Dr Thierry Houselstein
Le 21.04.2021
À 12:00
Le devoir d'information au patient >
Information au patient et consentement éclairé : une traçabilité indispensable >
Cas clinique n° 1 : chirurgie réfractive pour myopie >
Cas clinique n° 2 : phakokératectomie réfractive de l’œil gauche >
Point de vue de l'expert : Dr Valérie Ameline, ophtalmologiste & médecin-conseil MACSF >
Comment améliorer la traçabilité du recueil du consentement éclairé ? >
ORDOCLIC, des solutions pour la digitalisation du parcours de soins >
Dans la pratique médicale quotidienne, il est d’usage que le professionnel de santé délivre à son patient une information loyale, claire et appropriée sur les risques graves afférents aux investigations et soins proposés, tel que recommandé par les articles L.1111-2 et R.4127-35 du Code de la santé publique.
De manière générale, ces recommandations sont relativement bien suivies, notamment lors d’une prise en charge chirurgicale ou interventionnelle, la notion de risque étant toujours présente à l’esprit des équipes médicales.
En ce sens, les réclamations de patients pour défaut d’information restent maîtrisées, témoignant de l’important travail effectué par les professionnels de santé, les sociétés savantes mais également les assureurs en responsabilité civile professionnelle.
> Notre livre blanc "L'obligation d'information"
Si la délivrance de l’information due au patient a énormément progressé depuis une vingtaine d’années, la traçabilité de celle-ci reste perfectible et, parfois source de difficultés médico-légales.
En effet, selon les textes, le professionnel de santé doit être en mesure de démontrer (de prouver) qu’il a informé son patient, lui permettant ainsi de donner son consentement dit éclairé aux investigations et soins proposés. Cette phase de recueil reste plus complexe à mettre en œuvre dans la pratique quotidienne, notamment pour des questions organisationnelles.
La conservation des documents servant de support à l’information mais surtout le recueil du consentement du patient reste le maillon faible dans cette démarche vertueuse. En effet, lorsque survient une complication ou un événement indésirable, entraînant une réclamation du patient, il est nécessaire - sur un plan médico-légal - de pouvoir démontrer que le risque de survenue de cette complication avait été porté à la connaissance du patient.
Les réclamations pouvant intervenir plusieurs années après les faits, il est fondamental que le document ayant servi à délivrer cette information et surtout au recueil du consentement du patient soit parfaitement archivé dans le dossier médical du patient, que ce soit sous forme papier ou numérique.
En effet, de plus en plus fréquemment, le consentement éclairé est recueilli dans un document spécifique devant être daté et signé par le patient, document souvent proposé par la société savante de la spécialité et éventuellement modifié, complété ou amendé par le professionnel de santé.
D’un point de vue formel, cette solution est à recommander mais elle n’exonère pas le médecin d’informer son patient dans le cadre d’un échange oral singulier, en répondant à l’ensemble des questions et interrogations bien légitimes.
Soumis aux aléas de l’archivage, ce document peut être mal classé voire égaré et demeurer introuvable lorsque sa production est indispensable au professionnel de santé, lors d’une réclamation, d’une procédure contentieuse et en particulier lors d’une expertise médico-légale.
Cette situation n’est malheureusement pas rare, en témoignent les cas cliniques proposés ci-dessous issus de nos archives, anonymisés pour l’occasion et concernant l’ophtalmologie.
Un patient de 37 ans consulte son ophtalmologiste en novembre 2016 en vue d’une chirurgie réfractive pour myopie. Une intervention par phakokératectomie réfractive est proposée, acceptée par le patient, lequel bénéficie d’une information orale selon son médecin. Un consentement mentionnant les risques est signé.
L’intervention est effectuée le 10 février 2017, sans difficulté, une lentille de contact pansement étant placée sur les deux yeux à la fin de la procédure. Un traitement antibiotique par Tobrex® collyre est prescrit.
