Statut du docteur junior : ce que prévoient les textes
- Le docteur junior est un étudiant de 3ème cycle, entrant dans la 3ème et dernière phase de formation telle que prévue par la réforme du 3ème cycle, dite phase de consolidation.
Le statut d’interne est désormais réservé aux phases 1 (dite phase socle) et 2 (dite phase d’approfondissement) du 3ème cycle. (Article R6153-1 et R6153-2 du Code de la santé publique - CSP). - Le docteur junior exerce des fonctions de prévention, de diagnostic, de soins et, le cas échéant, des actes de biologie médicale, avec pour objectif de parvenir progressivement à une pratique professionnelle autonome (Article R6153-1-2 du CSP).
- Comme les internes, le docteur junior est un agent public.
- L'interne en médecine et le docteur junior exercent leurs fonctions par délégation et sous la responsabilité du praticien dont ils relèvent (Article R6153-3 article R6153-1-2 dernier alinéa du CSP).
- Cependant, à la différence de l’interne, le docteur junior suit sa formation sous le régime de l'autonomie supervisée.
Les actes réalisés sous ce régime le sont par le docteur junior seul. Seuls les actes que le docteur junior ne réalise pas encore en autonomie supervisée sont réalisés dans les conditions en vigueur pour les internes.
L’objectif étant que le docteur junior parvienne progressivement à une pratique professionnelle autonome. (Article R6153-1-2 du CSP).
Docteur junior : l’exercice par délégation
Une délégation pour quels actes ?
Par un arrêt de principe (Conseil d’Etat, 18 décembre 1953, Sieur Fresnais, req. n° 9636 Lebon 568), la jurisprudence a défini les circonstances dans lesquelles l’interne pouvait valablement recevoir délégation d’effectuer un acte.
Deux critères essentiels ont été dégagés :
- L’importance de l’opération. Le praticien dont relève l’interne ne peut lui déléguer qu’un acte ne présentant pas de difficultés sérieuses.
Par conséquent, une intervention d’une gravité particulière ne peut pas faire l’objet d’une délégation. - L’appréciation des capacités de l’interne. Il s’agit certainement de l’élément le plus délicat car il suppose une évaluation des capacités de l’interne. Le praticien doit en effet s’être "assuré au préalable (…) que l’autorisation ainsi donnée à ses collaborateurs n’est susceptible de ne porter aucune atteinte aux garanties médicales que les malades sont en droit d’attendre (…)".
En pratique, en cas de litige, les tribunaux se fondent sur l’expérience acquise par l’interne au cours de sa formation ainsi que sur des éléments de pur fait :
- nombre d’actes de cette nature déjà accomplis,
- proximité de la soutenance de la thèse,
- nature de l’acte délégué, etc.
Une délégation sous quelle forme ?
Il n’est pas nécessaire, au regard des textes et de la jurisprudence, que la délégation fasse l’objet d’un écrit.
Mais un tel document, précisant la nature des actes confiés aux internes, peut s’avérer précieux, en pratique, dans l’hypothèse d’une mise en cause.
Qu’en est-il de l’urgence ?
L’urgence est considérée comme une situation dérogatoire.
Si la situation nécessite la réalisation d’un acte qui sort des compétences de l’interne, celui-ci devra tout mettre en œuvre pour joindre un médecin "senior" ou le chef de service. Il ne sera autorisé à intervenir que si ni l’un ni l’autre n’ont pu être joints ou s’ils tardent à arriver, sous peine d’être poursuivi pénalement pour non-assistance à personne en danger.
Délégation : le médecin sénior doit-il être présent ?
La réglementation ne prévoit pas d’obligation pour le senior d’être présent physiquement.
Cependant, dans la mesure où les internes agissent sous la responsabilité du médecin "senior", celui-ci doit être joignable et en mesure de se rendre sur place.
Autrement dit, le praticien responsable doit être, à tout le moins, d’astreinte à domicile afin de pouvoir répondre, le cas échéant, aux sollicitations de l’interne.
Docteur junior : l’exercice sous le régime de l’autonomie supervisée
L’article R6153-1-2 nouveau du code de la santé publique (NCSP) dispose que "Le docteur junior exerce des fonctions de prévention, de diagnostic et de soins (…) avec pour objectif de parvenir progressivement à une pratique professionnelle autonome. Il suit sa formation sous le régime de l’autonomie supervisée".
Une autonomie supervisée pour quels actes ?
L’étudiant qui entre en 3ème cycle est reçu lors d’un entretien individuel avec le coordinateur local de la spécialité et le praticien responsable du lieu de stage.
Ils établissent alors la nature, le nombre et les conditions de réalisation des actes que le docteur junior est en mesure d’accomplir en autonomie supervisée. La nature des actes est progressivement diversifiée, jusqu’à recouvrir l’intégralité des mises en situation.
En quoi consiste la supervision ?
