les lieux loués (article 7 c. 7 d. de la loi N°89-462 du 06 juillet 1989).
A défaut, le bailleur est fondé à lui réclamer "le cas échéant, des sommes restant dues […] et des sommes dont [il] pourrait être tenu, aux lieu et place du locataire" (article 22 de la même loi).
Or, c’est à partir du jour de la signature de l’état des lieux de sortie que le locataire sortant reste solidaire de la créance liée à la remise en état du bien.
Dès lors, si l’état des lieux de sortie est établi plus de six mois après le départ du premier locataire, il y a donc lieu de considérer que la créance du bailleur au titre de la remise en état des lieux est née après l’expiration de l’obligation solidaire.
Seul donc le dernier locataire à quitter les lieux devra assumer le coût d’éventuelles dégradations locatives.
Il est donc conseillé, tant aux bailleurs, qu’aux colocataires, de faire établir un état des lieux contradictoire avec chaque colocataire qui donne congé (ou un constat d’huissier), afin de permettre une datation certaine des éventuelles dégradations, et un partage des frais de reprise des désordres.