Le patient consulte de nouveau son ophtalmologiste le 12 février 2017 en raison de douleurs oculaires. A l’examen, l’œil droit va bien. En revanche, il existe une inflammation superficielle à gauche, justifiant un traitement antibiotique renforcé.
Le patient est revu 48 heures plus tard avec un abcès de cornée caractérisé à gauche conduisant à une prise en charge en service spécialisé. Les prélèvements s’avèrent négatifs.
Malgré les traitements et un suivi régulier, le patient conserve une baisse importante de son acuité visuelle estimée à 4/10 à gauche, passant à 7/10 en utilisant une lentille de contact sclérale. Le patient conserve une taie cornéenne centrale avec déformation cornéenne.
Une expertise médico-légale a été ordonnée par le TGI, le patient ayant débuté une réclamation indemnitaire.
L’expert confirmera la bonne indication opératoire et une intervention effectuée selon les règles de l’art dont les suites sont cependant marquées par une infection du site opératoire même si le germe n’a pu être identifié. Le suivi et la prise en charge de cette infection sont également considérés comme conformes. Cette infection relève de la responsabilité de la clinique où a été opéré ce patient en application des principes de la loi du 4 mars 2002.
Cependant, l’avocat du patient a très justement fait remarquer que la fiche d’information remise à son client ne mentionne pas de manière détaillée les risques éventuels, notamment le risque d’infection. De même, la fiche d’information de la Société Française d’Ophtalmologie (SFO) n’a pas été remise au patient.
Si le dommage présenté par ce patient est bien à indemniser par l’assureur de la clinique (sur la base d’une infection nosocomiale), l’ophtalmologiste est également condamné sur la base d’une information défaillante, le document d’information ne mentionnant pas le risque d’infection, la fiche de la SFO n’étant pas davantage communiquée aux débats.
Un patient de 60 ans est porteur d’une myopie pour laquelle son ophtalmologiste lui propose une phakokératectomie réfractive de l’œil gauche. Le patient est informé de la technique, des résultats attendus et des risques. Il signe en ce sens une fiche de consentement éclairé.
L’intervention est pratiquée sur l’œil gauche le 13 juin 2014. Durant la procédure survient un incident de succion du kératome empêchant la réalisation du capot complet. Après cicatrisation, le patient est réopéré le 19 juin 2014 puis "retouché" le 29 août 2014. Malgré ces reprises, il conservera une gêne visuelle gauche et des irrégularités de la surface cornéenne avec des plis du capot. Une lentille sera mise en place.
Face à la survenue de cette complication, le patient débute une procédure amiable à l’encontre de l’ophtalmologiste traitant.
Après analyse, la survenue de cet incident fait partie des complications possibles lors de ces procédures, non fautives. Dès lors, en l’absence de manquement dans la prise en charge de ce patient, il était logiquement envisagé d’indiquer au patient que sa réclamation ne pourrait être satisfaite. Malheureusement, lors de l’instruction de ce dossier, l’ophtalmologiste concerné n’a pas été en mesure de fournir le moindre document attestant que ce risque opératoire avait été porté à la connaissance du patient et donc que l’information avait été délivrée. La fiche de consentement n’a pu être retrouvée, n’étant visiblement pas conservée par le médecin.
Dès lors, l’obligation d’information incombant au professionnel de santé n’a pu être démontrée, conduisant ainsi à indemniser le patient sur la base d’un défaut d’information.
Comme indiqué précédemment, une obligation d’information pèse sur le professionnel de santé, lequel doit démontrer qu’il a informé son patient, permettant à celui-ci de donner un consentement éclairé.
Si la preuve de la délivrance de l’information peut être apportée par tous moyens (présomptions, témoignages…), une preuve écrite reste bien entendu le moyen le plus sûr dès lors que ce document est conservé, archivé et peut être produit en cas de réclamation ou procédure contentieuse.