Les actes réalisés sous le régime de l’autonomie supervisée le sont par le docteur junior seul.
La supervision est assurée par un praticien auquel le docteur junior peut avoir recours à tout moment de son exercice, conformément aux tableaux de service.
Elle a pour objet :
- le conseil,
- l’accompagnement dans les actes accomplis par le docteur junior,
- la prise en charge d’une situation à laquelle ce dernier ne pourrait faire face en autonomie.
À retenir
- Le docteur junior n’est pas un praticien sénior disposant du plein exercice.
- Il suit sa formation sous le régime de "l’autonomie supervisée".
- Il exerce ses fonctions par délégation et sous la responsabilité du praticien dont il relève.
- Le docteur junior, bien que docteur en médecine, pharmacie ou en odontologie, est en formation pendant toute la durée de la phase de consolidation.
- Il ne sera qualifié dans la spécialité de son DES et autorisé à exercer qu’après avoir validé l’ensemble des connaissances et compétences de sa maquette de formation et après l’obtention de son DES et son inscription définitive à l’ordre.
Docteur junior : quelles sont les responsabilités encourues ?
Pour les actes réalisés dans le cadre d’un stage
Le dernier alinéa de l’article R6153-1-2 NCSP prévoit que "le docteur junior exerce ses fonctions par délégation et sous la responsabilité du praticien dont il relève".
Les responsabilités ne diffèrent pas de celles prévues pour les internes, pour les actes réalisés dans le cadre du stage.
Le docteur junior dispose d’une autonomie "professionnelle" (exerce ses actes seuls) mais non juridique, il est sous la responsabilité d’un senior1.
De la même façon que pour les internes, c’est le praticien senior, qui assure la supervision du docteur junior, qui est responsable.
Pour les actes réalisés dans le cadre du remplacement d’un médecin (hors stage)
La situation de l’étudiant en 3ème cycle diffère selon le statut sous lequel il exerce.
Statut de salarié de droit privé
Cela concerne les docteurs juniors exerçant à titre de remplaçant dans un établissement de santé privé (Article R6153-1-24 du CSP) et, éventuellement, ceux exerçant auprès d’un médecin libéral ou d’une structure de santé privée.
Ils sont recrutés par contrat de droit privé et soumis aux dispositions du code du travail. Aussi, conformément à la responsabilité du commettant du fait de son préposé s’expliquant par le lien de subordination, la responsabilité est celle de l’employeur, sauf faute personnelle du salarié2.
Statut de contractuel de droit public
Cela concerne les docteurs juniors exerçant à titre de remplaçant dans un établissement de santé public (Article R6153-1-22 du CSP).
Comme le précise l’article D6153-1-27 du CSP, "le docteur junior ne peut exercer en tant que remplaçant dans l'entité au sein de laquelle il est accueilli au titre d'un stage".
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Ils sont recrutés par contrat de droit public, ce sont des agents publics.
Aussi, l’administration publique est responsable et tenue de réparer tout préjudice qui aurait été causé au cours de l’exercice de ses activités, sauf faute personnelle de l’agent1.
Statut de collaborateur libéral
Les docteurs juniors peuvent exercer à titre de remplaçant libéral auprès d’un médecin libéral.
Le conseil départemental de l’Ordre autorise le remplacement pour une durée maximale de trois mois renouvelables. Il informe le médecin remplacé et l’agence régionale de santé de l’autorisation (Article L4131-2 du CSP).
L’étudiant est un travailleur non salarié. Il a l’obligation de s’affilier à l’URSSAF et à la CARMF.
Aussi, le docteur junior est responsable de l’ensemble des actes qu’il réalise et a l’obligation de bénéficier d’une assurance responsabilité civile professionnelle2.
Les différentes responsabilités encourues par le docteur junior
La responsabilité administrative
- Principe
Dans le cadre du stage, le médecin "senior" qui encadre l’interne est responsable des actes commis par son interne ou docteur junior (si le médecin senior exerce sous le statut de praticien hospitalier, c’est son employeur qui sera responsable).
Dans le cadre d’un remplacement dans une structure de droit public, l’administration employeur de l’étudiant en 3ème cycle est responsable.
Dans ce cas, c’est l’établissement de santé qui sera responsable devant les juridictions administratives.
- Exception
En cas de commission d’une faute détachable du service, l’interne ou le docteur junior sera responsable : il s’agit d’une faute d’une gravité exceptionnelle qui ne peut être raisonnablement rattachée au fonctionnement du service (acte qui ressort de la vie privée de l’agent, faute inadmissible sur le plan déontologique, faute intentionnelle avec volonté de nuire, faute dont l’objet est la recherche d’un intérêt personnel).
La responsabilité civile
Salarié
- Principe
Dans le cadre d’un remplacement dans une structure de droit privé (ou en tant que salarié auprès d’un médecin libéral), l’employeur de l’étudiant en 3ème cycle est responsable. Le salarié bénéficie d’une immunité civile.
