Prescription de l’action en responsabilité médicale : qu’est-ce que c’est ?
C’est un mécanisme juridique qui entraîne l’extinction d’un droit d’agir en justice lorsque celui-ci n’est pas exercé dans un certain délai, variable selon le type de procédure et le domaine concerné.
L’objectif : garantir une certaine sécurité juridique, en évitant de faire peser indéfiniment le risque de voir sa responsabilité engagée, des décennies après les faits.
Ainsi, un professionnel de santé ne peut voir des poursuites engagées contre lui quand la prescription est acquise.
Civil, pénal, administratif : des délais différents
Les délais ne sont pas les mêmes dans tous les types de procédures.
10 ans à compter de la consolidation du dommage
Cette prescription s’applique aux procédures :
- civiles (devant les tribunaux de l’ordre judiciaire),
- devant la Commission de conciliation et d’indemnisation des accidents médicaux (CCI),
- administratives, pour la mise en cause des professionnels et établissements de santé.
Précisions
- Le point de départ du délai est la consolidation de l’état de santé (moment médical et juridique où l’état de la victime est considéré, souvent à la suite d’une expertise, comme stabilisé, sans amélioration significative attendue). Il varie donc selon les situations et peut faire l’objet de contestations.
- Certains cas particuliers peuvent rallonger le délai : par exemple, si le patient est mineur, le délai de 10 ans commence à courir à compter de sa majorité.
- En cas de décès du patient avant consolidation, c’est la date de ce décès qui constitue le point de départ du délai.
6 ans au pénal
L’action pénale se prescrit par :
- 6 ans pour les délits (ex. blessures involontaires),
- 20 ans pour les crimes.
Le point de départ du délai est le jour de la commission des faits ou de leur révélation s’ils ont été dissimulés.
Procédure ordinale : pas de prescription
La loi ne prévoit aucun délai de prescription pour l’action intentée par un patient dans le cadre d’un contentieux disciplinaire des professions soumises à un Ordre professionnel (médecins, sages-femmes, chirurgiens-dentistes, kinésithérapeutes, pédicures podologues, pharmaciens, infirmiers).
Des délais qui peuvent être suspendus ou interrompus
La suspension
Elle met le délai "en pause", sans effacer le temps déjà écoulé, ou retarde son point de départ.
Il peut s’agir par exemple :
- Pour les procédures civiles : minorité du patient, incapacité juridique, force majeure (par exemple, patient dans le coma), recours à la médiation ou à la conciliation, saisine de CCI, etc.
Cas pratique
Pour un patient victime d’un accident médical à l’âge de 10 ans, le délai ne commencera à courir qu’à sa majorité. Il pourra donc agir jusqu’à 28 ans (à supposer qu’il soit considéré comme consolidé à sa majorité ; sinon, le délai pourra être plus long).
- Pour les procédures pénales : obstacle légal empêchant des poursuites, mise en place d’une médiation pénale, etc.
- Pour les procédures administratives : réclamation préalable (le délai ne commence à courir qu’à compter de la réponse ou de la décision implicite de rejet), expertise, médiation ou conciliation, force majeure, etc.
L’interruption
Elle efface le temps déjà écoulé et fait repartir un nouveau délai complet.
Il peut s’agir par exemple :
- Pour les procédures civiles : assignation en justice, expertise judiciaire, etc.
- Pour les procédures pénales : actes d’instruction ou de poursuite (dépôt de plainte, mise en examen, etc.), acte du juge d’instruction, etc.
- Pour les procédures administratives : recours gracieux ou hiérarchique, introduction d’un recours devant le juge, etc.
La prescription est acquise : quelles conséquences ?
Une fois le délai expiré, l’action devient irrecevable : le patient ne peut plus agir en justice pour obtenir la condamnation de l’auteur des faits.
La prescription n’éteint cependant pas la possibilité de transiger amiablement un litige, hors de toute contrainte judiciaire.
Nos conseils de bonnes pratiques
Pour faire face à une mise en cause, quelle qu’elle soit, et mettre toutes les chances de votre côté pour vous défendre efficacement, voici quelques conseils :
- Veillez à conserver soigneusement vos dossiers médicaux. Même si la prescription civile est de 10 ans, il est très fortement recommandé de conserver les dossiers largement au-delà :
La consolidation peut intervenir de longues années après l’accident médical, avec par conséquent un point de départ du délai très à distance des faits.
Les délais peuvent être suspendus ou interrompus.
- Assurez une traçabilité parfaite dans le dossier médical : si une mise en cause survient des années après les faits, il peut être difficile de se souvenir des détails de la prise en charge. Un dossier médical parfaitement tenu est une ressource essentielle pour votre défense.
- Souscrivez une assurance RCP adaptée, ce qui implique de bien penser à signaler à l’assureur toute modification ou toute évolution dans votre exercice professionnel.
- En cas de litige, soyez vigilant sur les actes et assignations reçus puisqu’ils ont une incidence sur le délai de prescription.
- Ne présumez jamais que le temps vous protège et qu’il n’y aura pas de poursuites parce que "c’est trop tard". C’est d’autant plus vrai que la procédure ordinale ne se prescrit pas.