Depuis une vingtaine d’années, le devoir d’information et de recueil d’un consentement éclairé est connu de tous.
Malheureusement, l’archivage ou la traçabilité de ce consentement éclairé n’est pas toujours assuré. En effet, parfois le praticien archive ce consentement au cabinet, parfois ce consentement est archivé dans l’établissement de santé et parfois ce document s’égare entre le cabinet, le domicile du patient et l’établissement. Il est désormais indispensable de prouver ou pouvoir prouver si nécessaire que l’on a bien rempli ce devoir d’information et de recueil du consentement éclairé.
L’information peut être uniquement orale mais il est alors très difficile de prouver qu’elle a été délivrée et de manière exhaustive. Il est alors au minimum nécessaire de préciser si la consultation a eu lieu en présence d’un tiers ou d’adresser un courrier au médecin traitant ou correspondant l’informant par exemple de la chirurgie de cataracte prévue prochainement en raison d’une gêne fonctionnelle dont se plaint le patient.
Un expert judiciaire ou un expert CCI, ou encore un avocat, pourront reprocher au praticien d’avoir délivré une fiche d’information et de consentement trop optimiste, notamment pour les chirurgies qualifiées de confort par les juges, comme la chirurgie réfractive ou la chirurgie esthétique oculo-palpébrale.
Il est donc préférable de ne pas rédiger sa propre fiche d’information mais plutôt d'utiliser la fiche de la société savante, notamment celle de la Société Française d’Ophtalmologie.
Ainsi, tout praticien ophtalmologiste doit associer un acte chirurgical, un examen complémentaire invasif ou un acte thérapeutique type laser au recueil de la fiche SFO rendue signée par le patient. Aucun patient ne devrait entrer au bloc opératoire sans que son consentement signé sur fiche SFO ne soit présent dans le dossier médical au même titre qu’actuellement, en règle générale, aucun patient ne rentre au bloc sans avoir un test PCR Covid négatif dans les 48 heures précédentes.
Dans les procédures mettant en cause la responsabilité civile professionnelle des médecins ou chirurgiens, les erreurs médicales sont exceptionnelles mais les reproches pour défaut d’information ou défaut de recueil d’un consentement éclairé sont malheureusement fréquents. Ils peuvent faire basculer une analyse de dossier de "soins diligents et conformes" en "dossier fautif pour défaut d’information, défaut de preuve de l’information délivrée avec absence de preuve d’un consentement éclairé".
Idéalement, la fiche SFO avant chirurgie de cataracte par exemple, doit être donnée au patient lors de la prise de rendez-vous opératoire mais elle ne doit pas être rendue signée et datée le jour où la date opératoire est fixée mais plutôt le jour du bilan préopératoire en cas de biométrie ou le jour de la consultation anesthésique. Ceci pour prouver qu’un délai de réflexion a été laissé au patient.
De même, cette fiche SFO ne doit pas être signée le jour de l’opération puisque le patient ne manquera pas de préciser qu’il a signé un document à l’entrée du bloc, en ne voyant rien puisqu’il n’avait pas ses lunettes et que sa pupille était dilatée avant d’être opéré.
En cas de fiche oubliée à domicile, cette dernière pourrait être signée en préopératoire immédiat le jour-même, à condition d’annoter ce dernier document : "consentement remis en consultation, oublié à domicile".
Il est donc absolument nécessaire de progresser sur le recueil, l’archivage et la traçabilité des consentements éclairés avant acte opératoire ou acte thérapeutique non chirurgical (laser, angiographie…).
Depuis de nombreuses années, diverses solutions ont été proposées ou mises en place, visant à tracer et sécuriser non seulement l’information délivrée mais aussi le recueil du consentement, avec plus ou moins de réussite concernant ce dernier point.