Dans ce cas, c’est l’établissement de santé privé ou le médecin remplacé qui sera responsable devant les juridictions judicaires.
- Exception
En cas de commission d’une faute pénale intentionnelle ou une faute civile intentionnelle, lorsque le préposé (salarié) a agi hors des limites de la mission qui lui a été impartie par le commettant (employeur), le docteur junior sera responsable civilement.
Libéral
Dans le cadre d’un remplacement auprès d’un médecin libéral, le docteur junior est responsable de l’ensemble des actes qu’il réalise et a l’obligation de bénéficier d’une assurance responsabilité civile professionnelle.
La responsabilité pénale
- Principe
En matière pénale, chaque personne demeure personnellement responsable de ses actes : ainsi, l’interne pourra voir sa responsabilité pénale engagée.
- Exception
En cas de mauvaise appréciation des capacités de l’interne ou du docteur junior, le médecin "senior" pourra voir sa responsabilité pénale recherchée en qualité d’auteur indirect du dommage si l’acte confié à l’interne ou au docteur junior était d’une particulière difficulté et qui ne pouvait être exécuté au regard de ses connaissances.
Aussi, il peut être reproché au senior de ne pas avoir correctement évalué la capacité de l’interne ou du docteur junior qui, lui aussi, pourra voir sa responsabilité engagée.
Quelle garantie assurantielle en cas de sinistre ?
En cas d’accident dans le cadre de votre stage de 3ème cycle, et sous réserve que les conditions générales et particulières de votre contrat soient respectées, vos sinistres seront couverts par notre assureur.
Aussi, votre assurance responsabilité civile professionnelle vous garantit une défense dans le cas où votre responsabilité pénale et/ou disciplinaire (conseil de l’ordre) serait mise en cause. Il est est de même en cas de faute détachable du service.
Pensez donc à mettre à jour votre contrat responsabilité civile professionnelle même si la cotisation reste offerte pour les docteurs juniors !
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En cas d’accident dans le cadre d’un remplacement en tant que docteur junior, vous avez l’obligation de bénéficier d’une assurance responsabilité civile professionnelle en cas de remplacement libéral.
Dans les autres cas (salarié ou agent public), nous vous invitons à prévenir votre assureur afin que nous puissions assurer votre défense en cas de mise en cause de votre responsabilité pénale, disciplinaire ou en cas de faute personnelle.
Docteur junior : Protégez-vous sans rien dépenser !
Références
Articles R.6153-1 et suivants du CSP.
Articles R. 632-2 et suivants du code de l’éducation.
Arrêté du 8 juillet 2022 relatif à l'indemnisation de la permanence et de la continuité des soins des personnels médicaux, odontologiques et pharmaceutiques dans les établissements publics de santé et dans les établissements publics d'hébergement pour personnes âgées dépendantes, des internes et des étudiants en médecine.
Arrêté du 27 juillet 2022 relatif à l’organisation des stages de la phase de consolidation du 3ème cycle des études médicales au cours de l’année universitaire 2022-2023.
Arrêté du 16 janvier 2020 modifié relatif au référentiel de mises en situation et aux étapes du parcours permettant au docteur junior d’acquérir progressivement une pratique professionnelle autonome pris en application de l’article R6153-1-2 du CSP.
Arrêté du 4 octobre 2019 modifié portant organisation du 3ème cycle long des études pharmaceutiques.
Arrêté du 3 septembre 2018 portant publication du modèle type de contrat de formation mentionné à l'article R632-26 du code de l'éducation.
Arrêté du 18 octobre 2017 fixant la réglementation applicable à la formation commune à la médecine et à l'odontologie délivrée dans le cadre du diplôme d'études spécialisées de chirurgie orale et modifiant l'arrêté du 31 mars 2011 fixant la liste des formations qualifiantes et la réglementation des diplômes d'études spécialisées en odontologie.
Arrêté du 21 avril 2017 modifié relatif aux connaissances, aux compétences et aux maquettes de formation des diplômes d'études spécialisées et fixant la liste de ces diplômes et des options et formations spécialisées transversales du 3ème cycle des études de médecine.
Arrêté du 12 avril 2017 modifié portant organisation du 3ème cycle des études de médecine.
Arrêté du 30 juin 2015 relatif aux modalités d'élaboration et de transmission des tableaux de services dédiés au temps de travail des internes.
Arrêté du 4 octobre 2006 définissant les modalités d'organisation de l'année de recherche durant le 3ème cycle des études de médecine, d'odontologie et de pharmacie.
Arrêté du 30 avril 2003 modifié relatif à l’organisation et à l’indemnisation de la continuité des soins et de la permanence pharmaceutique dans les établissements publics de santé.
Arrêté du 10 septembre 2002 modifié relatif aux gardes des internes, des résidents en médecine et des étudiants désignés pour occuper provisoirement un poste d'interne et à la mise en place du repos de sécurité.