En effet, la difficulté porte souvent sur la façon de démontrer que le document d’information a bien été remis au patient en préopératoire. Document égaré, oublié, mal archivé ou incomplet... les cas d’usage sont malheureusement fréquents et sources de difficulté médico-légale lorsqu’il s’agit de tracer ce point précis.
De nombreux acteurs ont tenté de mettre en place des solutions sécurisant cette pratique. Le développement de la e-santé a également permis d’aborder cette thématique médico-légale, notamment en termes de traçabilité de la délivrance d’une information adaptée mais aussi et surtout du recueil d’un consentement éclairé.
Une jeune start-up française a retenu notre attention sur ce sujet, proposant une solution dématérialisée du recueil du consentement, assurant ainsi la traçabilité indispensable d’un point de vue médico-légal.
Cette solution dématérialisée est ORDOCLIC.
Le Dr Guillaume Gobert, médecin fondateur d'ORDOCLIC, répond à nos questions et nous explique comment sa solution permet de recueillir le consentement du patient de façon dématérialisée.
ORDOCLIC est une start-up médicale œuvrant pour la digitalisation du parcours de soin, que j’ai créée il y a 4 ans maintenant.
ORDOCLIC a d’abord développé une expertise dans la dématérialisation des ordonnances électroniques. Cela impliquait déjà, tout comme le e-consentement, un protocole de sécurité renforcé, une connaissance pointue des besoins des professionnels de santé, et la capacité à gagner la confiance des patients pour les aider à gérer leurs ordonnances.
Autour de la prescription électronique, ORDOCLIC a développé des solutions complémentaires et, tout naturellement, autour du e-consentement. Aujourd’hui, ORDOCLIC propose des outils 100 % personnalisables permettant aux professionnels de santé de proposer de nouveaux services aux patients en leur nom et sans intermédiation.
ORDOCLIC propose une solution de recueil du consentement des patients en ligne, dématérialisée, horodatée et stockée de façon sécurisée pendant 20 ans sur des serveurs agréés pour l’hébergement de données de santé.
Le professionnel génère un consentement sur son compte ORDOCLIC et l’envoie au patient. Le patient le reçoit par e-mail ou SMS et le signe à l’aide d’un code qu’il reçoit par SMS. Signé, le consentement est automatiquement transmis au professionnel de santé, qui peut y accéder dans son compte ORDOCLIC à tout moment, pendant 20 ans (la durée légale).
Le e-consentement d’ORDOCLIC repose sur un ensemble de procédés cryptographiques, incluant un horodatage. Une fois signé, le consentement ne peut pas être modifié ou falsifié. Il est archivé avec traces sur un serveur HADS pendant toute la durée légale.
Sur votre compte ORDOCLIC, dans les documents envoyés, avec le nom du patient.
Plus besoin de dossier papier. ORDOCLIC est en charge de l’archivage des preuves ; vous pouvez bien sûr en garder une copie sur vos propres supports sécurisés.
ORDOCLIC stocke toutes les données de santé sur un hébergeur agréé français (Claranet).
Oui, vous pouvez modifier le modèle du consentement envoyé au patient, en créer un par type d’intervention, par lieu d’intervention, etc.
Nous vous conseillons d’ailleurs d’intégrer dans le consentement les recommandations et fiches d’information des sociétés savantes, afin que votre patient puisse les lire lors du délai de réflexion.
Pour aller plus loin
> L'information du patient (CNOM)
> Notre dossier thématique "L'information au patient"
> Notre livre blanc "L'obligation d'information"
Dr Thierry Houselstein
Médecin généraliste, diplômé de Réparation Juridique du Dommage Corporel, d’expertise médicale et d’assurance de personnes, titulaire d’un MBA Economie de la Santé (Paris Dauphine), Directeur Médical du Groupe MACSF, membre du Comité Exécutif. Le Dr Houselstein est également le responsable des relations institutionnelles à la MACSF.Chaque mois, recevez toute l’actualité sur votre profession et votre spécialité
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